Dans les cartons des Dé-Managers : #51
Lens condamné, la Juventus et son nez, les records de Lionel Messi, le Bayer Leverkusen, Cesar Luis Menotti, Podolski n’aime pas les poteaux de corner et un Bueno qui ne s’appelle pas Carlos pour une semaine très chargée.
Changements de dispositifs ou de joueurs, batailles philosophiques et stratégiques, échecs et réussites… Chaque semaine, les quatre Dé-Managers proposent leurs billets d’humeur.
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Lens et l’incendie
Christophe Kuchly – Depuis le début de saison, on se demande si le Racing a les moyens de ses ambitions. Oh, depuis qu’on a compris que l’argent d’Hafiz serait un problème, elles ne sont plus si grandes. Mais viser le maintien avec un effectif moins complet que celui qui ne survolait pas la Ligue 2 l’année précédente reste une sacrée mission. Et si, à la trêve, les Lensois n’étaient pas dans la plus confortable des positions (16e), au moins avaient-ils pris assez de points pour y croire. Quelques semaines plus tard, l’espoir, comme l’ange, s’est envolé – même si, jurisprudence Olivier Bécaille, on attendra d’être sûr de la mort du patient pour l’enterrer.
Samedi soir, Rennes n’a rien montré. Lens? À peine plus. Quelques percées, un nombre de centres assez improbable (trente-neuf contre neuf) et une vraie lassitude. Des tribunes, on la pense mentale. Dans les couloirs, les acteurs la disent physique. Le panel est réduit – les jeunes n’ont pas le droit de parler à la presse et les autres n’ont pas forcément le coeur à répéter les mêmes choses chaque semaine – mais le discours ne bouge pas: l’envie est là, seul manque le déclic.
Ahmed Kantari, venu longuement assurer le service médiatique malgré une responsabilité engagée sur le but encaissé, est d’abord très positif (“on a eu beaucoup d’occasions”) puis, quand on l’embête un peu, plus mesuré (“au moins des situations”). À devoir faire beaucoup avec peu, les joueurs ont naturellement baissé leur niveau d’exigence dans le jeu. Quand chaque victoire en championnat est un exploit, que beaucoup de maillots ont des porteurs à peine majeurs et des numéros extravagants et que l’extra-sportif est une galère sans nom, on abandonne les envies artistiques. Surtout quand la pelouse ne ressemble à rien.
“Il nous manque peut-être du sang frais, on le voit avec l’ETG et Caen: ce sont les recrues qui marquent. Elles permettent de booster l’équipe alors que de notre côté, il y a de l’usure”, juge Kantari. À peine quelques matches après leur arrivée, Sala, Thelin, N’Guemo, Duhamel, Benezet, Sunu, Bruno et Ocampos ont tous marqué. Le mercato hivernal n’est sans doute pas essentiel mais ne pas pouvoir y participer peut vous plomber. Si Lens n’était effectivement pas résigné, samedi soir, alors cette équipe est cramée. Et comme, faute de pouvoir mettre en place un projet de jeu, elle avait sa hargne pour meilleure (et seule?) arme, on ne voit pas de solution. Les combattants sont fatigués. De la bataille, il ne restera bientôt plus que le champ, quelque part à quatre-vingt kilomètres au sud de Bollaert.
Le nez de la Vieille Dame
Raphaël Cosmidis – Lundi soir, en déplacement au Stadio Olimpico, la Juventus a obtenu ce qu’elle voulait (essayer de gagner, mais surtout ne pas perdre face à la Roma, 1-1 au final), en jouant avec un bloc bas pour mieux contrer, comme contre le Borussia Dortmund, il y a quelques jours (2-1). Andrea Pirlo et Paul Pogba n’étaient pas là.
Carlos Tevez était lui bien présent. Et à la 64e minute, quand il a ouvert le score d’un coup franc délicieux dans les filets de Morgan De Sanctis, on n’a pas pu s’empêcher de jeter un oeil au bilan “mercatique” des Bianconeri ces dernières années. Paul Pogba est arrivé libre (avec une compensation de formation de 400.000 € pour Manchester United) à l’été 2012, tout comme Andrea Pirlo un an plus tôt. Arturo Vidal a coûté 10 millions d’euros, Tevez 12. Si le recrutement de la Vieille Dame a connu des échecs plus ou moins récemment (Eljero Elia, Mauricio Isla en premier lieu), le ratio depuis 2011 est impressionnant, rappelant que la réussite d’une équipe dépend autant de ceux qui la construisent que de ceux qui l’entraînent.
La preuve, c’est que Massimiliano Allegri, compétent mais pas transcendant lors de son passage à l’AC Milan, est parvenu à succéder sans trop de problèmes à Antonio Conte, vu comme le Messie à Turin et plutôt à juste titre. Le sélectionneur de la Nazionale est l’homme qui a ramené la Juve au sommet, en installant un 3-5-2 aussi solide qu’inspiré, sur lequel Allegri s’appuie encore de temps à autres, lorsqu’il ne préfère pas un 4-4-2 en losange. C’est sur le système de jeu de Conte que la formation de Rudi Garcia a buté, enchaînant son sixième match nul à domicile. Les Giallorossi n’ont pas gagné chez eux depuis le 30 novembre.
Ce qui ressort de la stratégie de recrutement des Turinois, c’est que la plupart des grands succès étaient au départ des paris. Paul Pogba ne jouait pas à Manchester United. La Juve a misé sur son avenir. L’AC Milan avait rangé Andrea Pirlo dans le passé. La Juve croyait en son présent. Et il en est de même pour Carlos Tevez, dont Manchester City s’est débarrassé comme s’il ne s’agissait pas d’un des cinq meilleurs numéros 9 au monde. L’Argentin, qui traverse peut-être la meilleure période de sa carrière, est parti pour remporter son deuxième Scudetto de suite, et la Juventus son quatrième, égalant l’Inter post-Calciopoli.
On a aimé
La première période de Juventus-Borussia Dortmund qui, si elle n’a pas débouché sur une multitude d’occasions, a proposé un affrontement intense. Au pressing presque tout terrain des Allemands, la Juve a répondu par une gestion intelligente des phases de repli et de pressing, cédant volontiers le ballon dans ce premier acte pour mieux piquer le Borussia en contre. La seconde période a été moins excitante, le 2-1 semblant arranger les deux formations.
Bas Dost et sa contribution hebdomadaire: deux nouveaux buts en tendant son pied dans la surface. Et ces huit buts entre le Werder et Wolfsbourg (3-5), la grande majorité sur des centres, alors que la Bundesliga est de loin le championnat où il y en a le moins.
L’activité générale au milieu de terrain entre Montpellier et Nice (2-1), surtout en première période. Les deux équipes, dont les effectifs renferment quelques pépites (Jordan Amavi et Morgan Sanson en premier lieu), ont fourni une belle rencontre, remplie d’occasions. Et Anthony Mounier a tout fait sur son côté gauche, comme si le centre de formation de l’Olympique lyonnais n’avait pas déjà assez la cote…
Le récital de la paire Julien Féret-N’Golo Kanté contre Marseille (2-3). Protégés par la présence de Nicolas Seube, le vieux passeur et le jeune accélérateur ont dynamité l’entrejeu phocéen, profitant des énormes lacunes de l’OM à la perte du ballon. On peut reprocher à Giannelli Imbula son manque de présence à la récupération, mais il ne peut rien à sa solitude lorsque son équipe retourne vers son but.
La prise d’initiative des défenseurs centraux barcelonais face à Manchester City (1-2). Gérard Piqué et Javier Mascherano se sont régulièrement portés vers l’avant, forçant les Citizens à quitter leur zone, ouvrant l’espace pour leurs partenaires.
La puissance de Josip Drmic dans les duels face à l’Atlético Madrid (1-0). L’avant-centre de Leverkusen est parvenu à l’emporter sur Miranda et Diego Godin, deux hommes habitués à la bagarre dans les airs. Le but des hommes de Roger Schmidt vient d’un ballon gagné de la tête par le Suisse.
Les caviars distribués par Ivan Rakitic à Grenade, avec le Barça (1-3). Le Croate a multiplié les ouvertures précises dans le dos de la défense andalouse. Il est l’un des facteurs qui permettent au club catalan de jouer parfois plus direct qu’à l’accoutumée, avec tout autant de réussite.
Le changement tactique gagnant de René Girard face à Lyon (2-1). Son 4-2-3-1 prenant l’eau au milieu face au 4-4-2 en losange lyonnais, l’entraîneur lillois est revenu lui aussi à un losange plus habituel pour équilibrer les débats. Le bloc nordiste plus compact a permis à Rony Lopes de briller en seconde période pour renverser la situation.
On ne sait pas trop
L’opposition de style sud-américaine entre Sao Paulo et Danubio (4-0) en Copa Libertadores. D’un côté, une formation brésilienne remplie de rejettons européens (Doria, Toloi, Denilson, Luis Fabiano, Bastos, Pato), souvent coupée en deux et qui s’appuie avant tout sur des exploits individuels, de l’autre une équipe uruguayenne très agressive, souvent à la limite et peu inspirée offensivement.
On n'a pas aimé
Le plan de Roberto Di Matteo face au Borussia Dortmund, terriblement prévisible et modeste. Un 5-3-2, un vrai, avec deux latéraux qui ne montent pas ou peu, des milieux qui récupèrent et des attaquants qui ramassent les miettes. Bien heureusement, le BVB a triomphé (3-0), après soixante-dix minutes terrifiantes d’inefficacité.
Le match de Grégory “Je n’ai pas de pied gauche” van der Wiel contre l’AS Monaco (0-0), ratant ses passes, commettant des fautes de frustration, restant fidèle à son centre à ras de terre devant le but, même quand personne n’est devant le but. En un mot, fade.
Vincent Kompany, à nouveau en perdition, cette fois contre Liverpool. Après des errements notables face à Chelsea et au FC Barcelone cette saison, c’est à Anfield que le défenseur central belge a déconstruit son propre bloc. Il n’est pas le seul coupable de la faiblesse défensive de Manchester City, dûe tout autant à la passivité de ses coéquipiers au milieu. Mais les erreurs s’amoncellent ces derniers temps...
L'infographie de la semaine
Lionel Messi bat à peu près un record par semaine. Souvent un qu’il a établi lui-même. Voici les prochains temps de passage sur sa route (on a coupé, il faut cliquer sur l'image pour tout voir / via @messistat)
Les déclas
“Ce sont les joueurs qui décident et qui doivent prendre les décisions sur le terrain, mais ils ne voient pas tous la solution. Guardiola était un joueur intelligent. Il voyait toujours ce dont avait besoin l’équipe. Xavi en est également capable. Xavi interprète. Ensuite, il y a un autre problème: communiquer. Certains joueurs peuvent voir mais n’arrivent pas à communiquer. Et puis il y a ceux qui communiquent mais ne comprennent rien.”
Louis van Gaal, en février 2006, dans les colonnes d’El País.
“Vous connaissez la différence entre un chien de garde et un chien sauvage? Mettez un chien sauvage devant la porte de sa maison. Deux voleurs arrivent. Quand le premier s’approche, le chien sauvage aboie et le fait fuir. Le voleur court, le chien le poursuit et s’éloigne de la porte. Pendant ce temps, l’autre voleur entre et le vole. Le chien de garde, lui, aboie sur le premier voleur mais il revient surveiller la porte, il ne la quitte pas. Vous me comprenez? Le chien de garde défend en zone alors que le chien sauvage préfère le marquage individuel.”
Cesar Luis Menotti et son art de la métaphore.
La vidéo de la semaine
Le Bayer Leverkusen est la curiosité de la saison. Une équipe de fous dirigée par un fou, Roger Schmidt, qui vit et meurt par un pressing ultra-agressif. L’Atlético Madrid, qui se rendait mercredi dernier à la BayArena pour y disputer le huitième de finale aller de la Ligue des champions, n’était pas forcément prêt. Les Allemands ont étouffé les Colchoneros et pris une option grâce au beau but d’Hakan Calhanoglu. En trois minutes, on explique ce Leverkusen.
L'anecdote
Alberto Bueno. Non, pas Carlos, pas lui, dont l’expression faciale indiquait déjà un sombre avenir parisien. Alberto Bueno joue au Rayo Vallecano. C’est un joli petit joueur, pas forcément connu, mais entré dans l’histoire ce week-end en inscrivant le quadruplé le plus rapide en Liga depuis 1990. En quinze minutes, entre la 23e et la 38e, l’Espagnol a scellé la victoire de la formation dirigée par Paco Jemez face à Levante.
Les bonus
Vingt-trois passes et un but. La seconde réalisation de Luis Suarez, mardi à Manchester, a résulté de deux aptitudes catalanes: la patience et le changement de rythme. Et de l’indiscipline positionnelle des Citizens, aussi. À part ça, Lukas Podolski va toujours aussi bien.
La revue de presse (presque) anglophone
Mais pourquoi Arsenal n’arrive pas à tenir la route en Ligue des champions? Grantland s’essaie à une explication.
Michael Niemeyer, analyste en chef des matchs du Bayern Munich, évoque l’utilisation et l’interprétation des statistiques dans le football.
The Power Of Goals nous explique pourquoi le 0/40 aux tirs de Memphis Depay depuis l’extérieur de la surface n’a rien de grave.
José Mourinho s’est confié à Grant Wahl, sur sa façon de coacher et son futur avec Chelsea.
Markus Kaufmann analyse l'énigme Fredy Guarin.
Le trio Emre Can-Martin Skrtel-Mamadou Sakho aura un rôle clé dans la réussite de Liverpool.