Courbis toujours prêt
On peut parfois douter des pures qualités techniques de Rolland Courbis en tant qu'entraîneur, mais il n'est pas possible de lui retirer la panoplie des personnages très divers qu'il peut interpréter, et pour lesquels son talent est reconnu: psychologue, agent de joueur, responsable du recrutement, comédien, humoriste, initié... Parmi ces nombreuses casquettes, celle de spécialiste en communication n'est pas la moindre, que ce soit avec les médias ou dans son environnement sportif immédiat.
Absent de la scène quelques mois seulement, Courbis a donc fait son retour au RC Lens, terre d'accueil paradoxale compte tenu du contraste entre son personnage de "sudiste" et l'Artois, mais aussi des antécédents polémiques (l'affaire des pingouins). Du pain béni pour les journalistes, qui vont pouvoir broder à loisir sur ce choc culturel, et retrouver un de leurs tout meilleurs clients.
Lens n'étant pas Strasbourg, le charme de Courbis semble y opérer presque plus aisément qu'ailleurs. Avec une science incomparable, il est parvenu à se mettre les supporters dans la poche aussi vite que les joueurs, à coups d'humilité, de naturel et de bagout. L'homme est forcément attachant, son aura sulfureuse fascine plus qu'elle n'inquiète... Il faut dire que nous avons droit à la version bon gars de l'ami Rolland. Le chambreur qui est en lui est toujours vivant, mais en veille pour le moment (le troisième est le trouveur d'excuses pour justifier des résultats décevants, il n'a donc pas eu l'occasion de servir).
Toujours est-il que le nouveau coach nordiste met à profit son actuel état de grâce et les deux victoires consécutives des Sang et Or pour occuper le terrain médiatique, selon une campagne assez bien organisée: L'Equipe magazine, France Football, Infosport, AFP, Reuters... On se demande s'il a eu le temps de diriger les entraînements de son équipe cette semaine, mais Courbis adore ça et en plus, il a quelques raisons de préparer son retour au Vélodrome, placé sous des auspices incertains. Il sait en effet dans quel sens souffle le mistral à Marseille et a donc quelques raisons de craindre la grande rancœur des supporters. Aussi répète-t-il souvent dans les interviews que seule la fin de son mandat fut négative, que son bilan est très honorable, qu'il ne faut pas l'oublier. Et comme les bons sentiments ne suffisent pas, il vient avec son bouc émissaire de rechange: Bernard Casoni, qu'il désigne comme responsable de la chute d'une équipe ("qui jouait encore l'Europe"), doublement coupable d'avoir trahi sa confiance et commis de graves erreurs sportives. En dernier recours, Courbis endossera un autre de ses costumes: celui de martyr. "Si on me siffle, j'espère que ce sera seulement en tant qu'entraîneur de l'équipe adverse. Si ce n'est pas le cas, que les gens se défoulent en m'insultant, j'aurai au moins l'impression de servir à quelque chose" (AFP 11/08)
Et pour finir, une petite couche de flatterie, non dénuée d'ironie, car il faut bien mettre la pression sur l'adversaire: "Il ne faut pas se cacher que Marseille est favorite dans ce match. Compte tenu du public pour commencer, il est toujours difficile de s'imposer au Stade Vélodrome. Et l'OM a dépensé deux fois plus que nous pour son recrutement. " (Reuters 11/08).
On ne sait pas si l'effet Courbis durera à Lens, s'il permettra à l'entraîneur de remporter le premier titre de sa carrière (!), et lui non plus ne doit pas en être certain. Mais on peut être sûr qu'il occupera le terrain médiatique avec autant de constance que le terrain "politique" au sein de son nouveau club. Le feuilleton "Courbis à Lens", même s'il est bref, sera riche en épisodes.