Discours toujours
Pour la rentrée et son retour dans les Cahiers, notre agent infiltré a préféré Clairefontaine à Oxford, avec un papier moins lisse que les propos 100% recyclés des internationaux...
Auteur : Albert Lombre
le 8 Sept 2003
La rentrée s’annonçait studieuse. La veille, j’avais préparé mon cartable, taillé mes crayons, fait l’acquisition d’un cahier de brouillon, vous savez les mous avec la table de multiplication sur la couverture. J’étais donc comme qui dirait affûté, prêt à relever le défi de Clairefontaine pour assister à ma rentrée des Bleus. Mais comme les mômes, on oublie le temps des vacances l’ambiance studieuse et amicale de ces réunions, les questions à poser, celles à éviter, les fanfarons, les timides, les stars… Mes camarades des autres années étaient quasiment tous là, sous l’inévitable grand chapiteau bleu et blanc planté en face du terrain Michel Platini. Les teints sont hâlés, les visages fermés. Une étrange sensation m’étreint. Cette atmosphère empreinte d’une morosité, limite à couper au couteau. Ben quoi? C’est la canicule? La fin de la Pentecôte? La conjoncture vachement défavorable qui, à partir de là, provoque des plans sociaux les uns après les autres sans se poser de question? Non, en fait c’est Chypre. Oui, ce sont les Chypriotes qui cassent l’ambiance. En effet, pour une rentrée, suiveurs et suiveuses (de plus en plus nombreuses d’ailleurs) espéraient une affiche. Et Chypre, ben c’est pas trop vendeur. Pourtant, les Bleus tentent bien de convaincre les plus sceptiques (Zidane: "Il n’y a plus de petites équipes"; Henry: "Attention aux matches pièges"; Santini: "Tous les matches sont importants et apportent leur lot d’informations"). Ils n’ont pas changé. Toujours le même refrain bien rodé. Ça fait aussi partie du métier, de communiquer tous de la même façon. Ils ne vont pas nous dire: "Perdre contre eux, ça serait trop la honte" ou "Franchement, moins de 3-0, ça serait presque inquiétant", ou encore "A partir de là, je préfère rencontrer le Brésil ou l’Allemagne". D’ailleurs Thuram l’a presque dit: "C’est vrai qu’on préfère s’étalonner contre Le Brésil ou les Pays-Bas, mais je me souviens qu’il y a un an, on sortait d’une Coupe du monde traumatisante et que face à Chypre, je ne m’attendais pas à ce que l’on fasse un match de ce niveau là. On ne voyait pas trop la différence entre les deux équipes même si on a eu quelques bons moments". Un traumatisme évacué depuis, après neuf victoires consécutive face, il est vrai, à des adversaires modestes. "Pour ma part, il ne disparaîtra jamais", avouait un Lilian décidément très prolixe. Alors on l’a compris, ce match qualificatif pour l’Euro portugais n’était pas forcément enthousiasmant. Pour autant, comme chacun le concédait par une autre célèbre formule, "l’essentiel ce sont les points". Autrement dit, avec la victoire de samedi soir, Henri Emile peut commencer à préparer les bagages. Reste un petit point à prendre en Slovénie dès mercredi. "On ira faire un nul en Slovénie", prévenait Zizou en se frottant la cuisse, de Jupiter comme on dit à Séoul. Une victoire? "Un nul suffit, je vous dis", s’agaçait-il. Sévices minimums. Alors pour résumer cette rentrée : il n’y a pas ou plus de petites équipes, à partir de là seule la victoire est belle, et l’important dans le foot c’est de rester humble. Alors humblement, j’ose le dire, j’ai même pas peur.