Le Honduras veut ses 90 minutes de gloire
En football, le Honduras a gagné plus de jours fériés que de compétitions. Mais il ne désespère d'entrer à son tour dans l'histoire.
Auteur : Cédric Gateau aka newuser
le 16 Juin 2010
Et si le petit qui monte n'était pas la belliqueuse Corée du Nord, dont on comptera les "restants" en Afrique du Sud comme aux anciennes heures des voyages sportifs des membres de l'ex-bloc soviétique, mais le bel Honduras? Le teint mat des descendants des précolombiens, la moustache précieuse, des joueurs quasiment tous inconnus du grand public et un maillot qui sent bon les années 80: la mariée est presque trop belle pour les amoureux des causes perdues.
Un football sans Histoire
Car avant tout, le Honduras est un peu une énigme footballistique. Cerné par des pays malades de ce sport et qui présentent toujours de belles sélections joueuses et accrocheuses (dont le Mexique est le plus beau représentant) ce pays de pourtant sept millions d'habitants est un nain du foot. Aucun passé glorieux datant des années 50 et des vidéos granuleuses en noir et blanc, aucune génération dorée qui n'ait porté hautes les couleurs bleue et blanche de son drapeau, aucun grand match mythique connu de tous et raconté avec des trémolos dans la voix par les anciens.... sauf celui de juillet 1969 contre le Salvador qui a déclenché la guerre des Cent Heures – ou "Guerre du football" – sur fond de haine entre les Honduriens et les immigrés Salvadoriens au Honduras et d'élimination pour la Coupe du monde 1970. 2.000 morts quand même, joli décrassage.
Le plus grand fait d’armes de cette équipe est d'ailleurs dû à un concours de circonstances. En 2001, la Copa America se déroule en Colombie. Tout le monde attend le grand Brésil ou l'éternelle Argentine et bien sûr un bon parcours des hôtes. Mais les FARC entrent en action et menacent de mort les participants à la compétition. L'Argentine ne se déplace pas, le Canada (invité) reste à la maison pour les moissons de sucre d'érable et en désespoir de cause, la COMNEBOL fait appel au pays de la Bicolor...
Une équipe à malentendus
Arrivés tels des Danois de 92 en short et tongs, sans préparation et avec quelques éléments majeurs a la casa, ils réussissent à atteindre les demi-finales en fracassant le Brésil 2 à 0 en quart. Ils prennent même la troisième place contre l'Uruguay. Leur plus beau résultat à ce jour dans une compétition de ce niveau... qui ne fait pas partie de leur fédération puisque le Honduras appartient à la CONCACAF. En fait, cette équipe c'est un peu un hymne à Jean-Claude Dus: "Oublie que t'as aucune chance, sur un malentendu ça peut passer".
Connue pour ses derbies de haut vol entre la Guadeloupe et Trinidad-et-Tobago, la CONCACAF, sûrement la plus faible des six fédérations avec la zone Océanie, ne permet que rarement au Honduras de tenir le haut du Pavon. Une seule fois vainqueur de la coupe de la Fédération (devenu Gold Cup depuis) en 1981 dans des conditions spéciales (sans les USA ni le Costa Rica: "Sur un malentendu..."), il a du mal à en atteindre régulièrement le dernier carré.
Côté Coupe du monde, le constat est encore plus sec. Deux participations... avec celle à venir. Auparavant, qualifiée en 1982, la sélection s'en était sortie avec une défaite (Yougoslavie) et deux nuls (l'Espagne chez elle et l'Irlande du Nord), mais aussi avec les honneurs. Trois matches et retour à la maison, mais au moins les Honduriens ont-ils gagné un jour férié national le lendemain de la qualification de leur équipe.
Suazo et le papy Pavon
La Coupe du monde est pourtant une occasion pour le Honduras de montrer que son équipe est bien plus respectable que son histoire ne le dit. Car les Catrachos ou Estrellas Castrachas possèdent des éléments convoités par les clubs européens et sont désormais sous la tutelle du coach colombien Reynaldo Rueda, qui semble tenir la bonne recette pour la mayo maya. Tel un Jean Fernandez à poils, il fonde son jeu sur une défense ramassée et efficace, et sur des contres meurtriers orchestrés par les milieux Wilson Palacios (transféré pour presque vingt millions d'euros à Tottenham en 2009), Alvarez et Costly (dépositaire du jeu hondurien, malheureusement blessé pour le Mondial) et pour les buteurs Suazo et Pavon.
Si Suazo est sur le papier la grande star de l'équipe, appartenant à l'Inter, il a été élu meilleur joueur étranger de Serie A en 2006, les deux idoles du pays sont pour beaucoup les papys Amado Guevara, dit El Lobo (le loup), et Carlos Pavon (bientôt 37 ans). Le premier, recordman de sélections (133), est un milieu offensif fantasque qui partagea les derniers matchs de Djorkaeff à New-York, le second un serial buteur avec ses 57 buts en 96 sélections, récemment retourné au pays.
En un joli parallèle avec leur parcours passé, la qualification à cette Coupe du monde est à mettre à leur actif, mais aussi à l'égalisation yankee dans les arrêts de jeu lors du dernier match de qualification entre les USA et le Costa Rica. Costa Rica qui a été qualifié pendant 92 minutes avant de voir la liesse envahir Tegucigalpa, la capitale hondurienne. "Oublie que tu as aucune chance..."
Comme son prédécesseur en 82, le président fond un câble et au lieu d'offrir double prime, il lâche un jour férié national le lendemain de la qualification. C'est encore ça de gagné pour les Honduriens.