Le bal des grands naïfs
Invité : Bakchich – Vieux serpent de mer, la vente de l’Olympique de Marseille remue la queue ces dernières semaines… quand le dossier du précédent repreneur, le facétieux Jack Kachkar, n’est toujours pas clos.
Auteur : Xavier Monnier
le 1 Nov 2007
Depuis bientôt un an, bakchich.info existe, irradie la Toile de bonheur et d’informations, et ravit chaque jour des lecteurs de plus en plus nombreux. Auréolés de gloire et accablés par un travail ingrat, les jeunes gratte-papier (assisté de fort moins jeunes conseillers occultes) à l’origine de cette magie sans cesse renouvelée s’attellent à rendre hégémonique le jeune site et son hebdomadaire papier téléchargeable. Les bakchich boys s’en donnent à cœur joie. Bienvenue dans un monde où tout n’est qu’enquête, infos et mauvais esprits.
La petite plainte déposée contre X pour faux, usage de faux et escroquerie déposée en mai dernier par Robert Louis-Dreyfus, le proprio de l’OM, dans le cadre du projet avorté de rachat du club par Jack Kachkar, prospère. Légèrement visé par la procédure, l’ami Jack se fait discret. Comme l’a révélé L’Équipe Magazine (27/10), il a préféré poser un lapin au juge Van Ruymbeke, en charge du dossier, qui l’a convoqué le 22 octobre dernier. Moins joueur, l’avocat d’affaires, Francis Bridgeman, a choisi d’honorer le bureau du juge le 29 août dernier. Le brillant juriste du cabinet londonien Allen and Overy, avait été chargé par Kachkar de négocier l’achat du club marseillais. Une mission qui lui a donc valu une convocation chez le juge, dans l’inconfortable position de témoin-assisté. Soit pas vraiment soupçonné, mais un peu quand même.
Jack blouse son propre avocat
Sagement, le petit Francis choisit donc de se mettre à table, et de narrer par le menu les galéjades bancaires et financières de son client. Tout en endossant le costume du grand naïf qui a fauté à l’insu de son plein gré. Un plaidoyer consigné sur un PV goulûment parcouru par Bakchich.
Emprunt d’une louable pudeur, le juriste rechigne à se mettre en avant, préférant, avec un bel esprit d’entreprise, citer son employeur. "Le cabinet Allen and Overy a pour client M. Kachkar depuis 2002", précise-t-il. Avant d’ajouter que les menues acquisitions réalisées pour son compte "se sont déroulées sans aucun problème". Pas de raison, donc, de se méfier du bonhomme. "Nous n’avons pas approfondi les détails de son patrimoine", explique-t-il plus loin, un peu gêné par les questions du juge. "Nous avons eu le sentiment qu’il avait une surface financière importante". Bref, le Jack a réussi à blouser son propre avocat d’affaires, qui n’a que peu d’infos sur son client et s’en contente.
Pourtant, comme l’a déjà raconté Bakchich (cf. RLD aux trousses de Kachkar), Bridgeman devient la cheville ouvrière du dossier de rachat de l’OM par Kachkar. Et assistera même en sa compagnie à des matches du club. "Au cours de l’été 2006 nous avons été approchés par M. Kachkar (…) il avait des vues sur Aston Villa et Newcastle (…) l’un des mes associés m’a informé que l’OM était peut-être à vendre. (…) J’en ai fait part à M. Kachkar. Il était très intéressé par l’OM".
Une rencontre RLD-Kachkar plus tard, intervenue en septembre 2006 à Lugano et "nous nous sommes occupés de la préparation du contrat de vente et de l’aspect financier de la transaction et du financement par M. Kachkar". Là où le bât blessera en gros, dans les négociations... Car à chaque fois que Robert-Louis Dreyfus exige des garanties bancaires, Jack Kachkar louvoie étrangement, et Bridgeman ne s’étonne de rien.
Une bourde et des soupçons
La première garantie bancaire du 10 janvier, émane officiellement de la Countrywide Bank, "banque de première importance basée aux États-Unis", et est déposée dans un coffre du cabinet Allen. Sans vérification. "Nous n’avons jamais eu de contacts directs avec cette banque", décrit l’avocat. "La seule remarque qui nous a été faite par Fidufrance (conseil de Louis-Dreyfus, NDLR) était relative au nom de la banque qui figurait sur la garantie (…) délivrée par Countrywide Home Loans. Nous avions préalablement vérifié sur Internet (…) il s’agissait d’un département (en anglais: division) de Countrywide Financial Corporation". Un peu contrit, l’avocat d’affaires reconnaît là "une erreur car il s’agissait d’une filiale de la banque".
La bourde se révèle en fait plus manifeste. Le 13 mars 2007, Ramon Duran, le responsable du département de la filiale de la Countrywide censé avoir rédigé la garantie, atteste par écrit qu’il n’a jamais vu, et encore moins signé, un tel document. D’où une sérieuse présomption que l’attestation présentée est un faux. Mais en janvier, nulle défiance de Bridgeman envers Kachkar, pas plus qu’il n’y en aura en février.
À cette époque, Kachkar demande un petit délai à Robert Louis-Dreyfus. La requête chatouille quelque peu Bob qui, en six mois de négociation, n’a pas encore vu la couleur de son argent. Bon garçon, il accepte de patienter encore, sous réserve d’une nouvelle garantie bancaire et du versement d’un dépôt de huit millions d’euros, le tout pour le 28 février.
"M. Kachkar m’a envoyé la copie d’une instruction de virement de la banque Mellon (…) Au vu de ce document transmis par e-mail, il apparaissait que la banque Mellon avait accepté ce virement", assure Bridgeman. Sauf que les conseils de RLD se rendent compte que ledit document ne fait apparaître aucune date de paiement. Un léger souci, questionne le juge? "Non, car ce document était conforme à d’autres documents que j’avais vus émanant de chez Mellon (…) M. Kachkar m’a transmis, par mail, un mail adressé par la banque à un collaborateur de M. Kachkar selon les termes duquel la date de valeur du paiement interviendrait le 5 mars au plus tard".
Mais une nouvelle fois, l’ami Kachkar se dérobe, indiquant à Bridgeman qu’il avait "arrêté le paiement". Bridgeman lui fait la leçon. "J’étais très contrarié et j’ai indiqué à M. Kachkar qu’il devait en informer M. Louis-Dreyfus immédiatement". Brave petit...
Fort confiant envers Jack Kachkar et tous les documents qu’il amène, peu porté sur leur vérification, Bridgeman plaide donc la bonne foi et peut-être un peu de légèreté. Reste à savoir si ce joli discours aura convaincu le juge Van Ruymbeke. Ou s’il n’a pas eu l’impression de se faire prendre pour le Ravi de la pantalonnade marseillaise.
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