France 2 Foot, franche déroute
La partie "débat" de France 2 Foot a raté son virage pour finir dans le Café du commerce. Avec Guy Carlier en flagrant délit de faux témoignage et Philippe Lucas en révolté à l'eau de Javel.
Auteur : Pierre Martini
le 8 Nov 2007
Désormais aux mains du Parti démago-populiste avec son secrétaire général (Philippe Lucas – lire ci-dessous), son président (Rolland Courbis) et son garde des sots (Guy Carlier), la deuxième partie de France 2 Foot s'est fixé une nouvelle ligne éditoriale pour tâcher de sauver l'audience: de grandes envolées poujadistes qui semblent vouloir rivaliser avec celles de On refait le match.
Un coupe à moitié pleine, à moitié vide
Passons sur les détails du débat sur "Nancy a-t-il sa place en Ligue des champions" (1) pour nous attarder sur une courte diatribe de Guy Carlier à l'encontre de la dernière finale de la Coupe de la Ligue. "80.000 personnes au Stade de France, finale de Coupe de la Ligue, Bordeaux-Lyon, c'est une honte pour le football! Les gens viennent avec leur famille, ils ne reviendront pas au match après avoir vu ce qu'ils ont vu. Ce type-là, Ricardo, est une honte pour le jeu, après on s'étonne qu'on s'emmerde dans le championnat de France (...) Eh bien moi je ne retournerai pas voir jouer Bordeaux".
Cette opinion serait parfaitement défendable si elle était formulée avec moins de mépris pour Ricardo, mais surtout, elle a de quoi surprendre toute personne ayant parcouru le dossier de presse diffusé en septembre dernier par la Ligue et consacré à "sa" coupe (PDF de propagande très instructif, à télécharger ici). En page 14 de celui-ci, on trouve en effet une interview de Guy Carlier dans laquelle il confie tout le bonheur qu'il a eu à assister au match en question: "J'ai trouvé cette soirée vraiment très agréable avec une ambiance bon enfant. (...) À la manière de ce qui peut se faire pour les matches de rugby du Stade Français, le spectacle était au rendez-vous. (...) Cela m'a donné envie de revenir avec ma femme. (...) On sent que les clubs ont une autre approche de la compétition. La Coupe de la Ligue a gagné en prestige".
Trois hypothèses pour expliquer cette contradiction. Soit Guy Carlier ménage la chèvre et le chou dans un milieu qui constitue désormais pour lui un important débouché commercial. Soit la retranscription de cette interview a été très sélective, ce qui ne surprendrait pas dans cette brochure de la Ligue qui prend modèle sur l'unanimisme et l'enthousiasme forcenés de la propagande soviétique. Soit, enfin, Carlier est assez charitable pour dire n'importe quoi afin de nous éviter d'entendre Philippe Lucas.
(1) Comme celle de la semaine dernière (lire "À question con..."), cette question appelle une seule réponse: si l'ASNL se qualifie pour la C1, elle y aura sa place.
My name is Lucas
Sur le plateau de France 2 Foot, Carlier doit donc affronter la rude concurrence de Philippe Lucas, qui enchaîne les minutes pathologiques les unes après les autres sans se poser de question. Tout en rictus, sans jamais sourire, on tient là une sorte de Michel Sardou de PMU qui a probablement un bel avenir à la télévision, mais est aussi un merveilleux baromètre de l'air du temps.
Philippe Lucas : "Moi un petit peu ce qui me fait rigoler c'est que quand on en a... des gens... être entraîneur ça veut rien dire. Les diplômes ça veut rien dire. Moi j'ai pas de diplôme, d'accord, j'ai pas cinquante diplômes. II y a des mecs qui ont cinquante diplômes, c'est des intellectuels du sport, ils ont jamais rien apporté au sport. Aujourd'hui, y a des mecs qu'ont des qualités, mais si t'as pas le diplôme pour entraîner un club de Ligue 1, tu peux pas entraîner. Par contre, on va chercher des étrangers. Et ça y a pas de problème".
À cet instant, on jurerait avoir vu Thierry Clopeau, rédacteur en chef de l'émission présent sur le plateau, baisser la tête avec, sur le visage, l'expression du mec qui prend conscience qu'il a fait une connerie. Plus tard, regrettant (à juste titre) l'absence des vrais patrons au sein de nombreux clubs, Lucas se voit objecter par Guy Carlier que les Rocher, Bez ou Tapie ont tous fini au pénal. Réplique: "Mais c'est normal, en France, on te donne pas les moyens. T'es obligé de faire avec ce que t'as pas".
Dans ce contexte, Rolland Courbis apparaît comme le grand sage sympathique qu'il aime incarner à l'écran, et c'est évidemment lui qui dit le moins d'âneries – peut-être parce que c'est le seul qui est du métier. Un des drames de ce genre d'émission, c'est que les fragments d'idées justes sont impitoyablement noyés dans un magma verbal. Et la barre est tellement basse que les satisfactions sont terriblement relatives.
Le "débat" n'ira jamais nulle part avec ce casting. Voilà, hélas, qui douche les minces espoirs apparus avec l'attribution du programme dominical à France Télévisions. Il semble que toutes les émissions parlantes de foot doivent sans rémission basculer dans une médiocrité devenue la norme. La déblatération reste l'horizon ultime du journalisme sportif.