In Bed with le PSG : Z. I.
Après Chantôme, la star de son équipe... comme lui en pleine introspection. Qu'est-ce que ça fait d'être Zlatan Ibrahimovic?
Des départs. Malmö, la Hollande, puis l'Italie, l'Espagne, et l'Italie encore. La France, aujourd'hui. Besoin de changement, à chaque fois. Au PSG, une possibilité de renaissance, sans doute... Même si le cœur toujours un peu à Milan. Le bon moment peut-être?
Au début, le plaisir et l'excitation. Les négociations, la signature, le salaire, les interviews, les présentations devant la Tour Eiffel. De l'amusement. Pour eux, le plaisir de la découverte, oui. Pour moi, le déjà-vu. Mais bon... Des sourires, quand même. Et un petit pincement. L'envie, cette fois-ci, d'apaisement. Enfin, un espoir de sérénité, en moi.
Depuis le début, des tensions. Le départ de Croatie, pour la Suède. La vie difficile, la langue difficile. Moi, l'étranger. L'école difficile. L'envie du retour. De la bonne place. De l'ailleurs. Le froid, la nourriture, l'interminable nuit... et les amis. Très difficile. Le corps, difficile. Trop grand, trop vite. Les gestes mal contrôlés, qui font mal aux autres. La jalousie de ces autres, supérieurs dans les notes et dans les habits et dans la reconnaissance; mais inférieurs dans leur tête. La défense. Le rejet. Pour moi, le besoin de la démonstration. Le besoin de l'existence. Puis, la découverte du petit virus de la crainte. La force et la joie malsaine du contrôle de ce virus... Les ratés. Le dégoût de soi, après. Alors l'essai de l'oubli, l'essai du recommencement, grâce au football. Partir, encore. Quitter la Suède. Renaître?
L'Ajax Amsterdam, les premiers matches, les premiers chèques, les premiers fans, les premiers buts. Les premières filles. Les premiers coéquipiers, les anciens, les vieux pros. La première mise à part du groupe, malgré les bonnes perfs. La première incompréhension. La lecture dans leurs yeux du même complexe: la différence, ici aussi. L'étrangeté. Même litanie. Le besoin de rejet du petit nouveau trop grand, de protection contre le petit nouveau, trop fort. Trop bizarre. Trop promis à un avenir inaccessible. Et moi, la rage. L'envie de hurlements, de coups. De départ.
La Juventus, alors. Le grand club. Les grands joueurs. Des pairs. Des frères, enfin? Une bonne période. La certitude que cette fois, oui. La bonne place, ma place. Puis, doucement, les problèmes. De nouveau. Un entraînement trop rugueux, un tacle mal contrôlé. Une réputation pas totalement oubliée, au fond. Le retour du cauchemar.
Pareil à l'Inter.
Pareil à Barcelone.
Toujours plus loin, toujours l'évasion, et toujours la réapparition des mêmes casseroles. La question, pas de réponse. Quelle destination, pour la paix? Milan?
Un empilement d'années, à force. La naissance des enfants. Le seul repère, sur les bras pour ma famille, sur les chaussures pour la galerie, et dans le cœur, pour moi. Des réflexions, avec le temps. L'abandon de l'espoir de la découverte d'un chez soi. Pas de pays, au fond. Parce que trop de pays. Tant pis. Pas d'espoir de véritable reconnaissance, humaine, non plus. Trop différent, voilà... Une empathie trop difficile pour les autres. Alors l'acceptation du statut d'apatride, de star, de simple image. L'arrêt de la fuite. L'enfilage du maillot, taillé sur-mesure depuis le début. Le costume de monstre de foire. Tant pis. Direction Paris.
D'autres matches, avec nez rouge et catogan. Des buts. Des interviews avec le masque de la diva. Des buts. Le barnum de la Ligue des champions. Des buts. Et toujours pas de conflit, en dedans. L'espoir? Marseille, Nancy, des matches perdus sauvés grâce à mes buts. La joie dans le vestiaire. La joie le matin à l'entraînement. Encore, encore. Moi l'icône, moi le super-héros? Mon bon rôle, finalement? Pourquoi pas... Alors la victoire, pour la continuation sur ce chemin. Pour le repos, et la paix, enfin! Enfin la paix, cette fois-ci.
Le ballon derrière, au départ. Un vol, en profondeur, rapide. Moi, la course, la lutte, vers la surface. Vitesse, et les yeux sur le ballon. Le seul secret: les yeux sur le ballon, pas sur les cages. La retombée, déjà... difficile. La balle très haute, loin devant. Mais accessible, si un saut, si le pied dans le ciel. Oui: accessible. La confirmation dans mes tripes. Le pied près, la pointe près, elle va toucher. Un vol, moi aussi.
L'oubli du poids, l'oubli de la taille, l'oubli du sol et de la terre et des coups et l'oubli des provocations. L'oubli du salaire, des journalistes et de l'agent. L'oubli de la famille là-bas, de la maison à signer, l'oubli de la foule et du bruit. Un vol.
La pointe du pied va toucher le ballon et le but est droit devant... Même sans l'avoir regardé, je le sens. Je sens mon esprit libéré, là. Je vole. Je vais marquer. Là. Je suis vivant. J'existe.