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Enzo Francescoli, le partenaire du ballon

Invité : Líbero – Santiago Solari, ancien international argentin, dresse le portrait d’Enzo Francescoli, l’idole uruguayenne de Zinédine Zidane et tant d'autres qu’il a croisée lors de leur passage à River Plate.

Auteur : Santiago Solari le 6 Jan 2016

 

 

Titre original: "El «partenaire» de la pelota", publié dans le numéro 8 de la revue Líbero.
Texte: Santiago Solari
Traduction: Rémi Belot (avec Leonardo Blanco)

 

*     *     *

 

 

 

Tous les footballeurs médiocres se ressemblent, mais les génies le sont chacun à leur manière. La première fois que j’ai joué avec Enzo, je me souviens de ne pas lui avoir donné le ballon parce qu’il était surveillé de près par un défenseur. "On s’en fout du marquage! Donne-la-moi quand même", m’a-t-il crié. Avec ce genre de joueurs, peu importe d’être au milieu du terrain, dans les tribunes, ou de le regarder chez soi à la télé: ils justifient à eux-seuls l’existence du football et le reste n’existe pas.

 

 

L'idole

Pour faire le tour de ce qu’est Francescoli et cerner son génie, il faudrait les 800 pages d’un roman de Tolstoi. Décrire le joueur, le buteur, l’idole, le leader, le partenaire. Les statistiques constitueraient le début d’une explication: tant de matches, tant de buts, tant d’équipes, tant de titres. Ou l’histoire. Ses débuts à Montevideo, le grand saut depuis le Parque Viera [1] jusqu’au Monumental, en traversant le Rio de la Plata, ce qui n’est pas moins difficile que de traverser un océan. Son passage en France ou par le Calcio et son retour en Argentine pour amener jusqu’au sommet de l’Amérique la dernière équipe historique de River, refermant ainsi le cycle de sa carrière de footballeur pour en ouvrir un autre, celui du joueur de légende.

 

 

 

On pourrait expliquer son statut d’idole populaire à Buenos Aires ("Uruguayen, Uruguayen!") par sa capacité à générer la stupéfaction chez deux générations de supporters. Mettre en évidence les raisons pour lesquelles il a été respecté et admiré par les fans rivaux sur chaque terrain où il a déployé son football. On pourrait démontrer en quoi son passage discret par les grands championnats ne l’a pas renvoyé à l’oubli sur le Vieux Continent mais l’a au contraire propulsé au rang de joueur culte pour un certain nombre d’européens, Zidane inclus.

 

Peut-être faudrait-il remonter plus loin encore pour comprendre ce que signifie Francescoli pour toute une génération. Expliquer comment il a fini par devenir mon idole (et, par son talent, l’idole de presque tout argentin amoureux du football dans les années 80) alors que j’avais à peine dix ans, quand il a transformé, d’un retourné acrobatique magistral, un simple match amical de l’été 86 contre la Pologne en rencontre inoubliable.

 

Dès lors, on pourrait narrer l’histoire d’un rêve. Raconter comment, quelques années plus tard, cette idole, désormais coéquipier, désormais juste "Enzo", a marqué son dernier but comme professionnel dans le championnat d’Apertura [2] de l’année 1997 d’une tête limpide, magnifique et synonyme de titre, sur l’un de mes centres.

 

 

Le joueur

Pour autant, chacun de ces aspects, ou la somme de tous, ouvrirait une route trop longue et la seule façon de prendre un raccourci est de se focaliser sur sa singularité: Francescoli était différent parce qu’il planait deux millimètres au-dessus d’une pelouse sur laquelle il se promenait au rythme d’une valse. Il contrôlait dos au but, évoluait le ballon collé à la pointe du pied, à bonne distance du défenseur, traçant des demi-cercles inaccessibles, tel un patineur. Ses passes répondaient à une sorte d’évidence, comme une question rhétorique, et jamais il ne tirait au but sans avoir choisi sa cible. Ni sans avoir prévu, sur la trajectoire de sa frappe, la possibilité qu’elle croise un corps ou une jambe. Cette souplesse dans les mouvements, cette technique épurée, ce soin dans les moindres gestes, cette précision d’architecte rigoureux avec laquelle il réalisait ses contrôles, ses passes et sa précision, rendaient d’une efficacité redoutable chacun des ballons passant entre ses pieds. Sa marque distinctive. La célèbre élégance de son football.

 

Enzo Francescoli a pris sa retraite il y a dix-sept ans, nostalgie comprise. Il n’a pas eu besoin d’un Milan, d’un Manchester United ou d’un Real Madrid pour être l’un des plus grands footballeurs de son temps. En jouant ainsi au football, il pourrait bien s’être enfermé dans son royaume comme dans une noix, pour devenir, à l’instar d’Hamlet, le prince d’un espace infini.

 

 

Bonus : Zidane par Francescoli

"Messi est le meilleur, et de loin. C’est une question de goût, bien sûr, mais regardez le jouer… Il fait tout à une vitesse incroyable, il est régulier, cela fait cinq ans qu’il marque un nombre de buts impressionnant. Et je l’admire aussi parce que lorsque tu le vois en dehors du terrain, c’est un garçon comme tout le monde. Il ne s’écoute pas parler, un peu comme Zidane d’ailleurs, et j’aime les gens comme ça. Quand j’étais à Marseille, Zidane était adolescent. Il n’est pas vraiment venu à ma rencontre, ni me réclamer des autographes d’ailleurs. J’ai appris qu’il m’admirait lors de la finale de la Coupe intercontinentale avec River contre la Juve. Quand on s’est croisés, nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre à la fin du match. Un jour j’étais avec mon fils Marco, pour qui Zizou est une idole, et je lui ai dit: «Marco, tu as Zidane devant toi, demande lui comment il fait ce contrôle!». Et Zidane lui a répondu: «Demande à ton père, c’est lui qui me l’a appris»."

 

 

[1] Le stade des Montevideo Wanderers, premier club pro de Francescoli en Uruguay.
[2] En Argentine, le championnat national se divise en deux compétitions, un championnat d’ouverture ("Apertura") et un championnat de clôture ("Clausura").

 

 

Réactions

  • Ba Zenga le 06/01/2016 à 13h49
    Un bien joli hommage. Merci encore pour ces initiatives translinguistiques.

  • asunada le 07/01/2016 à 07h12
    Un grand merci également.

    Au passage, si c'est vraiment lui qui écrit, Solari s'exprime très agréablement. J'aimais bien le joueur et j'ai vu qu'il sera l'un des adjoints de Zizou, hâte de voir ce que ça peut donner.

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