Dans les Cartons : Marseille-Bilbao, Leverkusen, Mascherano et Kaka
Cette semaine, on voit que la possession ne veut rien dire tant le Celta et le Barça utilisent la balle différemment, on découvre que les défenses de Serie A sont parfois mauvaises et on lit Javier Mascherano nous parler du poste de défenseur au Barça. Et il y a encore d'autres trucs sympas.
Changements de dispositifs ou de joueurs, batailles philosophiques et stratégiques, échecs et réussites… Chaque semaine, les quatre Dé-Managers proposent leurs billets d’humeur.
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Bilbao sait être mauvais, l'OM ne sait pas être bon
Christophe Kuchly – Devant sa télé, en écoutant la radio ou en lisant les réseaux sociaux, les mêmes commentaires dans l’après-match de Marseille-Bilbao. La frustration de voir les Marseillais se mettre en mauvaise posture, le constat que la rencontre était plutôt équilibrée à défaut d’être géniale, et des réserves sur le niveau réel de l’Athletic Bilbao. À droite et à gauche, on pouvait même lire des analyses du genre “c’est ça la grande équipe qu’on nous avait vendu?”, sans qu’on sache bien qui est le “on” et quel serait l’intérêt d’une vente malhonnête.
Même s’il est parfois plus facile pour un abonné beIN Sports de suivre les championnats étrangers que la Ligue 1, le (gros) fan de foot oublie vite que son tropisme – celui pour la Liga est assumé par l’auteur – n’est pas forcément partagé. Et qu’à l’échelle nationale, à peu près personne ne regarde Bilbao pendant la saison. Il suffit donc que des gens dont la voix porte et qu’on juge crédibles esquissent un portrait-robot pour qu’on leur fasse confiance. C’est valable pour l’Athletic mais ça l’est également pour 99% des clubs, et rares sont les occasions de mettre en perspective avec le réel. Alors, forcément, on scrute et on juge.
Jeudi, les Basques n’ont pas été bons. Ou, plutôt, ils n’ont pas cherché à pratiquer un jeu agréable à regarder, se contentant d’un pragmatisme efficace. Quand on a Beñat et Aduriz, on peut tout aussi bien mettre des coups et balancer des ballons aériens que jouer au sol, ce qui est plutôt pratique quand on veut s’adapter à l’adversaire et au contexte. À l’extérieur et sur un match aller-retour, éviter de prendre trop de risques est une stratégie qui peut marcher, encore plus quand on sait qu’on disputera la deuxième manche à San Mames, stade où quasiment personne ne gagne. Pour rivaliser avec le Real Madrid, Bilbao a joué en espérant que ça passe (réponse négative mais la même idée a permis à Malaga de prendre un point et de se procurer des wagons d'occasions ce dimanche). Face à des Marseillais qui ne proposent pas grand-chose collectivement cette saison, ce fut plutôt la tactique du porc-épic, efficace parce que les joueurs sont tout simplement meilleurs que ceux d’en face, surtout techniquement.
Sans doute que celui qui aura vu pour la première fois Aymeric Laporte et son équipe jouer ne comprendra pas pourquoi il est réclamé en équipe de France et pourquoi sa formation est qualifiée d’attractive. Tout comme ceux qui sont tombés sur le triste Atlético-Villarreal en championnat se demandent sans doute ce que ces équipes font avec autant de points. Plutôt que de juger sur un match, jugeons alors le niveau maximal atteignable collectivement, les matches-références. On verra par exemple Las Palmas, qui risque bien de repartir en Segunda l’an prochain, malmener le Barça samedi en proposant un football qu’on ne voit jamais en Ligue 1, PSG (et Nice peut-être) mis à part. Et on comparera avec ce que fait notamment Marseille, équipe avec infinimement moins de défauts visibles que l’an dernier mais sans qualités. L’encéphalogramme plat d’une formation qui, comme beaucoup d’autres, vivote et espère se sublimer sur la simple base du contexte – oubliant que ce n’est pas parce que sa vie en dépend qu’un batteur saura jouer du piano s’il n’a jamais pris de cours. Le “football cohérent” installé suffira à finir plus haut que des Troyens trop ambitieux pour se maintenir mais, même s’ils venaient à battre des Basques qui passeraient à côté de leur sujet, les Marseillais prennent actuellement une route qui ne va nulle part.
L'infographie : hauteur de possession
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J. M. – Une image pour illustrer qu'un chiffre de possession cache des vérités parfois bien différentes. À gauche, la heatmap globale du Celta Vigo contre Eibar (3-2), samedi soir. À droite, celle du Barça à Gijon (3-1), en milieu de semaine dernière. 64% de possession pour les hommes d'Eduardo Berizzo, 78 pour ceux de Luis Enrique. Les zones rouges illustrent les endroits de possession de balle les plus fréquents.
Là où Barcelone a les facultés techniques d'imposer une circulation de balle haute dans le camp adverse, le Celta a plus de difficultés à imposer une telle domination territoriale, malgré un trio Daniel Wass-Marcelo Diaz-Pablo Hernandez loin d'être maladroit avec ses pieds – l'approche de l'adversaire a également son influence. Mais c'est aussi le fruit d'une volonté des Galiciens d'aspirer leurs adversaires pour mieux les piquer sur du jeu direct.
Les passes redoublées sont effectuées au niveau des défenseurs pour étirer le bloc adverse et ainsi ouvrir des espaces au trio offensif, Iago Aspas-John Guidetti-Théo Bongonga samedi (Nolito a effectué son retour en entrant en jeu). Le Suédois brille particulièrement par son jeu en pivot pour les deux ailiers qui repiquent vers l'axe. Derrière eux, Daniel Wass évolue haut en soutien, pour s'occuper des deuxièmes ballons. Le temps de préparation n'est pas déstabilisateur comme pour le Barça, ce sont les changements de rythme et de longueur de passes soudains qui le sont.
Le livre
Onze jours que Comment regarder un match de foot ? est sorti, et vous ne l’avez toujours pas acheté? Ce sont onze jours que vous passerez en enfer, dans un milieu à trois où Thomas Gravesen et Albert Baning vous accompagneront. Pour éviter un tel jugement dernier, rattrapez-vous et offrez-vous un ouvrage validé par tous ceux qui l’ont lu. Ils sont encore peu, ce livre est si long.
L’acheter chez un peu plus français.
L’acheter en librairie: il n’y a pas de lien pour ça. Il faut aller dehors et marcher jusqu’à votre libraire. Terrifiant, on l’admet.
En vrac
Le PSG a tranquillement battu Reims samedi (4-1). Pas grand chose à noter si ce n'est la bonne partition d'Edinson Cavani, surtout dans les zones occupées. Exit les ballons reçus dos au but, sur l'aile, dans une situation qui lui est bien inconfortable. L'Uruguayen, buteur, est resté dans l'axe et bien lui en a pris.
En l'absence de Hatem Ben Arfa, blessé, Mathieu Bodmer poursuit son intérim nostalgique au poste de numéro 10. Tout en simplicité: passes en une touche de balle, déviation de l'extérieur du pied. La fibre argentine est en lui, et donne presque envie de lui confier le rôle à long terme. Et si Ben Arfa, à son retour, jouait plus haut et laissait l'axe à Bodmer?
On n'est pas obligé d'accorder beaucoup d'importance à la statistique mais la réserve du Real Madrid est désormais première de sa poule de D3. Et elle qui restait sur trois partages des points avec Zinédine Zidane a gagné les sept matches qu'elle a disputé depuis. Enzo Fernandez, quatorze fois titulaire quand son père était sur le banc, est de son côté devenu un remplaçant qui n'a joué qu'une seule fois plus de trente minutes.
L'Atlético Madrid est devant le Real au classement en ayant marqué moitié moins de buts (35 contre 71). Et les Colchoneros n'ont encaissé que onze buts, dont quatre face au Barça et six entre mi-septembre et fin octobre. On imagine assez aisément que le PSV aura du mal à imiter Benfica, seul équipe a avoir trompé Oblak en poules.
Comme tout le monde, on a hâte de voir Arsenal-Barcelone et Juventus-Bayern. À la vue de la forme des équipes et de leurs forces, difficile d'imaginer Arsenal prendre un avantage: le Barça est équipé pour éteindre Mesut Özil au milieu et seule la vitesse des joueurs de couloir pose, sur le papier, un problème à régler. De l'autre côté en revanche, on voit bien Pep Guardiola se satisfaire de ne pas perdre. Sans défenseurs centraux pour relancer, le Catalan doit trouver une parade (kidnapper Bonucci dans la nuit ne compte pas) et la Juve est armée pour limiter les dégâts que font Douglas Costa et Kingsley Coman quand ils commencent à accélérer. Et comme Paulo Dybala, Thomas Müller et Robert Lewandowski sont capables d'inventer des choses en attaque, on pourrait bien voir une bataille rangée entre un jeu avec ballon (Bayern) et un jeu sans ballon (Juventus) en contrôle, les talents faisant plus de différences que les systèmes.
Focus : Leverkusen
Entraîneur : Roger Schmidt.
Système préférentiel : 4-4-2 (voire 4-2-4)
Classement : 4e de Bundesliga
Possession de balle : 53% (5e)
Tirs par match : 14,1 (6e)
Tirs subis par match : 9,1 (3e)
Tacles par match : 20,6 (1er)
Dribbles par match : 12 (3e)
Passes réussies : 75% (10e)
Duels aériens gagnés par match : 29 (3e)
Joueur clé : Hakan Calhanoglu (MOG) : 2 buts, 4 passes décisives, 2,6 tirs par match, 2,5 occasions créées par match, 1,3 dribble réussi par match.
(Statistiques WhoScored).
L'instantané tactique de la semaine
C. K. – Allons du côté de l'Italie, où l'Atalanta affrontait la Fiorentina. Bergame, équipe de deuxième partie de classement, est encore dans le match même s'il y a 2-1 pour la Viola à quelques minutes de la fin. Une attaque part sur le côté gauche mais les hommes de Paulo Sousa sont à trois contre six et, forcément, on voit mal comment ils pourraient marquer si la défense joue à peu près la chose correctement. Pas besoin d'être un génie pour imaginer une stratégie qui marche: prise à deux sur le porteur, deux joueurs pour couper les lignes de passe et les deux derniers au marquage. Sauf que non.
Dur à dire ce que pensaient les éléments entourés dans la première image puisqu'ils font à peu près n'importe quoi. Alors que De Roon, qui est déjà sur Borja Valero (pas franchement un gars qui joue les ailiers puncheurs), recule mais reste au contact, et que Dramé arrive de l'autre côté mais trop tard, nos quatre compères innovent. Le plus proche de Borja, Conti, arrive en renfort mais sans sprinter et donc trop tard. Le deuxième de la file, Diamanti, anticipe la passe en retrait. Pourquoi pas. Par contre, voir le dégarni Masiello marcher vers une zone vide et Cigarini marquer Kalinic en étant... deux mètres derrière (ce qui là aussi aurait pu être évité en courant), ça, on ne sait pas. Tactique, ok, mais, en fin de match, certains ne font parfois plus les efforts. Dommage: quelques minutes après ce ballon poussé dans le but sans problème, l'Atalanta marquait le but du 2-3...
Les déclas
"Être défenseur central pour le Barça est différent d'être défenseur central pour n'importe quelle autre équipe. Les zones que l'on occupe sont très similaire à celle que j'occuperais si je jouais au milieu. Souvent, avec notre pressing, Busquets et moi sommes pratiquement sur la même ligne. Si vous me faites défendre dans ma surface tout le temps, évidemment que je soufrirai à cause de mon physique, mais ce n'est pas ce que l'on fait. Ce qui change le plus, c'est que je reçois le ballon face au terrain, et non pas dos au jeu comme au milieu."
Javier Mascherano explique son repositionnement de milieu à défenseur dans un entretien avec le Guardian.
“Au final, ce qui m'embête le plus dans cette situation, c'est que tout est valorisé en fonction du résultat. Si ça s'était mal passé, vous m'auriez donné des gifles jusqu'au palais, mais la vérité est que c'était ce qu'il y avait à faire. Souvent, il ne s'agit pas que ça se passe bien ou mal, mais de faire ce qu'il y a à faire. Nous ne pouvons pas seulement valoriser la qualité des changements à partir du résultat, il ne s'agit pas de ça. Le match face à Séville était mort, et il fallait essayer de le réanimer. Et nous avons réussi. Et ça s'est bien passé. Mais face à une équipe comme Séville, la réaction normale aurait été que ça ne se passe pas bien. Ce que j'essaie de dire, au final, c'est que les décisions ne doivent pas toujours être corroborées par un bon résultat pour qu'elles soient bonnes. Dans ce cas-ci, c'était juste l'unique décision que nous pouvions prendre.”
Paco Jemez, après des remplacements efficaces contre Séville (le Rayo Vallecano revenant à 2-2 après avoir été mené 0-2).
La vidéo de la semaine
Si vous avez oublié à quel point Kaka planait sur le football tel un condor dans les années 2000, voici un rappel en sept minutes.
La revue de presse (presque) anglophone
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