Aux frontières du Real
Souverain il y a encore quelques jours, proche de distancer significativement Barcelone, le Real Madrid est désormais dans la position du poursuivant en Liga. Encore en lice dans trois compétitions, la formation de Carlo Ancelotti trahit ses limites actuelles.
Pepe qui se fait déposer par une aile de pigeon de Ivan Rakitic face au FC Séville mercredi (1-2) sur le but vainqueur andalou, Sergio Ramos et Xabi Alonso tombant dans le piège pour offrir deux penalties victorieux au Barça dimanche (3-4): le Real Madrid cède sur des erreurs de jugement étonnantes pour des joueurs de cette expérience. Il rompt alors qu’il mène au score et ne parvient plus, ensuite, à imprimer le rythme qui fait habituellement sa force. Gareth Bale et Cristiano Ronaldo tentent alors des frappes de loin et l’équipe semble essoufflée physiquement et émotionnellement, sans solution technique ni collective. À l’orée des rendez-vous importants du printemps, le Real Madrid suscite encore des doutes quant à sa capacité à s’inscrire dans le camp des grands, de ceux qui écrivent véritablement leur époque.
Forcer la décision
La dernière grande victoire du Real Madrid décisive en vue d’un titre majeur est probablement le 2-1 remporté au Camp Nou le 21 avril 2012, à l’issue d’un match maîtrisé qui l’amènera à son 32e titre de champion d’Espagne aux dépens d’un rival qui éclaboussait la scène domestique et européenne depuis quelques années. Il bat quelques jours plus tard le Bayern Munich en demi-finale retour de la Ligue des champions, mais est éliminé aux tirs au but, avec notamment des échecs de Cristiano Ronaldo et Sergio Ramos. Là encore, la Maison blanche avait pris les devants, menant rapidement 2-0 grâce à un doublé précoce de son attaquant portugais, avant de ne pas parvenir à assurer la décision, de ne pas réussir à franchir le pas suivant. À quelques encablures d’une finale de C1 qui la fuit depuis 2002.
Peut-être manque-t-il au Real des joueurs de la trempe des très grands, des plus constants, de ceux qui font la décision régulièrement dans les rendez-vous importants comme Xavi, Iniesta ou Messi à Barcelone. Enfin si, il en a un, mais il est sur le banc en Liga, situation héritée d’un début de saison compliqué sous la houlette de José Mourinho l’an passé. Cet homme, c’est Iker Casillas, et il ne dispute plus que les rencontres de Coupe du roi et de C1. Malgré de bonnes performances, il est difficile de mesurer ce que vaut réellement le gardien de la Roja à l’heure actuelle et ce qu’il peut apporter encore à un club où on le dit isolé et aussi prêt à rester qu’à y réfléchir. Plus inquiétante est la méforme actuelle de Xabi Alonso, naïf à Santiago Bernabéu, dimanche face à Iniesta, et complètement défaillant mercredi à Sánchez Pizjuán, ratant un grand nombre de passes et affichant un niveau technique indigne de celui qu’on lui connaît.
Se remettre dans le bon sens
Le mariage de classe entre le Real Madrid et Carlo Ancelotti doit pourtant avoir raison. Le technicien italien, connu pour son goût du jeu offensif, répond en théorie aux exigences du club castillan. Son projet basé sur la possession, son adaptabilité et sa réactivité tactique, replaçant Ángel Di María face à la blessure de Sami Khedira, l’épanouissement de Luka Modric et de Karim Benzema sont autant de facteurs qui vont dans ce sens et expliquent notamment l’excellent début d’année 2014. Carlo Ancelotti devra user de son expérience et de sa sérénité, comme lorsqu’il a déclaré après la défaite de Séville: “J'ai dit de nombreuses fois quand tout se passait bien qu'il y aurait des moments difficiles. Ce moment est arrivé. Nous devons réagir, avec du caractère de la part de tout le monde. Perdre deux matches n'est pas bon à ce moment de la saison, nous avons besoin de croire que nous pouvons y arriver. Nous sommes trois points derrière l'Atlético, deux derrière le Barça et tout est possible. C'est sûrement plus compliqué, mais ce n'est pas impossible.”
Le Real Madrid ne part pas de rien, loin de là et particulièrement cette saison où il semble en réel progrès. Mais il doit surtout faire face à un contexte concurrentiel de très haut niveau, face au surprenant et coriace Atlético et au requinqué Barça [1] en championnat, plus le Bayern Munich, Chelsea et le Paris Saint-Germain en C1. Avec, de plus, d’ici à la mi-avril, des revanches face au Borussia Dortmund en LDC (le 2 et le 8), et à Barcelone en finale de la Coupe du roi (le 16), la chance des Merengues est de ne pas avoir le temps de douter et de pouvoir se concentrer tout de suite sur ces défis que l’on attend de leur voir relever depuis quelques saisons désormais. Avec ce Real Madrid, la frontière entre l’échec et la consécration semble souvent ténue. En réalité, elle lui est formidablement difficile à franchir.
[1] À ceci près que Víctor Valdés vient de contracter une blessure sérieuse (rupture des ligaments croisés du genou droit) dont les conséquences devront se mesurer.