Corée du Sud : le minimum syndical
Le rapport 2001 d'Amnesty International déplore, pour le régime du président Kim Dae-jung, le maintien de la peine de mort, une loi de sécurité nationale qui autorise des dérives policières et des atteintes aux droits des accusés, l'absence de garantie constitutionnelle pour les droits de l'homme… Dans ce paysage, la situation des droits syndicaux est particulièrement déplorable.
Les syndicats entre la matraque et le mitard
Les ONG dénoncent depuis longtemps les graves atteintes aux droits syndicaux en Corée du Sud. Le 28 mars dernier, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a lancé un appel à l'Organisation internationale du travail et au gouvernement sud-coréen, dénonçant "la poursuite de violations graves et répétées des droits syndicaux par les autorités sud-coréennes". Il est question d'arrestations de syndicalistes (105 en 2001), de violences policières, d'interdictions des syndicats dans les services publics, de non-respect du droit de grève (voir ci-dessous). Les conditions de détention de ces hommes — qui sont de fait des détenus politiques — consistent en 23 heures d'isolement en cellule et une heure d'exercice par jour (source Union Networks International, juin 2001).
Il faut ainsi savoir que la principale revendication du mouvement — avec la semaine de cinq jours! — concerne la libération de 41 leaders syndicaux actuellement emprisonnés pour grève illégale.
Sud Corée
Le KCTU, qui appelle à la grève, a été créé à la fin de l’année 1995 par le regroupement de nombreux syndicats indépendants, bouleversant le paysage syndical. Cette Confédération s’est affirmée comme plus déterminée mais aussi plus politique, luttant pour l’extension des droits démocratiques. Elle est particulièrement impliquée dans les vastes mouvements de grève déclenchés depuis l'hiver 97 et compte aujourd'hui 650.000 membres.
Le gouvernement et les syndicats avaient conclu en février 1998 un pacte de réforme du système social, qui échangeait une plus grande flexibilité du marché de l’emploi par une série de dispositions facilitant le licenciement contre une reconnaissance complète des droits syndicaux et la création d’un système d’assurance chômage. Dans un contexte de crise économique asiatique qui a rendu la situation sociale plus précaire, ce contrat n'a pas été respecté, par plus que l'engagement du président Kim Dae-jung à entreprendre des réformes politiques et judiciaires. Le chef du Parti démocrate du millénaire a été plus préoccupé du rapprochement avec la Corée du nord, couronnée par un prix Nobel de la paix. Ses velléités de libéralisation des "droits humains" — même s'il a suspendu les exécutions capitales — n'ont certes pas été encouragées par les partis de sa coalition.
Les conflits sociaux sont-il solubles dans le football ?
"Le gouvernement réagira fermement face aux grèves illégales et aux mouvements collectifs qui pourraient ternir l'image du pays durant la Coupe du monde" (AFP).En France, on avait entendu des cris d'orfraies devant des intentions de grève dans les transports, appelant à la suspension de toute vie sociale, politique ou intellectuelle pendant la durée du culte. En Corée, l'avertissement ci-dessus indique que les autorités considèrent le mouvement comme illégal et qu'elles vont comme de coutume choisir l'épreuve de force et appliquer cet "usage excessif de la violence pour réprimer des mouvements de protestation syndicaux" qui leur est reproché par Amnesty.
On se souvient peut-être de l'épopée des trois syndicalistes de Daewoo venus en Europe traquer leur ancien président recherché pour fraude. Ils avaient installé leur camp de base à Paris en février 2001 et avait suscité une certaine sympathie. Aujourd'hui, on entend beaucoup parler de la Corée, dans les magazines et les magasins, dans la presse sportive et dans les émissions culturelles. Mais comme la Coupe du monde est ce grand moment de bonheur aveugle et que le football ne se mêle pas de politique, la plupart des médias s'en tiendront aux images d'Epinal sur le pays co-organisateur. Toutes les occasions sont pourtant bonnes à saisir pour montrer aussi le revers de la brochure touristique.
Extrait du rapport 2001 de la CISL (octobre 2001)
"Sous le coup d'une procédure spéciale de surveillance au sein de l'OCDE, la République de Corée se distingue tristement par ses entraves au droit de grève, ainsi que par ses nombreuses arrestations et violences à l'encontre des syndicalistes.
Le droit de grève y est largement bafoué: en plus d'une loi interdisant la grève pour certains travailleurs gouvernementaux et d'une loi allongeant de manière abusive la liste des services essentiels, l'article 314 du code pénal considère la grève comme une "obstruction aux affaires" et sert de prétexte à de nombreuses violences et arrestations de grévistes. En quatre années de présidence du lauréat du prix Nobel, Mr Kim Dae Jung, plus de syndicalistes ont été arrêtés que dans les cinq années précédentes, démontrant ainsi de manière emblématique la politique antisyndicale du gouvernement. Parmi ces 105 syndicalistes arrêtés en 2001, Mr Mun Sung-Hyun, Président de la Fédération des métallos coréens, Mr Dan Byung-Ho, président de la Confédération Coréenne des Syndicats (KCTU), Mr Lee Yong Deuk, président du Syndicat du Secteur financier de Corée, se trouvaient encore en prison à la fin de l'année".
Voir aussi :
Le communiqué de la CISL.
Le dossier d'Amnesty International à propos des pays organisateurs.