L'Espagne, fission ou rajustement ?
Chronique espagnole # 4 - La Catalogne ou le Pays Basque pourront-ils bientôt présenter des sélections dans les compétitions de football? Le pour et le contre...
Auteur : Ernest Macià, à Barcelone
le 4 Nov 2004
La Catalogne vient de remporter son premier titre officiel à l'occasion du dernier Mondial B de rink-hockey en Chine (1). C’était la première participation de la Catalogne en compétition officielle, mais on attend encore la ratification définitive son inscription auprès de la Fédération Internationale (FIRS, basée à Fresno, aux Etats-Unis), le 26 novembre. Les Catalans — qui ont disputé la compétition avec un passeport provisoire —, sont à la recherche d'une reconnaissance qui, un jour, pourrait bien s'appliquer au football ou au basket. On commence en effet à imaginer sérieusement, en Espagne, que les matches amicaux de foot disputés annuellement entre la Catalogne et le Brésil, ou le Pays Basque et la Macédoine, préludent à une plus grande autonomie des sélections "régionales"... Même si l’olympisme interdit la participation aux Jeux des nations sans État, d’autres compétitions sont ouvertes aux Écossais ou aux Gallois qui jouent souvent face à l’Angleterre. Un état de fait qui, transposé en Espagne, enrage les constitutionnalistes et les pré-constitutionnalistes, lesquels ne comprennent pas cette manie des Basques et des Catalans à vouloir s’émanciper sportivement. À propos, la Catalogne rencontrera l'Argentine ou la Bulgarie en décembre. Dix raisons contre les sélections autonomes 1. D’après la Constitution, l’Espagne est une unité indissoluble, la patrie commune et indivisible de tous les Espagnols (article 2). 2. "Un match entre l’Espagne et le Pays Basque (par exemple), c’est une contradiction, car ils font partie de la même réalité territoriale" — José María Aznar (ancien premier ministre de l’Espagne). 3. Les constitutions de l’Espagne et la Grande-Bretagne ne sont pas comparables en ce qui concerne la possibilité de permettre à leurs territoires d'accéder à une représentation internationale. La Constitution espagnole ne le prévoit pas. 4. Il y a trois décennies, l’Espagne vivait encore dans une dictature franquiste qui a pris son origine en 1936. La Guerre Civile dressa à cette époque le modèle républicain-décentralisateur contre le modèle autoritaire-centraliste. Aujourd’hui, partisans et détracteurs coexistent pacifiquement. 5. Pour les partisans du non aux sélections régionales, dire oui le 26 novembre à Fresno, c’est enclencher un processus irréversible. C’est déjà faire le deuil de l’Espagne actuelle au profit d’un pays désagrégé, promis à une considérable perte de pouvoir au sein de l’Europe. 6. Même en Catalogne, ils sont nombreux à ne pas être favorables à l'indépendance de la Catalogne. 7. Réaction en chaîne : après la Catalogne et le Pays Basque, la Corse, le Québec, le Chelsea et l'Eurodisney vont vouloir participer au championnat d'Europe.. 8. Luís Aragonés aurait d’ores et déjà annoncé son rejet de cette initiative "de merde". 9. L’Espagne devrait déplacer 54 joueurs — quelques uns camouflés dans d’autres maillots —pour essayer l’impossible dans un Championnat du monde. 10. "Dieu est espagnol !". Manolo Lama, journaliste chez la SER, après un but d’Alfonso lors du Championnat de l’Europe 2000. Dix raisons pour les sélections autonomes 1.Pourquoi pas ? 2. La Constitution du 31 octobre 1978 va être reformulée dans un an et demi. Le modèle territorial d’un pays doit être négocié par tous les participants, dans le cadre d’un débat calme et compréhensif. 3. La participation des Basques et des Catalans aux événements sportifs internationaux peut être une soupape d’échappement pour les frustrations des nationalismes larvés. C’est dans un stade plein à craquer qu’on profère des insultes et des jurons, et qu'on libère ses fantasmes. 4. Iles Féroé (Danemark), Galles (UK), Écosse (UK), Irlande du Nord (UK), Chine Taipei (Chine), Macao (Chine)… 5. Le foot a souvent été l’otage des politiques. C’est le moment opportun de le délivrer. 6. La majorité des Catalans et des Basques sont pour la constitution d'une équipe nationale propre et la plupart des autres restent indifférents. Seuls 5% d'entre eux ont eu des problèmes auditifs et n’ont pas pu répondre au sondage. 7. Javier Clemente serait nommé entraîneur du Pays Basque par acclamation. Luis Fernandez en serait le directeur de conscience. 8. Catalogne versus Espagne : finale de la Coupe du monde. Impossible. L’Espagne n’a pas cette coutume. 9. Le marché des écharpes aux couleurs sang et or s’accroîtrait. 10. Dieu n’est pas espagnol. (1) Lire aussi L'article de Libération sur le sujet.