La Ligue ravale sa façade
Remaniement en douceur
Après des tractations qui ont différé l'annonce d'une liste commune, la Ligue nationale de football s'est regroupée autour de la candidature de Frédéric Thiriez, son actuel administrateur provisoire. Des négociations, en cours, doivent définir la composition du futur Conseil d'administration, lequel devrait retrouver les prérogatives qu'il avait perdu après la création d'un "bureau" qui accaparait toutes les décisions.
D'après L'Equipe du 09/05), les "élitistes" y conserveront la majorité dans le collège des clubs de D1, le club des cinq étant reconduit (Gervais Martel, Jean-Michel Aulas, Jean-Louis Campora, Jean-Louis Triaud et l'extraordinaire Patrick Proisy). Les trois autres membres censés représenter les clubs modestes sont Jean-Pierre Louvel (Le Havre), Jean-Claude Plessis (Sochaux). Le rapport s'inverserait dans le collège de D2 avec deux sièges pour la tendance Le Graët (Pascal Pouillot - Amiens - et Guy Chambily - Caen).
Si le rééquilibrage est évident, l'absence de Noël Le Graët, qui briguait une place dans le collège des indépendants (au sein duquel est choisi le président) est l'élément principal de cette recomposition. A en croire Etienne Moatti (L'Equipe), l'ancien président aurait vainement négocié son retour, compromis par le consensus autour de Thiriez, lequel présente l'avantage de ne pas être lié de trop près aux conflits antérieurs. Avec trois sièges au lieu des quatre espérés, l'éviction de Bourgoin n'a donc pas été l'occasion de réellement remettre en cause la ligne directrice du clan Aulas, qui garde la main sur le gouvernail, même s'il sera contraint à plus de transparence et de concertation.
Le foot français vers son destin libéral?
Le futur président a donné quelques d'indications sur son programme, dont les points essentiels seront arbitrés au sein même de l'instance, mais qui ne devrait infléchir la politique actuelle que sur la forme (concertation, diplomatie) et pas sur le fond. La "majorité" restant en effet majoritaire au CA, Thiriez a surtout pour mission de mieux promouvoir ses idées en rétablissant un minimum de sérénité dans le milieu. La confrontation avec la "minorité" ne devrait plus être esquivée et permettra de mettre des garde-fous, mais sur le fond, les objectifs resteront les mêmes, d'autant qu'une victoire de la droite aux législatives assurerait la bienveillance du gouvernement à certaines revendications chères au patronat du foot français.
Dans un entretien avec L'Equipe (30/04), Frédéric Thiriez laissait peu de place au doute. "La querelle entre libéraux et non-libéraux d'il y a deux ans était artificielle, car elle dissimulait des querelles de personnes. Aujourd'hui, il existe un consensus sur un certain nombre de réformes et de principes (…)", déclarait-il. Ces réformes sont définies par les "trois axes" de son programme: "La rigueur (respect de la loi, des autorités de tutelle, des règlements, renforcement de la DNCG, management en équipe), le respect (de l'arbitrage, des familles, des équipes nationales, de la Fédération française). Et la réussite, qui passe par des réformes indispensables (propriétés de la marque, droit réel sur les stades, propriété des droits d'exploitation, allègement des charges sociales, possibilité d'accéder au marché financier…). Le tout avec un souci de solidarité entre les clubs".
Les deux premiers points sont les plus consensuels et correspondent à l'amendement de la "méthode" Bourgoin (dont les maladresses ont détourné l'attention de la brutalité des appétits de ceux qui l'avaient porté au pouvoir), le troisième est l'application pure et simple du programme libéral du clan Aulas-Martel-Campora. L'engagement de respecter le principe de la "solidarité" risque de devenir un peu abstrait dans ce contexte, surtout s'il n'est pas défendu de façon plus vigoureuse par une opposition aujourd'hui plutôt résignée et dépourvue de leader (on notera que Pierre Blayau, qui n'en faisait de toute façon pas partie est retourné dans les limbes, voir Ligue: déjà les plans d'urgence?).
Nous n'avons pour notre part pas de raison de nous plaindre du "retard français" lorsqu'il consiste à ne pas tomber dans les mêmes dérives que les autres, sauf quand on s'acharne à le rattraper au moment même où ces autres font marche arrière ou sont sanctionnés d'un retour de bâton… Le virage libéral serait d'autant plus désolant qu'il surviendrait dans le contexte d'une crise économique à l'échelle européenne qui résulte directement de la course aux profits (voir On dirait un krach et Extension du domaine de la crise). Mais nos dirigeants nous ont habitués à bien d'autres contresens…