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Cruyff, par Johan

Bibliothèque – Publié un peu plus de six mois après sa disparition, Mémoires, témoignage à la première personne du Hollandais volant, lui permet de donner une dernière fois son avis à travers sa vie. Avec les mêmes convictions qu'au premier jour.

Auteur : Christophe Kuchly le 26 Oct 2016

 

 

"De plus, de nos jours, on vit une époque d'explication à tout-va sur la base de vidéos, d'analyses, etc. N'importe qui peut vous donner l'explication. Mais trouver soi-même la solution, c'est une autre paire de manches!" Dans la dernière partie de Mémoires, l'autobiographie de Johan Cruyff écrite en collaboration avec David Walsh (qu'on préfère largement ici que quand il parle du cyclisme britannique), le numéro 14 lâche cette phrase très révélatrice de sa pensée. Contrairement à tous ceux qui gravitent autour du football, notamment les journalistes, ceux qui ont foulé les terrains, lui en particulier, ont un savoir qu'ils peuvent mettre au service de leur sport. Car le fil rouge des 400 pages de l'ouvrage n'est pas tant la vie de l'homme que les convictions qui l'animent.

 

 

 

Cruyff, joueur

Sa carrière de joueur, Cruyff la raconte de manière chronologique et plutôt linéaire, sans vraiment trier entre bons et mauvais moments. Sans expliquer non plus ce qui le rend si spécial ballon au pied, un peu comme si toute cette part de talent inné ne l'intéressait pas car elle ne s'explique pas. Comment s'est-il retrouvé dans l'équipe première de l'Ajax? Presque logiquement assure-t-il, lui qui a passé toute sa jeunesse autour des terrains du club et côtoyait depuis longtemps les seniors. Avec les années, celui qui a longtemps eu l'épaisseur d'une crevette a progressé physiquement et franchi tranquillement les étapes, d'une équipe de jeunes à une autre. Jusqu'à arriver chez les A donc, un rêve qui se réalise et lui permettra d'être coaché par Rinus Michels, qui deviendra son modèle.

 

Une fois que le très dur Rinus s'en va, le club continue à gagner mais son remplaçant, Stefan Kovacs, est trop coulant. Critique du manque de leadership du Roumain, Cruyff, qui prend sur lui de faire les reproches que l'entraîneur évite, divise et claque la porte direction Barcelone. Accueilli en star, il répond aux attentes sur le terrain en faisant un excellent premier match (comme à chaque fois qu'il enfile une nouvelle tenue, c'est lui qui le dit) et se plaît dans une Catalogne dont il ne comprend pourtant qu'en partie la mentalité particulière, surtout dans une période importante sur le plan politique. Il nomme son fils Jordi sans aucune idée de revendication catalane, et part jouer une Coupe du monde où il prend un plaisir fou malgré une finale perdue sur un pêché d'orgueil. Puis fait quasiment faillite sur un investissement porcin dont il ne comprend toujours pas la raison, part aux États-Unis, revient à l'Ajax et termine à Feyenoord pour embêter son club, coupable à ses yeux de l'avoir traité comme un joueur en bout de course plutôt qu'en star. Aucun mot sur le crochet par Levante en 1981.

 

 

Cruyff, changé

Sur toutes ces périodes, assez peu de révélations pour qui connait bien le joueur et sa personnalité: sûr de lui et de son talent – plus tactique que technique d'ailleurs –, il ne supporte pas qu'on s'oppose à lui si ses arguments sont bons. Et comme ce sont les siens, il estime qu'ils le sont. Deux axes: je sais mieux que vous ce qu'il faut faire pour atteindre la perfection collective et je fais ce que je veux en dehors. Il y a pourtant un vrai respect de la hiérarchie sportive et, s'il estime devoir être le relais de l'entraîneur sur le terrain et donc participer à l'élaboration de la stratégie, il ne veut pas être le patron. Seul Hennes Weisweiler, éphémère et intransigeant coach du Barça, a droit à un portrait peu flatteur. Le choc avec la rigidité allemande passe mal pour celui qui garde de son éducation néerlandaise le goût de la liberté… et s'épanouira logiquement beaucoup aux États-Unis.

 

C'est peut-être là la plus grande surprise de Mémoires: le long passage consacré à l'aventure américaine, qui l'enrichit beaucoup et lui servira au moment de créer sa fondation. S'il s'attarde assez peu sur l'aspect sportif, Cruyff disserte longuement de la philosophie des sports américains, notamment du baseball qu'il a pratiqué étant jeune, et de leur structuration. Aux côtés d'Andy Dolich, vice-président des Washington Diplomats, il avoue apprendre énormément sur tout le hors-terrain, lui qui se contentait de réfléchir à la manière d'optimiser les choses sur le pré. En lui donnant des armes, cette rencontre va beaucoup influencer la suite de sa vie: désormais, Johan Cruyff a un modèle de gestion et il combattra tout ce qui déviera de son plan. La diplomatie? Il le regrette parfois, mais ce n'est pas son fort.

 

 

Cruyff, entraîneur et conseiller

Le joueur qui entraînait devient un entraîneur qui joue. Une petite entourloupe au règlement d'alors pour devenir coach de l'Ajax, la découverte de talents, les trophées, les conflits, le départ. Finalement, rien ne change ou presque: soit on est avec lui, soit on est contre lui. Et comme ses demandes sont très précises et le milieu très attaché à ses privilèges, ça se passe rarement bien. Le schéma se répète à Barcelone, où la méfiance initiale envers le président Nuñez deviendra finalement énorme conflit. Dépeint, comme beaucoup de décideurs, comme un homme malhonnête et néfaste à son club, Nuñez souffre de la comparaison avec Laporta, modèle de gestion selon le Néerlandais: quelqu'un qui sait s'entourer, délègue, et applique les conseils donnés. Qui reste à sa place, donc.

 

À de nombreuses reprises, Cruyff essaiera de redonner à l'Ajax son lustre d'antan via un rôle de conseiller. Et, à chaque fois, cela se termine avec fracas quand il se rend compte qu'on utilise politiquement son aura sans l'écouter. Profondément attaché à son club, il livre finalement un constat désabusé, qu'il étend à l'ensemble du football néerlandais et qui reprend les thématiques de ses dernières chroniques dans De Telegraaf: en mettant des politiques plutôt que des formateurs et anciens joueurs aux postes clés, l'Ajax a tué ce que lui et Rinus Michels avaient créé. Ce sont là les rares regrets d'une autobiographie où les rares échecs sont souvent vus comme des expériences de vie, confirmant ainsi ce qu'on sait du caractère du personnage, qui balaye rapidement le négatif d'un revers de main et passe à la suite.

 

 

Cruyff, épanoui

Hormis pendant ce passage un peu longuet, où les jeux de pouvoir avec les différents directoires de l'Ajax finissent par être répétitifs, lire cet ouvrage rend heureux. Lui aussi semblait l'être. À travers sa fondation, dont la genèse vient de sa période américaine, il aide les exclus par le sport et semble en tirer une grande fierté, plus que de ses nombreux titres en tant que joueur et entraîneur. Pour la modestie, comme prévu, il faudra repasser: sur tous les sujets touchant au ballon rond, Johan Cruyff sait tout mieux que tout le monde. Mais il y a une logique à son raisonnement, qu'on croie aveuglément ou non le récit qu'il fait de sa vie. "Il n'y a personne, dans le football, qui en sache plus que moi sur la tactique, la technique et la formation de jeunes, expose-t-il dans les dernières pages. Alors, à quoi bon discuter avec moi? Écoute-moi plutôt et prends-en de la graine. Quelle taille il a, ton ego, si tu comprends pas cela? Je suis bien content, moi, d'avoir écouté les gens formidables qui m'entouraient et qui, finalement, m'ont mis sur la bonne voie. "

 

Quel meilleur résumé de sa philosophie de vie? Dans tous les domaines où il sait ne rien connaître, il a toujours essayé de s'entourer de spécialistes à qui il faisait totale confiance. Et puisque lui est spécialiste de tactique et de gestion d'un club, il veut qu'on l'écoute sans jamais le remettre en question. Une utopie (et pas nécessairement une garantie de succès) qui s'appuie néanmoins sur beaucoup de réussites. À le lire exposer longuement ses principes de jeu basés sur l'offensive, difficile de disqualifier ses idées. À réfléchir à ses critiques des clubs où on pense de haut en bas au lieu de partir du terrain, impossible de ne pas penser à tous ces dirigeants d'entreprises qui arrivent dans le foot sans en connaître les codes. Et qui, à vouloir trop s'impliquer, se plantent en beauté.

 

Note de l'auteur: L'ouvrage, comme ceux des Cahiers, est publié chez Solar. Cela n'a pas influé sur le contenu de l'article.

 

Réactions

  • Richard N le 26/10/2016 à 09h55
    La lecture de cet article nous conforte dans l'idée que le livre doit être lu, notamment par ceux qui prenait un plaisir fou à lire les interviews de Johan Cruijff.
    Bravo et merci pour cet article convainquant, Christophe.

  • Lionel Joserien le 26/10/2016 à 11h35
    Pas mieux que Richard.

  • Espinas le 26/10/2016 à 15h36
    Oui, ça donne envie

  • valdo le 26/10/2016 à 15h39
    L'accroche de Cantona sur la couverture et les quelques mots de Cruyff lui-même à la fin de l'ouvrage me conforte dans l'idée que la modestie n'a pas lieu d'être chez certains. Il y a une grande beauté à assumer son ego hors norme.
    A l'inverse la fausse modestie n'est que mesquinerie et construction médiatique.

  • Radek Bejbl le 26/10/2016 à 16h00
    Je suis entièrement d'accord.

  • Ba Zenga le 27/10/2016 à 09h12
    D'accord avec valdo, Cruyff n'a pas à être modeste s'il est objectivement le meilleur et s'il a raison.

    Merci pour la revue, Christophe. Livre à ajouter dans la liste alors!

La revue des Cahiers du football