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Entraîneurs français : un ministère sans identité

[Le procès du football français] Le procès de la médiocrité du football français commence par celui des entraîneurs: largués techniquement, dépourvus de philosophie, enfermés dans des modèles périmés? 

Auteur : Christophe Kuchly le 26 Jan 2021

 

 

Article issu du "Procès du football francais" dans le dossier "France" du numéro 4 de notre revue (juin 2020). illustration Juan Miranda.

 

* * *

 

Depuis le départ de Claude Puel de Leicester, en février2019, Zinédine Zidane, fort de son rapport unique avec le Real, est le seul coach français en poste dans l’un des quatre grands championnats européens. Bien loin des sept Portugais et six Espagnols exilés sur un banc du top 5 continental en 2019-2020. "Aujourd'hui, peu d'entraîneurs français sont identifiés comme ayant la carrure pour aller dans les grands championnats", regrette Pascal Plancque, bras droit de Puel à Southampton et Leicester.

 

"Pour être entraîneur d'un très grand club, il faut être Superman, tempère d'emblée Damien Comolli, ancien directeur sportif de Tottenham et Liverpool. Être un super manager, bon dans la communication avec les supporters, bon tacticien, bon avec le staff… Le boulot dans les très, très grands clubs est de plus en plus difficile. Il n'y a qu'un seul Klopp en Allemagne, qu'un seul Guardiola en Espagne… Ce qui est décevant, ce n'est pas de ne pas avoir d'entraîneurs dans ces clubs-là, mais dans les clubs intermédiaires."

 

 

 


Entraîneurs maison, joueurs maison

Même les dirigeants des meilleurs clubs de l'Hexagone semblent avoir perdu la foi: Paris s'est détourné des techniciens français depuis la fin de l'ère Laurent Blanc, Monaco n'a connu que la parenthèse Thierry Henry depuis 2011, les propriétaires de Bordeaux et Marseille ont choisi deux Portugais (Paulo Sousa et André Villas Boas) pour mener leurs ambitieux projets, tandis que Lyon a, pour la première fois depuis trente-six ans, franchi (brièvement) le pas avec Sylvinho.

 

"Les clubs français, depuis quelque temps, veulent innover, glissait amèrement René Girard dans L'Équipe en mars. Ils se sont tournés vers l’étranger. Longtemps, Clairefontaine fut le temple des entraîneurs et, d’un coup, pouf, plus rien? Cela ne m’amuse pas de dire qu’on n’est plus considérés, mais c’est une réalité. On est vite pris, vite jetés ou pas regardés du tout."

 

"Quelle est la vraie philosophie de jeu française?" La question était posée par le capitaine de l'équipe de France, Hugo Lloris, dans un entretien pour L'Équipe pendant la Coupe du monde 2018. "Je regarde les matches de l’équipe de France depuis vingt ans, ou je les joue, et je ne sais pas quelle est l’idée précise du football français. Des équipes athlétiques, avec des talents au-dessus du lot, oui, mais après?"

 

À Marseille, André Villas-Boas a dressé un diagnostic similaire pour la Ligue 1: "La France n’est pas trop influencée par ce qui se passe autour en Europe. Il y a beaucoup d’entraîneurs maison, de joueurs maison. Je pense que l’imprévisibilité, la vélocité, le physique jouent un rôle très important ici". À l'opposé des principes de création offensive collective maîtrisée ou de pressing conquérant, deux tendances tactiques clés de la dernière décennie.

 


Plus bricoleurs que penseurs

"Beaucoup d'entraîneurs disent qu'ils aimeraient jouer différemment, mais qu'ils n'ont pas les joueurs pour, intervient François Blaquart, directeur technique national de 2010 à 2017. Pour faire de la conservation sous pression, il faut des joueurs capables de le faire. Tout le monde a les mêmes problématiques: le matériel à sa disposition et ce qu'il y a en face. Et il y a la précarité du métier. Je trouve qu'il y a des coaches qui font du bon boulot avec les moyens qu'ils ont."

 

Ailleurs, les préceptes de Johan Cruyff, Marcelo Bielsa, Arrigo Sacchi, Pep Guardiola ou Ralf Rangnick (l’entraîneur du Red Bull Leipzig), des intransigeants aux idées claires, infusent et inspirent de nombreux disciples, qui se les approprient et les réinterprètent. En Ligue 1, la culture du résultat prime généralement sur les grands discours, le pragmatisme sur le romantisme. "On ne peut pas nous reprocher d’essayer d’assurer nos arrières, se défendait Stéphane Moulin en 2015. Ce n'est pas être défensif, c'est anticiper. Je trouve que c'est plutôt valorisant. Cela veut dire qu'il y a un travail colossal en amont, que tout le monde réfléchit. Ce n'est peut-être pas spectaculaire, mais le football, ce n'est pas la kermesse."

 

Problème: lorsqu'ils ciblent l'entraîneur qui leur fera franchir un palier, les bons clubs européens filtrent en fonction d’un style clair, défini en amont. "La raison pour laquelle Claude Puel a été recruté par Southampton, c'est parce que son identité de jeu à Nice collait exactement à ce que recherchaient les Saints, témoigne Damien Comolli. Pour que l'entraîneur français se vende à l'étranger dans des clubs à forte identité, il faut que lui-même ait une identité de jeu."

 

C'est autant pour la manière dont jouaient leurs équipes que pour leurs titres de champion de France que Raynald Denoueix et Rudi Garcia ont été choisis par la Real Sociedad (2002-2004) et la Roma (2013-2016). Influencé par les contraintes de politiques sportives floues, le coach français est cependant plus bricoleur que penseur, alors que les Portugais, techniciens à la mode en Europe, sont portés par leur méthode de la "périodisation tactique". Aujourd'hui, alors que Christian Gourcuff est plutôt en fin de parcours, seuls Christophe Galtier et Patrick Vieira pourraient vraiment séduire. En attendant Julien Stéphan?

 


Difficiles à exporter

"En France, les entraîneurs ne sont pas spécialement soutenus et il ne faut pas s’étonner qu’on ne soit pas nombreux dans les championnats majeurs, remarquait Rudi Garcia dans France Football en février. Et puis, certains se retrouvent à l’étranger grâce à des agents influents. Il y a une réflexion à mener à ce sujet, c’est d’ailleurs ce que fait l’Unecatef [le syndicat des entraîneurs]." Le rapprochement de Bruno Genesio avec le tentaculaire Pini Zahavi s'inscrit dans cette logique.

 

Le contexte qui attend les coaches français dans les clubs européens à plus gros moyens, notamment en Premier League, est toutefois totalement différent. "Aujourd'hui, les grands entraîneurs sont des managers de staff, remarque François Blaquart. Les nôtres doivent prendre habitude de s'équiper de gens hypercompétents, et pas du copain qui porte les ballons." L'exemple lyonnais, où des historiques (Gérald Baticle notamment) restent en place au gré des changements d'entraîneur, montre que tous les clubs français n'en ont pas encore conscience.

 

L'inspiration est pourtant facile à trouver: à Liverpool, Jürgen Klopp, meneur d'hommes hors pair, est entouré de spécialistes de l'entraînement, du développement individuel, des touches… "Je reproche beaucoup à nos dirigeants de ne pas permettre aux Français de bénéficier des mêmes conditions que les entraîneurs étrangers en termes de staff", reprend François Blaquart. Ce fut l'un des obstacles à la venue de Laurent Blanc à l'OL à l'été 2019.

 

Mais toutes ces considérations se heurtent parfois à un obstacle moins technico-tactique. "Il y a un problème tout simple: les entraîneurs français sont extrêmement limités à cause de la langue, explique Damien Comolli. Les entraîneurs allemands parlent tous anglais, les Portugais maîtrisent deux ou trois langues." "Robert Moreno et Thomas Tuchel ont très vite voulu et su parler français, admire Jean-Michel Vandamme, ancien directeur général adjoint du LOSC. Cela montre la faculté d'adaptation d'un entraîneur."

 


Une formation conservatrice ?

L'apprentissage d'une langue étrangère n'est pas intégré dans le cursus des entraîneurs en France, mais il est encouragé comme initiative individuelle. "Le rôle de la DTN, c'est de travailler sur la méthodologie, pas de leur faire parler anglais, évacue François Blaquart. Je le revendique: les entraîneurs sont très bien formés. C'est une formation lourde, sérieuse, complète, où ils apprennent leur métier sur le terrain. Nous ne sommes pas là pour leur apprendre le foot, mais pour leur donner des outils pour appliquer leurs idées."

 

Pourtant, Raynald Denoueix dénonce une DTN aux "idées un peu classiques". L'Angevin Stéphane Moulin confie avoir été "pris pour un fou" quand il a défendu au BEPF – le diplôme le plus élevé, indispensable pour entraîner en Ligue 1 – un projet défensif orientant l'adversaire vers l'intérieur du terrain, dans la densité défensive, plutôt qu'à l'extérieur, la norme habituelle. Pour empêcher l'arrivée de directeurs de centre de formation étrangers, un nouveau diplôme obligatoire a été créé: un repli sur soi qui alimente le conservatisme idéologique.

 

Pour postuler au BEPF, très onéreux (27.100 euros pour une année de formation), il faut remplir des conditions strictes d'ancienneté sur le banc d'un club amateur de niveau national, dans un centre de formation ou en tant qu'adjoint d'un club professionnel… sauf si l’on compte dix sélections en équipe de France ou cent cinquante matches en Ligue 1. "C'est faux de dire que les formations sont réservées au haut niveau, oppose François Blaquart. Je suis issu du football amateur, j'ai toujours voulu que tout le monde ait accès à toutes les formations. Je regrette même qu'il n'y ait pas plus de professionnels de très haut niveau qui s'engagent."

 

Pourtant, dans la promotion 2019-2020 du BEPF, où l'on retrouve notamment Claudio Caçapa, Julien Sablé, Romain Pitau et Stéphane Dumont, un seul des dix candidats n'a pas de passé de joueur professionnel: Philippe Bizeul, longtemps entraîneur au centre de formation du Stade rennais puis adjoint dans divers clubs.

 


Plafond de verre

"Le cheminement à faire pour les entraîneurs est trop long, pointe Michel Seydoux, président du LOSC de 2002 à 2017. Les très bons, en général, peuvent venir d'ailleurs, ou être d’anciens joueurs assez moyens mais qui ont commencé à entraîner très jeunes. Les entraîneurs français commencent trop tard. Je n'ai rien contre eux, mais ils sont tous trop vieux. Même les adjoints. Il faut parvenir à détecter plus tôt les talentueux et leur permettre de se développer différemment."

 

"Tout montre que, pour réussir à progresser de manière individuelle ou comme société, il faut amener des gens avec des profils différents et des idées différentes, ajoute Damien Comolli. Les footballs portugais et allemand l'ont fait au niveau des entraîneurs, les Espagnols aussi. Cette diversité, on devrait la rechercher, y compris au plus haut niveau." "Il y a quelques années, Gérard Houllier [DTN de 2007 à 2010] disait qu'il y avait trop de 'profs de gym' sur les diplômes et pas assez d'anciens joueurs, se souvient Pascal Plancque. Aujourd'hui, la tendance s'est inversée, il y a très peu de profils universitaires [comme au Portugal, ndlr] et je pense que c'est effectivement un manque."

 

In fine, les bons comme les moins bons entraîneurs se heurtent à un plafond de verre: les grands clubs, plus exigeants en termes de profils, se détournent des Français, les meilleurs potentiels tardent à recevoir les opportunités-tremplins et ceux qui vivotent dans le ventre mou saison après saison savent qu'ils ne pourront pas viser plus haut. D'où un corps de métier un peu déprimé et résigné face aux impératifs politico-économiques court-termistes des clubs.

 

"On forme des très grands joueurs qui animent chaque week-end le football des championnats majeurs européens, et on a quelques grands entraîneurs, mais pas beaucoup, constate Michel Seydoux. Si on n'est pas reconnu là-dessus, c'est qu'à un moment, on n'a pas bossé comme il le fallait. Les entraîneurs français doivent prendre une autre dimension." Et réussir à décoller l'étiquette du bon formateur qui n'aurait pas la carrure pour diriger au plus haut niveau.

 


LE PROCÈS DU FOOTBALL FRANÇAIS
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