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La télévision comme justice divine

Tribune – Et si l\'on prenait les polémiques arbitrales (qui ont un peu tardé à éclater lors de cet Euro) avec un peu de philosophie?

Auteur : Tony Chapron le 21 Juin 2012

 

Lorsque nous avons proposé à Tony Chapron de mettre en ligne son texte, nous l'avons prévenu qu'en plus d'être fustigé en tant qu'arbitre, il allait l'être en tant qu'intello. Ça ne l'a pas dérangé. Et de toute façon, il n'est pas abonné à Canal+.

 

* * *

 

"De la théodicée à la télédicée" – Lorsqu’en 1710, Leibniz publie Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l’homme et l’origine du mal [1], le philosophe postule que l’œuvre divine porte le sceau de la Justice. Tout ce qui se produit est donc juste et bon au seul motif que tout dépend de l’œuvre de Dieu. Trois siècles plus tard, la justice des hommes ne porte plus le sceau divin, se trouve au cœur des débats sociaux et devient un outil de contrôle du degré de civilisation. Loin d’être infaillible, la justice prête le flanc aux critiques les plus violentes parce qu’elle est indispensable à la vie en société, elle en constitue le socle, le bien commun. Sans elle, toute forme d’interaction entre les individus est impossible.

 

Or, cet absolu social se heurte tantôt aux erreurs, tantôt aux incompréhensions, aux dévoiements voire à la corruption. Dans une société qui doute de ses propres compétences à juger et de ses juges, il est un espace qui constitue une modélisation, un but à atteindre: le sport. Parce qu’il porte les valeurs de justice [2] comme un étendard immaculé, il se trouve propulsé au rang d’idéal social. Modèle de justice parce que seul le meilleur gagne, parce que le sportif est récompensé de ses propres efforts, le sport incarne une société juste, méritocratique. Toutefois, cet idéal ne supporte guère l’analyse approfondie de ces vertus supposées mais surtout, la justice qui y est rendue n’est en rien parfaite. Tel Candide [3] qui traverse la vie et découvre ses horreurs et ses injustices, le spectateur perçoit dans le sport les limites d’un monde social humain.

 

 

L’exemple du football, nous offre une approche symbolique de cette incapacité des hommes à concevoir une justice faillible. Comme le souligne Huizinga « plus une société se "juridise" moins elle supporte la notion de hasard » [4], et dans cette société l’interprétation des juges (des arbitres) peut être considérée comme un paramètre d’incertitude, un aléa. Si, auparavant, l’erreur d’arbitrage pouvait s’entendre c’est, d’une part, parce que les enjeux économiques étaient moindres et, d’autre part, parce que l’erreur d’arbitrage ne dépassait pas le cercle restreint des spectateurs et des acteurs du jeu et ne concernait, par conséquent, que l’espace sportif.

 

L’apparition de la télévision a bouleversé cette vision de la justice. Elle donne à voir et à revoir [5] tout et rien et surtout les erreurs d’arbitrage comme une abomination intolérable dans une société civilisée. C’est la notion même de justice que la télévision redéfinit puisqu’elle place tous les téléspectateurs devant le spectacle de la justice et transforment ceux-ci en procureurs ou juges patentés, sans plus de connaissances législatives. La preuve de la télévision se suffit à elle-même sans tenir compte des règles précises, du contexte et du ressenti du réel par les juges.

 

Les sociétés disciplinaires telles que décrites par Foucault dans Surveiller et punir sont en crise et le succès de la télévision tient à l’instauration d’un autre rapport à l’autorité sportive, elle propose non plus de fonctionner sur un mode disciplinaire mais d’introduire un contrôle total. L’arbitre se retrouve alors non plus en acteur du monde social régit par des lois, mais comme exécutant d’une justice télévisée suprême.

 

La justice divine – théodicée – laisse place à une nouvelle forme de justice: la télédicée. Nul ne peut contester ce que nous laisse voir la télévision, quand bien même, comme le rappelle Guy Debord: "Le spectacle, comme tendance à faire voir par différentes médiations spécialisées le monde qui n’est plus directement saisissable, trouve normalement dans la vue le sens humain privilégié qui fut à d’autres époques le toucher; le sens le plus abstrait, et le plus mystifiable, correspondant à l’abstraction généralisée de la société actuelle" [6]. Vouloir instaurer la vidéo dans l’arbitrage des rencontres de football, c’est confier la justice à une nouvelle divinité (la télévision) sans nous interroger sur notre rapport (apprentissage, incorporation, légitimisation, etc.) à la loi comme socle de nos sociétés.

 

Texte initialement publié dans Arbitres, juges et officiels du sport en Bourgogne. Coordination Carine Erard et Ludivine Jacquinot. Oct 2011. Faculté des sciences du sport et Université de Bourgogne.


[1] Gottfried Wilhelm Leibniz, Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l’homme et l’origine du mal, Amsterdam : D. Mortier, 1720.
[2] Voir le chapitre Un modèle de justice construit autour de la règle et de l’arbitre, Tony Chapron in Le sport et ses valeurs, sous la dir. Michaël Attali, La Dispute, Paris, 2004.
[3] Voltaire, Candide ou l'Optimisme, R. Pomeau éd., Nizet, Paris, 1959.
[4] Johann Huizinga, Homo ludens, essai sur la fonction sociale du jeu, Paris, Gallimard, 1951, p.135.
[5] Voir sur la notion de ralenti, Jacques Blociszewski, Le match de football télévisé, Editions Apogée, Paris, 2007, p.113.
[6] Guy Debord, La société du spectacle, Paris, Gallimard, 1992, p.23.

 

Réactions

  • José-Mickaël le 21/06/2012 à 02h13
    Rien compris.
    Pis ça nous dit pas si yapéno ou yapapéno.

    (Sans rire, voilà un texte intéressant, même si un peu trop théorique pour moi, qu'il aurait fallu publier quelques jours plus tôt pour en faire un sujet du bac. de philo...)

  • osvaldo piazzolla le 21/06/2012 à 03h08
    Pas de bol, la grosse polémique arbitrale, elle a eu lieu dans le seul match (Ukraine-Angleterre) que personne n'a vu en France. Il aurait peut être fallu attendre le quart de finale ? :)

  • Hugo by Hugo Broos le 21/06/2012 à 09h52
    Ça me fait plaisir de lire ici ce texte que j'ai déjà lu et trouvé fort intéressant puisque je prépare une thèse sur la responsabilité sociale des médias dans la construction de l'image des arbitres de football ... en un mot, je planche sur le yapéno/yapapéno et ses effets sur les arbitres.

  • newuser le 21/06/2012 à 09h59
    Je suis une bille en philo, encore plus en arbitrage mais au moins le point de vue est intéressant.
    Surtout il émane d'un des mis en examen permanents qui pour une fois à le droit à la parole pour se défendre.

    Le plus techno pour moins d'erreur rend quand même le foot aussi romantique qu'un premier rendez-vous au McDonald.

  • la rédaction le 21/06/2012 à 10h06
    @Hugo by Hugo Broos
    Tu seras donc bien aimable de nous adresser, dans des délais réduits et sous peine de suspension, un p'tit article sur le sujet.

  • lebLoug le 21/06/2012 à 10h18
    on attend la réponse de Menès et consorts...

    la doc est téléchargeable sur le site du CROS de Bourgogne et est plutôt intéressante ; Chapron y signe d'autres textes, ça donne quand même une tout autre image du personnage...

  • C. Moa le 21/06/2012 à 10h31
    la rédaction
    aujourd'hui à 10h06
    ____

    Non mais c'est du chantage ! Penalty, carton rouge !


    Plus sérieusement, ça fait peur (et plaisir aussi) de voir que M. Chapron est plus doué en écriture que la plupart des "journalistes" sportifs qui parlent de lui.

  • sansai le 21/06/2012 à 10h48
    Waouh, M. Chapron himself. Pour un article salvateur, qui plus est. Merci les Cahiers pour cette tribune, et surtout merci M. Chapron pour cet article.
    Il en faut de la passion, du courage et de la conviction pour faire ce que vous faites dans ces conditions.

    ("Surveiller et punir", c'est mon livre de chevet actuel. A lire un jour pour ceux qui ne l'ont pas encore fait.)

  • Hugo by Hugo Broos le 21/06/2012 à 11h17
    @ la rédaction

    C'est amusant car j'ai vu Jacques B. hier pendant deux heures et il m'a justement encouragé à vous proposer une contribution. Je n'en suis qu'à dix mois de travail mais il y a de quoi faire. Contactez-moi pour les détails pratiques (signage, format, etc.)

  • Mipoulet le 21/06/2012 à 13h14
    Merci pour cet article M. Chapron. Je veux pas être défaitiste mais ce genre de discours dans notre société actuelle ne s'imposeras jamais. Le droit à l'erreur n'est plus admis, on en vient à coller 2 arbitres supplèmentaires pour scruter la ligne de but pendant chaque minute du championnat d'Europe, et lorsque l'on se rend compte que ça ne supprime pas les erreurs, on reparle de la vidéo une fois de plus.

    Il faut accepter les alèas du sport et le droit à l'erreur de chacun, qu'il fusse entraineur, joueur, ou arbitre.

La revue des Cahiers du football