Les cinq commandements de Waldemar Kita
Le président du FC Nantes est arrivé en Loire-Atlantique avec un curriculum légèrement assombri par son passage à Lausanne...
Cet article vient en complément du dossier "Crise: la fin des années fric?" du numéro 43 des Cahiers du football.
Sous nos lumières hexagonales depuis l’été 2007, Waldemar Kita a un profil légèrement kachkarien: un empire pharmaceutique, plusieurs nationalités, une carrière à la traçabilité difficile, une ambition sportive démagogique et, ce qui ne gâche rien, un certain sens du sourire en biais.
Il n’en est cependant pas à sa première expérience de dirigeant de football. L’homme se présente en repreneur soucieux de sa popularité et cherche à se donner l’image d’un mécène, depuis sa pourtant malheureuse expérience de Lausanne Sport (« Là-bas j’étais le sale Français, pas vraiment accepté, j’ai pourtant agi comme un mécène »). Nantes est, dès 98, son premier coup de cœur. Le club, alors encore au top sportivement, résiste à son appétit féroce. Kita se rabat alors sur le Lausanne Sport. Dans ce club suisse prestigieux mais au lustre patiné, Kita inaugurera toutes sortes de méthodes de gestion, copiant d’un côté l’héritage de certains de ses glorieux prédécesseurs (Rocher, Bez, Tapie ou, à l’extérieur de nos frontières, Gil y Gil), et préfigurant l’avènement du foot business 2.0.
Waldemar Kita présente au moins le mérite d'être assez constant, comme s'il obéissait à une table de la loi, dont voici les cinq commandements.
1. Un club populaire tu reprendras
Peut-être qu’avec un zéro en plus dans sa fortune personnelle, Kita se serait attaqué à d’encore plus gros poissons. En attendant, Nantes et Lausanne ont comme point communs le palmarès et l’ancrage dans une grande capitale régionale. À Lausanne, quatrième ville suisse, le Lausanne Sport, deuxième palmarès national aux sept titres de champion, avait tout pour séduire l’homme d’affaires.
2. Le culte de la personnalité tu entretiendras
L’attractivité de cette typologie de clubs résulte directement de leur exposition médiatique. Leur aura agit comme une lampe bleue pour les moustiques, arc électrique mortel inclus. En Suisse, Lausanne n’a rien vu venir. Un club peu agité, mais emblème de la Romandie, ce qui est éminemment pratique pour un dirigeant francophone. Ainsi Kita a-t-il pu personnaliser, incarner et surtout cannibaliser le club.
3. Des objectifs inappropriés tu fixeras
À Der Zakarian, il avait fixé des temps de passage trop ambitieux en début de saison, pour être certain de s’en débarrasser à bon compte. À Lausanne Sport, on s’est targué d’Europe, atteignant glorieusement le troisième tour de Coupe de l’UEFA en 2000. Des ambitions présomptueuses, qui justifient des moyens importants et immédiats.
4. De l’argent, dispendieusement, tu dépenseras
L’économie du football est très gourmande. Pour exemple, après le contrat de droits TV de quatre ans légèrement à la hausse, le salaire moyen en L1 a augmenté de 15%. À Lausanne, pour atteindre ses objectifs, Kita a engagé une politique sportive tous azimuts. D’un côté, les acquisitions onéreuses de joueurs souvent surcotés. De l’autre, le développement d’un centre de formation. Tout, tout de suite, sans que le club ait les structures suffisamment solides pour assumer cette progression, dans un championnat somme toute modeste économiquement.
5. Des montages juridiques tu effectueras
Le football est gourmand, mais plus encore, il est opaque. En Suisse, la structure juridique des entités sportives sépare la gestion des actifs (les joueurs) et des passifs en deux sociétés distinctes, la deuxième étant dépendante des reversements de la première. Pendant trois années, Kita a mené avec l’aide des deux fidèles qui l'ont accompagné au FCN, Claude Robin et Christian Larièpe, une cinquantaine de transactions pour le compte de la SA concernée. Même après son départ du club, il est resté... à la tête de cette SA, et ce jusqu’à sa faillite en 2002. Aucune condamnation n’est venue sanctionner la disparition de l’argent qui a pourtant fini par faire défaut. En matière d’ingéniosité, c’est un peu comme si vous achetiez un club de foot grâce à de l’argent emprunté par le club auprès des banques… ou que vous lui prêtiez de l’argent en personne pour mener grand train. Un procédé extrêmement problématique le jour où vous quittez le club.
L’accusation publique, mais non prouvée, voudrait que Kita ait bénéficié en personne des contrats des joueurs transférés et ce, couvert par le club. Depuis, Kia Joorabchian et sa société MSI qui géraient à la fois les Corinthians et les contrats de Tevez et Mascherano ont perfectionné ce supposé modèle de fonctionnement.
À la fois héritier et visionnaire, Waldemar Kita a expérimenté à Lausanne des méthodes controversées. Rendez-vous dans deux ans, sur les bords de l'Atlantique.