Armorique et périls
Guerre des Michel entre Cathos et Rouges, match rugueux sous la tempête, mais aussi Drogba et Makelele, jeunes entraîneurs et vieux briscards: le foot breton a du bon.
Merci Chelsea
Le problème avec le Stade Brestois, c’est qu’il faut désormais un minimum de bouteille – dans les deux sens du terme - pour se rappeler l’époque où le FC Brest-Armorique terrorisait l’OM de Tapie et les Girondins de Bez dans l’antique D1. Dissous en 1991 par la DNCG, relégué en CFA et rebaptisé Stade Brestois 29, le club souffre encore aujourd’hui de l’anonymat dans lequel il est plongé depuis dix-sept années. Dans le même laps de temps, à Vannes, l’UCK – patronage catholique n’ayant rien à voir avec les milices kosovares – fusionne avec les laïcards du FC Vannes (ex-Véloce Vannetais) en 1998. Issue d’un mariage de raison, l’entité créée prend le nom de Vannes Olympique Club, débute en Division d’Honneur, et accède dans la foulée au CFA.
Le début des années 2000 est une période charnière pour les deux clubs. La nouvelle réglementation FIFA impose aux clubs pro le reversement aux clubs formateurs des joueurs concernés d’une partie des indemnités de transfert, et en 2003 Brest touche quelques dizaines de milliers d’Euros sur le transfert de Claude Makelele du Real Madrid à Chelsea. Le club oublie un instant ses mauvaises habitudes, ne boit ni ne fume tout le pactole, et l’équipe accède l’année suivante à la L2. En 2004, la Bretagne stupéfaite apprend que Didier Drogba a passé une partie de son enfance d’abord à Brest, puis au FC Vannes: son transfert de l’OM à Chelsea rapporte 180.000 euros au petit club morbihanais, et l’année suivante le VOC accède au National…
Michel et Michel
Président acharné de Brest durant de longues années, pratiquement depuis sa refondation, Michel Jestin a été le symbole d'un club courant parfois maladroitement après son lustre d'antan. Dirigeant pendant les années sombres de l'amateurisme, il démissionne en 2006 dans des conditions rocambolesques, mis en minorité par son ami et actuel président du Stade, Michel Guyot. Toujours supporter nostalgique du club, il prend en main au printemps 2008... Vannes, promu en L2, héritant d'une structure totalement novice à ce niveau.
Pendant que Guyot rame en rade de Brest, se débattant entre des résultats sportifs médiocres, des changements d'entraîneur, les insultes des supporters, un hypothétique projet de nouveau stade et des velléités récurrentes de se débarrasser du club, Jestin porte le projet vannetais toujours plus haut et lui fait gagner petit à petit le respect de ses nombreux voisins bretons. Agrandissement du stade, partenariats économiques, communication: à ce rythme-là, Vannes ne fera effectivement bientôt plus rire.
Côté effectifs, les deux clubs allient vieux briscards et jeunes prometteurs. Laurent Hervé (32ans), Fabien Boudarène (30), Pascal Delhommeau (30), Christophe Avezac (31) encadrent à Vannes Benoît Costil (21), gardien des -17 ans champions d'Europe en 2004 (la fameuse génération 1987 de Ben Arfa, Benzema, Nasri et Menez) ou Sammaritano (22) encore buteur face à Brest. En Finistère, Yoann Bigné (31) et Olivier Guégan (36) tiennent la boutique en milieu de terrain avec l'espoir algérien Brahim Ferradj (22), tandis qu’Ahmed Kantari (23) a laissé entrevoir des aptitudes en défense qui méritent mieux que la L2.
Deux garçons plein d'avenir
Dernier parallèle entre les voisins, leurs entraîneurs : Stéphane Le Mignan à Vannes et Gérald Baticle à Brest. Le premier est l'enfant du pays, né à quelques kilomètres de La Rabine, ancien joueur amateur dans le Morbihan et à Vannes, il en devient le coach en 2002 à seulement vingt-huit ans. Quitte à donner dans le cliché, on dira de lui qu'il est à l'image de la carte postale du Breton taiseux, rigoureux, et franc. Le projet sportif vannetais repose entièrement sur lui et ses convictions de jeu très organisé et réaliste. À trente-quatre ans, il est le plus jeune entraîneur de club professionnel français, et pas le moins prometteur.
Baticle, pour sa part, découvre également la L2 mais depuis seulement quelques semaines. Tandis que Le Mignan solidifie patiemment son équipe année après année, le Stade Brestois aura consommé sur la même période quatre techniciens, dont deux en deux ans. Le dernier en date, Pascal Janin, totalement lâché par ses joueurs, le sera également par ses dirigeants à l'automne. Après un bref intérim du directeur sportif Corentin Martins, son ami et ancien coéquipier à Auxerre est appelé au chevet de l'équipe. Basé sur son vécu professionnel et son expérience auprès de Guy Roux puis des jeunes du centre de formation d'Auxerre, son projet de jeu offensif n'a pas encore eu le loisir de s'exprimer, mais comme à ses prédécesseurs, on lui a promis qu'on lui en laisserait le temps.
Francis Le Blé, morne plaine
Disputée sous un vent à ne pas mettre un korrigan dehors, ce premier derby ne laissera pas de souvenir inextinguible. Deux équipes regroupées en défense se rendant coup pour coup et oubliant de jouer au football, quarante-cinq premières minutes indignes de ce niveau – marquées surtout par l'avertissement d'un remplaçant de Vannes – provoquaient les sifflets du public à la pause. À la reprise Brest manquait l'immanquable, touchant les montants de Costil deux fois dans la même action, avant de se faire piéger par un but de Sammaritano tellement étrange que même le conservateur Télégramme de Brest se permettra de faire de l'humour (''un but tellement moche que l’on ne voit même plus sur les terrains de district''). Sans réaction ni imagination, les locaux laissaient filer le match. Au classement Vannes repasse devant Brest. Michel Jestin tient une revanche.