La Gazette du Mondial, numéro 8
Contrariétés chez les gros
On pensait que seules les équipes de France et du Portugal, parmi les favoris, allaient se mettre en difficulté pour la qualification… Mais les seconds rounds de la phase de poule ont inversé la tendance pour d'autres ténors. Cela a commencé avec l'Allemagne, mise en échec dans les ultimes minutes de son match contre l'Irlande. Ce nul est cependant un moindre mal comparé à la courte défaite de l'Argentine face à l'Angleterre, qui la met en ballottage défavorable avec la Suède pour un affrontement prometteur, mercredi prochain… Pour ne rien arranger, Veron confirme sa grosse méforme de la saison, privant son équipe du brillant meneur de jeu qu'il peut être. L'émergence de Pablo Aimar pourrait être d'autant plus spectaculaire, mais l'autre favori du Mondial voit sa cote baisser chez les bookmakers comme celle d'une action TF1.
L'autre grand déçu du deuxième tour est évidemment l'Italie, dont on ne peut pourtant s'étonner qu'elle ait été piégée par la Croatie… Starifiée en 98 mais absente de l'Euro 2000, la sélection au damier n'a pas beaucoup attiré l'attention, à plus forte raison après son échec initial contre le Mexique. Décrite comme vieillissante, à l'image de Suker, joker vétéran, elle a pourtant conservé sa capacité à faire déjouer son adversaire, à désamorcer ses armes (Vieri) et à profiter de ses moindres failles, voire à obtenir des décisions arbitrales en sa faveur... La Squadra était pourtant dans une situation qu'elle maîtrise d'habitude, menant peu avant l'heure de jeu d'un but arraché dans les airs par Vieri. Mais en trois minutes, à un quart d'heure de la fin, Olic et Rapaic assénaient coup sur coup aux Transalpins. Ceux-ci avaient été privés de Nesta au bout d'une demi-heure seulement (remplacé par un Materazzi très moyen, le défenseur de la Lazio est incertain pour le dernier match), et ils n'ont manifestement pas été aidés par l'arbitrage de M. Poll, qui n'a pas conduit la rencontre dans le treizième pilier mais qui a sérieusement contrarié Giovanni Trapattoni et le peuple des tifosi... Trouble passager ou début de scoumoune?
Le Mexique haut ?
Ils courent, ils courent, les Mexicains. Et ils le font plutôt bien. Depuis le début de la compétition, les hommes d’Aguirre ont en effet démontré une grande vivacité sur les pelouses japonaises. Mais au-delà de leurs qualités physiques indéniables, ceux-ci ont également proposé du beau jeu en mouvement aux courageux hexagonaux qui se sont levés aux aurores pour suivre leurs deux parties "matinales": à base de passes courtes et de redoublements, leur système est simple et direct. Que le score ait été nul et vierge pendant de longues minutes (contre la Croatie) ou qu’ils aient été menés rapidement (face à l’Equateur), Marquez et ses partenaires ne se sont jamais précipités et ont continué de construire un jeu à terre particulièrement efficace. Arellano, Luna ou Blanco sont de sacrés tripoteurs de ballons, et la qualité de relance de la défense est un atout indéniable pour cette sélection. Bien sûr, on peut leur reprocher une agaçante volonté de toujours vouloir rentrer dans le but avec le ballon. Contre l’Equateur, les attaquants se sont évertués à passer par le centre, ce qui s’est avéré payant sur le deuxième but, mais ce succès peut être expliqué par la faiblesse de l’opposition. Il y a fort à parier que la défense centrale italienne donne du fil à retordre aux buteurs mexicains s’ils continuent dans cette stratégie extrême. A moins, évidemment, que la charnière bleue ne décide de leur offrir le même cadeau qu’à leurs homologues croates samedi dernier.
Don't Step on my Blue Suede Shirt
Outre qu'ils ont un joli maillot assorti à leurs cheveux et à leurs yeux, les Suédois ont montré qu'ils avaient de quoi poser des problèmes à n'importe quelle équipe, et il ne serait pas surprenant qu'ils soient les qualifiés surprise de ce groupe F qui a déjà tué le Nigeria. Trois fois candidat pour être le symbole de l'émergence internationale du football africain, la sélection du pays le plus peuplé d'Afrique est une nouvelle fois passée à côté de son sujet, sans se déchirer, mais sans montrer ni la maturité ni la détermination nécessaires pour franchir ce palier.
L'Angleterre a déjà gagné sa Coupe du monde ?
L'Angleterre, qui avait déjà réalisé une bonne première période contre la Suède avant de faiblir, s'est considérablement rassurée sur son propre niveau dans une rencontre à très haute intensité. En atteignant son premier objectif, d'importance presque plus symbolique que sportive, elle devra cependant prendre garde à un relâchement peu judicieux à ce moment de la compétition. Peut-être moins pour le match contre un Nigeria probablement démobilisé qu'en vue de la suite. Car si elle parvient au contraire à s'appuyer sur la confiance acquise, cette équipe pourrait devenir très ambitieuse…
Le Brésil survole son groupe
Le match le plus pénible de la compétition a vraisemblablement été Costa Rica-Turquie. Après avoir élevé son jeu au niveau de celui du Brésil, la sélection ottomane (privée de Alpay Ozalan et Hakan Unsal, suspendus) n'a pas fait beaucoup mieux que les modestes Ticos dans un festival d'erreurs techniques et d'occasions gâchées. Il a fallu aux Sud-Américains qu'un attaquant remplaçant (Parks) se trouve seul à deux mètres du but vide pour qu'enfin ils marquent à la 86e minute, maintenant ainsi leurs adversaires à trois points. Leur dernier rendez-vous sera cependant plus ardu (même si le Brésil est déjà qualifié) que celui des Turcs qui devront battre la Chine et faire des calculs de différence de but pour attraper la seconde place.
Le Brésil a donc réussi à ne pas se planter dans le groupe le plus facile de la compétition, passant quatre buts aux faibles Chinois et répartissant idéalement les crédits entre ses stars. Rivaldo a même cédé la politesse à Ronaldinho pour tirer le penalty, en augmentant quand même son compteur personnel, tout comme Ronaldo. Le Parisien est apparu en progrès, d'autant que Denilson a fait une rentrée moins fracassante que contre la Turquie. Quant à Roberto Carlos, il a soigné sa légende avec un missile qui prouve qu'aucun ballon Adidas ne l'empêchera d'éprouver la résistance des filets.
La Slovénie écartée, l'Espagne en force
La Slovénie s'est moins bien tirée de l'éviction de son leader que l'Irlande, le départ de Zahovic ayant précédé et peut-être précipité la seconde défaite de sa sélection contre l'Afrique du sud, victorieuse par un cruel but de la cuisse. Les promesses de l'Euro 2000 sont bien loin, et le Paraguay risque de n'être pas très charitable dans le dernier match, mercredi. Pour leur part, les Africains joueront leurs chances contre l'Espagne, seul favori avec le Brésil à avoir d'ores et déjà réussi ses deux premiers matches. Les deux sélections se trouvent en position favorable pour aborder au mieux le troisième round et les huitièmes dans la foulée…