Bourgoin toutes voiles dehors, face au vent
Le cartel des “réformateurs“ a certes conquis le pouvoir à la Ligue, mais aussi porté involontairement à sa tête un personnage dont on se demande de plus en plus s’il a vraiment le profil pour assumer des responsabilités aussi politiques. L’avocat lyonnais André Soulier serait resté plus sagement dans le giron d’Aulas, mais il ne pouvait rassembler sur son nom la majorité qui fut nécessaire au basculement. Alors, Bourgoin sera-t-il l’homme de paille qu’espèrent ceux qui l’ont mis dans son actuel fauteuil et qui attendront un retour d’ascenseur, ou bien un incontrôlable qui amènera rapidement la Ligue au chaos et à la zizanie? Car Le Graët avait au moins pour lui cette capacité à reconstruire des consensus même fragiles et surtout à mener une politique cohérente avec le soutien de toute la “famille“ (clubs, éducateurs, entraîneurs, joueurs, arbitres et monde amateur). Avec une majorité très fragile et sous la pression des impatients, quelle sera la marge de manœuvre de son successeur, combien de temps durera son état de grâce, si tant est qu’il en ait un?
Jusqu’à présent, Bourgoin a surtout fait valoir son style de fort en gueule, dans un registre classique de patron de PME qui veut faire peuple, ce qui lui permet aussi de marquer sa différence avec les nouveaux grands bourgeois du foot français (Aulas, Blayau, Campora, Perpère, Triaud...). Mais derrière les (gros) mots, trouvera-t-on une vision d’ensemble et une volonté claire? Si l’opposition reprend le dessus sur certains dossiers, la Ligue ne risque-t-elle pas tout simplement l’implosion? Entre l’enclume et le marteau, dans les situations de crise qui ne vont pas manquer de se déclarer, comment réagira le nouvel élu?
Les limites de l’ex-vice-président de l’AJA apparaissent dans des déclarations à l’emporte-pièce ou d’une confondante naïveté envers les puissants qui comptent sur lui (comme Darmon, voir L’Equipe du 18/07). Sa mégalomanie et ses contradictions semblent elles sans limites, et ce n’est pas pour rassurer… On veut bien avoir la patience de juger sur pièces, comme nous y incitent certains lecteurs, mais le tableau est clair: soit Bourgoin suit la ligne Aulas-Campora-Martel et l’on connaît d’ores et déjà les moyens et les conséquences d’une telle orientation, soit il tente de composer et s’expose de tous côtés. Dans ce dernier cas, la grande réforme risque de tomber à plat, en laissant des fractures irréparables et en créant une situation ingérable pour le président de la Ligue. Quel que soit le cas de figure, notre pronostic est effectivement pessimiste, parce que Le Graët était vraisemblablement le seul à pouvoir éviter le chaos…
Lors du premier conseil d’administration sous sa présidence, ce mardi 18 juillet, Gérard Bourgoin s’est bien tenu, faisant part de son émotion à tout bout de champ et se félicitant de l’unanimité qu’il prétend réunir autour de lui (“tous les membres que j’ai proposés ont été élu d ‘une façon magistrale“ — Foot365). Il a confirmé la création d’un “Conseil des présidents“ qui aura vocation à devenir le véritable pouvoir exécutif de la LNF, un pouvoir que les dirigeants pourront ainsi s’approprier via cette instance… L’éventuelle épuration des différentes commissions est reportée à octobre, le temps de construire les réseaux des nouveaux maîtres de maison.
Surtout, Bourgoin sera flanqué d’un vice-président délégué, en la personne incontournable de… Jean-Michel Aulas. Cela nous promet un fameux numéro de ventriloques, dans lequel personne ne voudra jouer la marionnette! Voilà en tout cas le duo aux commandes pour combler le retard-du-football-français. Du football français champion du monde et d’Europe?