La Grande-Bretagne, pas un grand pays de foosball
When Saturday Comes – Une Coupe du monde, de grands tournois: le baby-foot, c'est une discipline sérieuse en plus d'une culture populaire en Europe continentale ou aux États-Unis. Qui peine à s'implanter en Grande-Bretagne.
Extrait du numéro 364 de When Saturday Comes. Titre original : "Top Dogs", traduction la Menace Chantôme.
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Week-end de Pâques à Hambourg. L’un des tournois de football les plus ouverts au monde s’apprête à débuter dans le grand kulturhaus Kampnagel. À l’intérieur, l’attention se porte instantanément sur l’attraction principale: une table de foosball [1] pour équipes de onze joueurs, dotée de vingt-deux barres de chaque côté, toutes empoignées en quelques secondes. "Les compositions des équipes à cet instant étaient représentatives des valeurs de ce sport", se félicite Hannes Thielker, un des organisateurs de la Coupe du monde 2017 de football de table. "L’un des côtés était presque entièrement occupé par l’équipe des juniors chinois. L’autre se partageait entre l’équipe féminine iranienne et des Anglais. C’était extraordinaire."
Beaucoup ignorent sans doute qu’il existe une Coupe du monde de football de table. En effet, ce quasi-sport plus connu sous le nom de foosball n’a pas encore rencontré un très franc succès ici (au Royaume-Uni, ndlr). L'événement n'en est pas moins important: il mobilise 150 volontaires, 41 nations et 800 joueurs. Hannes Thielker, sorte d’amateur à plein temps, est d’ailleurs particulièrement fier d’avoir pu accueillir "ensemble des meilleurs joueurs des États-Unis, qui sont en quelque sorte des légendes de ce sport".
Cette imposante équipe américaine a obtenu plusieurs distinctions majeures lors de la Coupe du monde, notamment le titre de l’épreuve masculine. Mais dans cette épreuve, la Grande-Bretagne est allée au-delà des attentes en sortant d’un groupe difficile pour se faire éliminer ensuite par la Suisse. Notre pays n’est tout simplement pas perçu comme un grand pays de foosball. Nous y avons tous joué, mais notre pratique reste bien moins intense qu’en Allemagne, aux États-Unis, en France ou ailleurs.
60.000 pratiquants en Allemagne
Le football de table a vu sa cote de popularité monter pour la première fois dans les années 1970, avec l’organisation de tournois bien rémunérés aux États-Unis, avant que les jeux vidéo ne prennent l’ascendant. Le sport a ensuite connu un renouveau inattendu dans les années 1990 en tant qu’élément de mobilier interactif et convoité.
Cela s’est produit essentiellement sous l’effet de deux séries télévisées, visiblement par le plus grand des hasards. D’abord le sitcom Friends, qui en a fait un élément indispensable des garçonnières. Mais c’est surtout l’émission Cribs (l’adaptation de notre Through the Keyhole national par MTV) qui a été à l’origine d’un véritable boom pour le football de table, en montrant les salles de jeu extravagantes d’innombrables rappeurs. Le foosball était alors une façon relativement pratique et abordable de goûter à ce confort, alors que les tables de billard nécessitaient trois fois plus d’espace.
Cet élan n’a malgré tout pas suffi à entraîner la création d’une infrastructure au Royaume-Uni. "Le problème est de réussir à stimuler la compétition", confie Ben Mason, ancien président et supporter de l’Association de football de table britannique (British Football Association). "En Allemagne, plus de 60.000 hommes, femmes, juniors et seniors s’affrontent chaque semaine dans le cadre de ligues dédiées".
Une popularité qui serait largement dû "à la culture locale", poursuit-il. Alors que les amateurs germains sortent pour "jouer au foosball, boire une bière et manger un morceau", les pubs britanniques sont de plus en plus axés sur la restauration et l’accueil des familles. Leur priorité va donc aux tables classiques. Une situation regrettable, car le foosball est un sport universel, estime Hannes Thielker. Et de prendre pour exemple la catégorie handicapés de la Coupe du monde 2017, remportée par la Belgique et organisée par le club de St Pauli.
Se mettre à table
Les origines de ce jeu ne sont pas clairement déterminées. Selon une version mise en avant par Wikipedia, Harold Searles Thornton, grand fan des Spurs de Tottenham, aurait créé un objet à partir d’allumettes en 1922. De son côté, Ben Mason, fait référence à des histoires plus romantiques faites de menuisiers français et d’enfants de paysans recyclant des pinces à linge.
Évidemment, le nom de la discipline change également en fonction des régions. Le terme foosball, de plus en plus répandu, aurait été importé d’Allemagne par un soldat américain de retour au pays dans les années 1960. En France (les vainqueurs du trophée féminin par équipe cette année), c’est bien le terme baby-foot qui est employé. Chez nous, en revanche, la plupart des gens utilisent toujours le bon vieux "football de table", ce qui n’aide probablement pas à susciter l’intérêt des pubs à la mode. Le pôle de croissance du foosball se situe dans les bureaux modernes, qui cherchent à accroître le bien-être de leur personnel en créant leurs propres espaces de détente, comme dans MTV Cribs.
Le premier fournisseur de tables du Royaume-Uni, Liberty Games, a publié les résultats de sa première étude en début d’année, après avoir effectué des tests biométriques sur un volontaire jouant à différents jeux en environnement professionnel. Le sujet a semblé montrer une rapide "perte d’intérêt" pour le foosball. Son adversaire cherchait-il à se faire plaisir en maniant les poignées de façon aléatoire? "Non, il a simplement compris que notre sujet était bien meilleur que lui", explique Stuart Kerr de Liberty Games.
Les meilleurs pratiquants sont d’un tout autre niveau: technique, stratégie, tout y est. Les tables voient généralement leurs ventes augmenter en amont de tournois de football "réel". 2018 devrait donc être le meilleur moment pour recruter des joueurs en vue de la prochaine Coupe du monde de football de table, qui aura lieu en Espagne en 2019. Peut-être y aura-t-il même une table de vingt-deux barres. Qui pourrait résister à l’envie d'en emparer?
[1] Foosball est le terme anglo-saxon pour baby-foot (voir plus loin dans le texte).
Photos Jens Strohmeyer et Tim Krause / ITSF WorldCup 2017
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