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L'atypique aventure ivoirienne de Beveren

Certains se représentent les joueurs africains comme grands, costauds et prêts à aller au combat. La plus africaine des équipes européennes, le Beveren des années 2000, ne misait pourtant que sur la technique. Un pari gagnant.

Auteur : Christophe Kuchly le 6 Nov 2014

 

 

Il y a un dicton utilisé en basket, souvent attribué au légendaire coach Red Auerbach, qui veut qu’on ne puisse “pas enseigner la taille”. Dans un sport aussi dépendant des qualités physiques, faire une tête de plus que les autres constitue un atout décisif. On cherche donc les grands, à qui on essaie d’apprendre le sport, quitte à mettre au second plan des petits qui savent déjà jouer. Cette situation, confirmée sans détour à l’auteur par des formateurs français, est globale: on voit ainsi se multiplier les visites de scouts au cœur de l’Afrique, à la recherche de phénomènes physiques hors-normes.

 

La situation est différente en football, sport beaucoup plus pratiqué, plus complet et moins dépendant de la carrure. Et si le mythe du grand noir costaud existe toujours, il est une vague de joueurs qui contredit le principe: les Ivoiriens issus de l’académie de Jean-Marc Guillou à l’ASEC Mimosas, à Abidjan.

 

 

 


Principes de jeu

Plutôt que de chercher les gabarits, l’ancien international cherche les bons joueurs, tout simplement. Ses méthodes d’entraînement privilégient d’ailleurs des attributs techniques et tactiques plus que physiques: jeu pied nu et sans protège-tibias pour développer au mieux le toucher le balle, sans gardien pour apprendre à défendre haut et en équipe…

 

Après la victoire de l’ASEC Mimosas en Ligue des champions africaine en 1998, le club perd la plupart de ses éléments et le choix est fait de disputer la Supercoupe de la CAF avec les jeunes venus de l’académie. Le succès, 3-1 face à l’Espérance de Tunis, d’une équipe dans laquelle seul le gardien Copa Barry a plus de dix-huit ans (et l’entrant Sékou Tidiane seulement quinze) légitime le travail effectué.

 

Deux ans plus tard, le partenariat avec Beveren, modeste club belge habitué à batailler chaque année pour se maintenir, est mis en place. Didier Zokora (Genk), Copa (Rennes) et Aruna Dindane (Anderlecht) sont déjà partis. Kolo Touré ira à Arsenal, le grand frère de Beveren, en 2002. La plupart des autres jeunes rejoignent le club dont Guillou devient entraîneur, puis directeur sportif. Et, après des débuts assez navrants (91 buts encaissés et 14 points marqués en 2001, repêchage administratif en première division), les résultats s’améliorent. “Le fait est que les joueurs ivoiriens ont été formés ensemble, et pour avoir un impact positif, être une force collective, il fallait au moins en aligner sept sur onze. Au début, lorsque nous n’avions que quatre joueurs issus de l’académie, les résultats et performances étaient catastrophiques”, jugeait l’intéressé en 2003.

 


Limites physiques

Bien entendu, Beveren ne devient pas pour autant une machine de guerre. Mais, en terminant onzième puis douzième – et finaliste de la Coupe, ce qui débouchera sur une qualification pour la Coupe UEFA 2004/05 –, l’enclave ivoirienne au cœur des Flandres légitime le projet, à défaut de permettre de jouer les premiers rôles. Ses limites? Le constant renouvellement des troupes, bien entendu, mais aussi les lacunes physiques des joueurs. Très jeunes pour la plupart, ils ont reçu une formation centrée autour du jeu, sans autre sélection à l’entrée que les qualités balle au pied, et ne peuvent pas compter sur des prédispositions naturelles – celles que beaucoup assimilent aux sportifs du continent africain.

 

En Belgique, les deux premières saisons ont été difficiles, car nous n'étions quand même pas très costauds. Nous débarquions dans un pays inconnu dont nous ignorions la langue, il faisait froid et les gens n'étaient pas très favorables au fait de voir débarquer cinq jeunes Ivoiriens dans leur équipe”, expliquait Gilles Yapi Yapo il y a quelques années. Interrogé sur Baky Koné, l’un de ses protégés, Jean-Marc Guillou le concède aisément: “Personne ne pouvait croire en un attaquant de 1,63 m. Mais moi, je ne m'attache pas à la taille des joueurs, je cherche à évaluer leur talent.” Il reconnaît également que “la majorité des joueurs formés manquait de puissance”.

 

Hormis Yaya Touré, déjà impressionnant à son arrivée en Belgique à dix-huit ans, les autres sont des poids plumes. Les premiers à découvrir l’Europe, donc les plus prêts, se nomment ainsi Arsène Né (défenseur central ; 1,78 m pour 65 kg), Josselynn Péhé (1,65 m, 60 kg), Gilles Yapi Yapo (1,71 m, 62 kg) et Zézéto (1,70 m, 62 kg). Et si Baky Koné était minuscule, Mohammed Diallo, éphémère international arrivé un peu plus tard, était encore plus petit (1,59 m).

 


Un exode réussi

Inutile de citer tous les joueurs passés par Beveren, équipe qui a longtemps évolué avec dix Ivoiriens et le seul Igor Stepanovs, défenseur central letton prêté par Arsenal, comme étranger. Mais il y a un constat: à quelques rares exceptions, tous étaient des petits gabarits vifs et techniques, portés vers l’offensive et un peu naïfs tactiquement. Même les défenseurs, comme Arthur Boka ou Armand Mahan, ne dépassaient pas tous le mètre 70. S’il y a un stéréotype à dégager, ce serait alors celui impliquant que les grands ne sont pas techniques, plutôt que celui que le noir africain est grand et costaud. Le côté offensif, né de la formation, et les lacunes tactiques, qui s’expliquent par l’âge et l’inexpérience, étant surtout l’effet du moule.

 

Les séquences tantôt brillantes, tantôt lamentables vues en championnat de Belgique n’ont pas empêché beaucoup de joueurs de faire carrière ensuite. Centre de post-formation, Beveren a rempli sa mission en offrant du plaisir au public sans mettre en péril ses résultats et en offrant un tremplin à ces jeunes.

 

Beaucoup se sont perdus en route, bien sûr. Mais le taux de réussite de ces gamins formés sur un autre continent et qui atterrissent dans un club moyen d’un championnat peu médiatisé est énorme, bien plus grand que beaucoup de grands centres de formations européens. Car outre les éléments déjà cités et ceux qui réussissent une carrière convenable sans être des stars, il y a aussi Gervinho, le plus jeune de la dernière vague d’une expérience finie en 2006 et qui verra les derniers Africains partir deux ans plus tard.

 


Le bon profil

Le cas de Beveren restera comme une sorte d’anomalie, l’expérience d’un club qui appartient au passé depuis sa fusion avec Waasland. Les conclusions que l’on peut en tirer sont toutefois nombreuses. D’abord, que la Côte d’Ivoire possède un gros réservoir et qu’il a suffi d’une académie pour exploiter au mieux le potentiel des jeunes locaux. Ensuite, qu’il n’est pas besoin d’être grand ou épais pour sortir du lot et faire carrière, que l’on vienne d’Afrique ou non. On est d’ailleurs ici proche d’un autre stéréotype, plus ancien: celui du joueur africain d’instinct, qui a appris le football sur des terrains vagues.

 

Que Yaya Touré ait le mieux réussi laisse penser qu’une bonne constitution est essentielle pour passer un cap. Les facteurs sont cependant multiples et le rapport poids/taille n’est lui-même qu’un aspect des caractéristiques physiques – l’impact que peuvent mettre des joueurs comme Messi ou Hazard dans les duels en atteste.

 

L’exemple de Romaric est à ce titre très parlant. Arrivé à l’hiver 2003 en Belgique, il avait débuté par un tournoi amical de foot en salle face à d’autres équipes de Jupiler League, dribblant à peu près tout le monde et marquant sans forcer. En plus de son talent, il avait déjà pour lui un physique de déménageur et représentait le “joueur typique africain” de Willy Sagnol, si atypique à Beveren. Cela ne l’a pas empêché de passer à côté d’une très grande carrière [1]. Et d’être, sans doute, dans l’esprit de certains, vu comme un joueur uniquement costaud, lui qui a de l’or dans les pieds.

 


[1] Il sera d’ailleurs en concurrence avec Didier Zokora à Séville, lui aussi issu de l’académie Guillou, et avec qui il se distinguera en faisant le mur la veille d’une rencontre face à Barcelone.
 

Réactions

  • Matu-Verratti-Vieira-Touré-Clément-Cearà le 06/11/2014 à 09h59
    Merci Radek pour cet article qui m'a appris plein de choses et qui (dé)montre, s'il le fallait, la bêtise et l'ignorance de certains de nos plus grands techniciens nationaux.

  • peter panderlecht le 06/11/2014 à 10h27
    Pour Romaric qui était en effet un des plus prometteurs, sa grave blessure doit avoir joué quant à la suite de sa carrière.

  • dugamaniac le 06/11/2014 à 11h48
    D'accord pour la démonstration que tous les bons joueurs de foot ivoiriens ne sont pas des golgoths, apparemment cette évidence mérite encore d'être énoncé alors qu'on n'a jamais eu autant de matchs visibles pour s'en rendre compte.

    Après le projet de fin de formation à Beveren, je n'étais pas convaincu à l'époque, et aujourd'hui non plus. Que sont devenus ceux qui n'ont pas percés après être parti si jeune en Belgique, l'académie avait elle un volet éducatif aussi poussé que l'académie Diambars au Sénégal (il existe un reportage sur celle-ci qui réconcilie avec ce genre de projet mené par d'anciens joueurs) pour ceux-là?

    Mais ce n'était pas le sujet de l'article, je l'entends.

  • Carlos Alberto Riera Pas le 06/11/2014 à 13h27
    @dugamaniac
    Tout d'abord il faut savoir que les academies JMG c'est à peine une dizaine de joueurs sélectionnés parmis des milliers voir des dizaines de milliers donc le taux réussite pro est très élevé.

    Ensuite tout les joueurs qui n'ont pas réussi en Europe sont recyclés soit dans l’encadrement des autres academies à travers le monde (Madagaskar, Taillande, Algérie, Belgique, Egypte) ou bien est aidé dans sa reconversion.

    D'ailleurs l'un des rares de l'ASEC a ne pas être devenu footballeur est devenu un chanteur assez connu en Côte d'Ivoire.

  • mr.suaudeau le 06/11/2014 à 14h56
    Romaric, il est pas costaud, il est obèse, nuance.

  • narcoleps le 06/11/2014 à 16h15
    "Centre de post-formation, Beveren a rempli sa mission en offrant du plaisir au public sans mettre en péril ses résultats et en offrant un tremplin à ces jeunes."
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    Ça, c’est une vision très conte de fée de l’histoire (comme l'est le "pari gagnant" du chapeau).

    Que l’aventure ait été un tremplin pour (une partie) des jeunes Ivoiriens, c’est certain, mais pour le club, le résultat final a été catastrophique. Le recours à la filière ivoirienne était une fuite en avant, Beveren était au bord du gouffre financier au début des années 2000, et si l’accord avec Guillou (et Arsenal, qui était impliqué dans l’histoire) a permis au club d’obtenir un sursis, il a été obtenu en sacrifiant complètement son identité (et les jeunes du coin, de facto exclu de toute accession à l’équipe première) et l’a mis à la merci d’une rupture soudaine du partenariat, ce qui est arrivé cinq ans plus tard. Incapable de se reconstruire, l’équipe – qui, avec la 2e vague d'Ivoiriens, avait déjà évité de toute justesse la relégation les deux années précédentes – a sombré illico en D2 l’année d’après, où elle ne survécut que deux ans avant de tomber en D3 et se résoudre à fusionner avec Waasland.

    Quant aux résultats sportifs, le meilleur classement obtenu en 5 championnats est une 11e place, les autres flirtant avec la relégation. Il y a eu la finale de la Coupe de Belgique, certes, mais c’est l’arbre qui cache la forêt, et Beveren a été ridicule en poules de l’UEFA (0/15, 2 buts marqués, 15 encaissés). Pas sûr que le public local ait souvent pris son pied avec de tels résultats (le public belge dans son ensemble peut-être un peu plus, mais bon, pour beaucoup, ça restait anecdotique, un peu de folklore exotique avec par moments l’une ou l’autre envolée notable, et c’est à peu près tout, et le sentiment général était que ce Beveren a fait est l'exemple parfait de ce qu'il ne faut surtout pas faire).

La revue des Cahiers du football