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« La fin du sport spectacle n'aura pas lieu »

Nous avions rencontré le sociologue Paul Yonnet, décédé vendredi dernier, à l'occasion d'une interview publiée dans le n°7 des Cahiers du football et que nous reproduisons ici.
Auteur : Propos recueillis par Rémi Belot le 25 Août 2011

 

Avec Huit leçons sur le sport, Paul Yonnet abordait des thèmes aussi variés que les relations entre le sport et les médias, le dopage ou le sport-spectacle. En juin 2004, nous étions revenus avec l’auteur sur cette dernière notion…

yonnet_itw.jpgDans votre ouvrage, vous soutenez que "la fin du sport spectacle n’aura pas lieu". Qu’est-ce qui vous fait dire cela?
Je défends cette thèse car le sport-spectacle contient en lui les principes de sa propre expansion, pour des causes qui tiennent à la structure même du sport. En effet, ce dernier réalise de façon idéale les conditions du théâtre: unité de lieu, d’action et de temps. De plus, la simplicité du mécanisme du spectacle sportif est imparable: on sélectionne et on oppose des individus – les meilleurs dans leur spécialité – auxquels le public s’identifie forcément: on ne peut pas trouver quelque chose d’aussi efficace et qui corresponde autant à un besoin social, en tout cas dans la société dans laquelle nous vivons.

Outre l’identification du public aux sportifs, vous soulignez que le deuxième carburant du sport-spectacle est "l’incertitude" du résultat. Dans le football, on a le sentiment que certains – le G14 par exemple – entendent justement gommer ce facteur...
Ce n’est pas comme ça que j’analyse la position du G14. Au contraire, je pense même que son point de vue corrobore mon propos: le paroxysme du spectacle sportif, c’est d’opposer des équipes qui se valent, donc des équipes entre lesquelles l’incertitude du résultat est maximale. Le problème des premiers tours de coupe d’Europe, c’est justement l’hétérogénéité des valeurs: il est donc normal que les grands clubs souhaitent créer une sorte d’élite européenne, à la manière de ce qui se fait aux États-Unis avec la NBA, par exemple.

C’est pourtant une pratique contraire à notre culture sportive…
Oui, c’est pour cela que cette tendance à vouloir limiter le cercle des "meilleurs égaux" est relativement réfléchie, ou en tout cas régulée: le président de la FIFA, Sepp Blatter, parle par exemple de rendre obligatoire dans chaque équipe des quotas de joueurs nationaux ou formés au club. C’est une forme de régulation anti-trust, mais on pourrait envisager qu’il y en ait d’autres.


« On a construit des stades sans tribunes jusque dans les années 30 »


Lutter contre le sport-spectacle, selon vous, c’est utopique ?
Ce débat a eu lieu à une époque, dans la première partie du XXe siècle: le mouvement du sport éducatif rejetait alors la philosophie du sport-spectacle. On a par exemple construit des stades sans tribunes jusque dans les années 30. Coubertin lui-même, au début de sa carrière, soutenait globalement cette idée. Mais petit à petit, ce courant de pensée est devenu minoritaire. En Angleterre, le football professionnel a réuni des foules considérables assez rapidement. C’était assez inattendu, mais cela s’est généralisé à d’autres sports, en particulier dans le cadre des Jeux olympiques.

Vous semblez vous accommoder de cet avènement du sport-spectacle…
Je suis sociologue, j’essaye simplement d’objectiver un sujet, de l’analyser dans ce qu’il me présente en essayant de ne pas me tromper: c’est très difficile! On peut donc tirer de mon livre des appréciations contradictoires selon sa propre opinion sur le sport-spectacle, mais je rappelle quand même que le culte de la compétition sportive n’est pas viable. Le sport-spectacle nous offre en quelque sorte l’image de ce que serait la société s’il y avait une concurrence parfaite entre les individus: ce serait une société de la guerre de tous contre tous, de la domination du plus petit nombre sur le plus grand nombre. Cela dit, je ne crois absolument pas à ma capacité de faire bouger les choses. Les phénomènes sociaux sont beaucoup plus forts que la connaissance que l’on peut en avoir. Je conçois donc que l’on puisse penser que ce à quoi on assiste est réversible, mais je n’y crois pas beaucoup. Toutefois, si des forces alternatives se lèvent et parviennent à modifier l’économie du sport, il sera intéressant d’observer ce phénomène…


« "L’insécurité arbitrale" fait partie intégrante du football »


Vous évoquez dans votre ouvrage l’arbitrage vidéo, qui est l’une des formes que peut prendre le sport-spectacle : selon vous, la volonté d’y recourir pourrait-elle faire perdre de l’intérêt au football?
L’arbitrage vidéo ne peut être que limité dans le foot : on ne peut pas soumettre la totalité des actions d’un match au recours permanent à cette pratique sans risquer de véritables ruptures de rythme. Ce type d’arbitrage ne doit être utilisé que pour juger si le ballon a ou non franchi la ligne, ou alors a posteriori pour sanctionner des joueurs coupables de fautes d’antijeu. Mais il faut garder à l’esprit que "l’insécurité arbitrale" fait partie intégrante du football. Parce que ce dernier est un "sport-jeu": un sport ou la règle est mal ou peu appliquée, avec un arbitrage souvent arbitraire, à la différence des sports américains, qui sont des " sports-sports ", dans lesquels la marge entre la règle et son application est la plus limitée possible. C’est dans ce statut de sport-jeu que réside le secret de la séduction du football…


Paul Yonnet, Huit leçons sur le sport, Gallimard (Collection bibliothèque des sciences humaines), 15 euros. Le sociologue est également l'auteur de Une main en trop (Fallois, 2010) sur les suites de la main de Thierry Henry lors de France-Irlande.

Réactions

  • Sens de la dérision le 25/08/2011 à 07h54
    Sept ans après, cette interview est toujours d'actualité.

  • la menace Chantôme le 25/08/2011 à 09h28
    Sport-jeu / sport-sport...la seconde notion n'est pas évidente pour le profané , bien que le concept soit séduisant.
    (Tellement séduisant que j'adorerais pouvoir m'en servir dans une discussion.)

  • theviking le 25/08/2011 à 09h37
    Dans le sport américain, la marge entre la règle et son application n'est pas si faible que ce qui est sous-entendu : en hockey il y a aussi beaucoup de polémiques sur l'interprétation des pénalités, l'arbitrage en séries n'est pas l'arbitrage de la saison régulière. Pareil pour le basket NBA où les fautes sifflées dans la raquette dépendent en partie du joueur, et le nombre de pas autorisés ne colle pas toujours à la règle du marché.

  • Sir Sourire le 25/08/2011 à 09h50
    theviking
    jeudi 25 août 2011 - 09h37
    ---

    Ce que tu décris est juste, mais il me semble que c'est dû à l'analyse du contexte et des situations de jeu plus que du règlement.

    Je ne connais pas en détail les règles du hockey, mais au basket les infractions sont strictement et précisément définies, ne laissant pas de place à l'interprétation. Il est plus facile de déterminer objectivement s'il y a infraction ou non au basket qu'au foot – où il existe tout un tas de situations pour lesquelles il n'est pas évident de savoir s'il y a faute ou pas.

    Après, comme tu le dis, les contraintes du sport-spectacle (saison/playoffs, joueur lambda/star) font que ces principes peuvent être détournés, mais à mon avis ça ne remet pas en cause l'analyse de Yonnet.

  • theviking le 25/08/2011 à 10h00
    > La différence entre passage en force et faute défensive est parfois mince (le défenseur était-il arrêté ou encore en mouvement ?)

  • Sir Sourire le 25/08/2011 à 10h15
    theviking
    jeudi 25 août 2011 - 10h00
    > La différence entre passage en force et faute défensive est parfois mince (le défenseur était-il arrêté ou encore en mouvement ?)
    ---

    Tu vas dans le sens de Yonnet. La difficulté est de réperer la situation :

    1 - défenseur arrêté = passage en force
    2 - en mouvement = obstruction

    C'est binaire, très clair. La difficulté réside dans l'analyse du fait de jeu en temps réel, pas dans l'application du règlement.

    Pour rester sur le thème des contacts physiques, c'est nettement moins clair au foot puisqu'en gros la frontière entre contact licite et illicite est fixée par le fait de "jouer le ballon", ce qui rend le contact plus difficile à juger que s'il était défini par la position du corps ou la gestuelle du joueur.

  • la menace Chantôme le 25/08/2011 à 11h36
    Tout ceci n'empêche pas que ces expressions et concepts semblent plus conventionnels que logiques (enfin, surtout la seconde).

    On peut affirmer que les règles du foot sont souvent soumises à des interprétations tandis que celles d'autres sports le sont moins, cela me va très bien et j'abonde totalement vers la réflexion de l'auteur et les vôtres.
    Si la règle (conventionnelle, donc) c'est de qualifier un sport de "-jeu" quand il laisse la place au doute (d'où le côté 'joueur', pas trop de souci là-dessus) ou de "-sport" quand il a des règles absolues, soit.

    C'est l'expression "sport-sport" qui me semble peu évidente/séduisante, ou en tout cas pas aussi efficace qu'une autre adjectif aurait pu l'être.


    Je sais pas, moi, un sport-logique.

    Toujours est-il que c'est bien vrai que ça fait partie du charme du foot (sauf quand ça finit en déclinaison de la conjugaison du verbe "tentaculer" en tribunes).

  • leo le 25/08/2011 à 13h55
    "Toujours est-il que c'est bien vrai que ça fait partie du charme du foot"

    Je ne vois pas du tout en quoi ça fait partie du charme du football. Bien au contraire, d'ailleurs.

  • la menace Chantôme le 25/08/2011 à 14h25
    Oui, bon, ça dépend du moment, de l'"offense", etc... je m'emballe.

    En tout cas ça ne me dérange pas.

    Et puis c'est bien subjectif.

  • Pascal Amateur le 25/08/2011 à 21h15
    Le sociologue est également l'auteur de Une main en trop (Fallois, 2010) sur les suites de la main de Thierry Henry lors de France-Irlande.

    Oui, un livre incroyablement inintéressant, d'ailleurs, où il fait l'éloge des anciens de France 98 passés derrière le micro.

La revue des Cahiers du football