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In Bed with le PSG : M. S.

À quoi pense Mamadou Sakho, quand il parcourt le long tunnel de Chaban, un soir de deuil médiatisé?

Auteur : Arno P-E le 24 Jan 2013

 


Je déteste ce stade. Ce tunnel qui n'en finit pas, avec les cameramen qui te filment en espérant je sais pas quoi... Vivement le vestiaire. Vivement le car. Vivement la maison. Heureusement qu'on a gagné.
 

J'y ai eu droit dix mille fois depuis vendredi: il faut que vous gagniez pour Nick. Des mecs que j'avais jamais vus, des mecs qui n'avaient jamais entendu parler du coach, qui viennent m'expliquer que je devais gagner pour lui. Genre pour sa mémoire, tu vois. Mais de quoi ils me parlaient ces types? Ils savent comment on gagne un match? Ils savent pourquoi? Ça m'a mis la rage. Ils y étaient pour rien mais à force, c'est abusé. En quoi ça les regarde comment on a géré dans le groupe? Ils croient tous qu'il suffisait de vouloir. Que la tristesse est une bonne motivation. Ils ont rien compris...
 

Tu ne joues pas au foot pour honorer la mémoire d'un coach. Pas tout un match. C'est pas vrai. Personne ne peut. T'y penses, ça te prend, et t'es fini. J'ai déjà joué pour un mort. Par respect. Ça marche pas. Impossible d'expliquer ça au gars qui te demande un autographe sur un parking, mais c'est la réalité: jouer en hommage à un disparu, tu cours pas plus vite. Je le sais, moi.

 

 


 

Tu peux pas lui dire au supporter, que ton père est mort quand tu étais trop petit. Tu peux pas lui expliquer que ta mère elle ne t'a jamais mis la pression. Qu'elle voulait pas que son fils prenne tout sur son dos. Mais qu'à treize ans, au Camp des Loges, tu le comprends tout seul qu'une carrière pro apporterait assez de blé pour tous les frères et sœurs. Tu comprends seul et vite. Alors tu joues en pensant au père, et c'est négatif. Lui, il ne te verra jamais. Du coup il ne te félicitera pas. Tu attends les applaudissements d'un mort. Alors ta mère qui ne t'a jamais demandé, elle te dit bravo. Tes frères ils t'admirent et t'envient. Tes sœurs te remercient, sans les mots, pas la peine. Mais toi tu joues pour le disparu, et le vide reste vide. De la rage, tu en as. Mais le vide reste vide. De l'envie de bien faire, de te battre. Pour lui. Et plus tes proches te disent que tu en fais trop, plus tu veux en rajouter. Parce qu'il te manque. Et qu'il ne verra pas ce que tu fais pour lui. Jamais.
 

Le supporter du parking, il peut pas comprendre qu'on ne comble pas ce manque. Que jouer pour un disparu te rongera. Lui il te dit de gagner pour Nick, puis il oublie. Facile, il le connaissait même pas. Moi, le mort il est resté trop longtemps à mes côtés. Je ne fais plus ça. Le décès de Nick, c'est injuste. On aurait tous aimé pouvoir se poser. On voulait affronter ça entre nous. Comprendre. Mais on est jamais entre nous. Même pas sur un parking. Même pas dans ce tunnel de Chaban. J'aimerais bien m'asseoir...
 

Je leur avais tous répondu que j'allais gagner pour Nick, la mine grave. En mode lâche-moi. Maintenant, dans ce cas, je leur donne ce qu'ils attendent. J'ai appris ça. Ce que tu as dans le ventre, ça ne les intéresse pas en fait. Tant mieux. Ils viennent avec leur idée, ils n'en changeront pas. Il faut que tu gagnes pour ta place en sélection. Il faut que tu gagnes pour mériter ton salaire. Il faut que tu gagnes pour les supporters qui se sont déplacés. Ils imaginent sans doute que quand un Bordelais vient au pressing, je pense à mon chèque de fin du mois pour m'aider à faire ma passe. Qu'avant chaque tacle je me fais un Gaumont, genre le sélectionneur sera déçu si je loupe... Je sais même pas. Ils réfléchissent pas les mecs je crois.
 

Alors ouais, à tous, je leur avais dit que j'allais gagner pour Nick. Mais à l'aller, dans ce tunnel, j'ai pensé à mon truc. Maintenant, je joue pour ce que j'aime. C'est ma solution. Pour vaincre. Je cherche ce que j'ai au fond. Je veux gagner. Je suis de la Goutte d'Or. J'ai dû me battre pour exister. Sinon, là-bas, on te voit pas. Alors dans le tunnel, je regarde nos maillots. On a changé pas mal de choses au PSG. Mais j'ai toujours la Tour Eiffel sur le cœur. Je suis défenseur central du PSG. Alors je me bats pour moi, pour mon club, dans les règles. Pour vaincre. Je veux être le plus fort sur le terrain. Dominer mes adversaires.
 

Au coup d'envoi, je ne pensais déjà plus à Nick, mais à mon truc. C'est pas égoïste, c'est ce qui marche le mieux. J'ai regardé Gouffran, Plasil. Je suis défenseur et j'ai décidé qu'ils ne passeraient pas. Comme toujours. Ce qu'il fallait. Je veux les affronter. Je refuse de perdre. Je n'ai pas besoin de tristesse, de rendre hommage pour faire mon métier. J'ai besoin de refuser de prendre un but. J'ai besoin d'attendre le ballon chaud, le premier, et de marquer leur corps. Qu'ils me sentent plus haut, plus dense, plus sombre qu'eux. Tout le match, je suis habité par ça. Je me laisse envahir par ça. Je refuse de me laisser passer. Pas une fois. Pas une action. Eux tentent. Ils reviennent, ils s'éloignent ou se faufilent. Évitent. Se cachent. Je ne suis pas allé chercher le souvenir de Nick. Des bons moments qu'on n'a pas vécus, parce que j'ai honte mais je n'ai jamais vraiment pris le temps d'aller vers lui. Pas assez. La honte, la tristesse, ça coupe. J'ai cherché le choc sur les tacles. L'attaquant avec qui tu cognes. Le ballon que tu claques de la cuisse, en corner.
 

Je hais ces caméras. Le match est fini. J'ai mal aux jambes, aux chevilles. Et à la cuisse. Il faudrait en plus pleurer. Mais je n'ai plus de larmes. Depuis longtemps. Je suis un soldat du PSG. Depuis toujours. Là, j'ai vaincu Bordeaux. J'ai la haine de ce tunnel. Il reste tant de matches encore. Je voudrais juste m'asseoir.
 

Réactions

  • Niang, ni Demont le 24/01/2013 à 07h07
    Vraiment excellent et pertinent!

  • Van Der Wiel Age People le 24/01/2013 à 08h27
    Respectueux et profondément humain.
    Sobre et de bon goût.
    Tout ce que j'aime.
    Merci.

  • Kireg le 24/01/2013 à 09h24
    Très joli texte. Merci.

  • Tonton Danijel le 24/01/2013 à 09h27
    Je me joins aux compliments, très joli texte!

  • OldSchool le 24/01/2013 à 09h29
    Top, ça fait du bien ce genre d'article.

  • Lorand Bourcis le 24/01/2013 à 09h43
    Superbe

  • roger rabine le 24/01/2013 à 11h52
    Très beau texte effectivement !

  • Pascal Amateur le 24/01/2013 à 11h54
    Rien sur l'herpès génital ?? Il y a des choses que M.S. tait !

  • Kireg le 24/01/2013 à 12h04
    Ce commentaire est à la fois affligeant et terriblement drôle...

  • Licha Sauvage le 24/01/2013 à 13h02
    Magnifique, ça m'a beaucoup ému.

    (le texte de l'article, pas le commentaire de Pascal...)

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