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Les clubs ont perdu la vision

[Le procès du football français] Le modèle économique des clubs français les oblige à vendre leurs joueurs, au détriment de leurs performances. Mais il ne justifie pas leur manque de projet sportif. 

Auteur : Christophe Kuchly le 28 Jan 2021

 

 

Article issu du "Procès du football francais" dans le dossier "France" du numéro 4 de notre revue (juin 2020). Illustrations Juan Miranda.

 

* * *

 

"Ce serait une catastrophe économique. Des problèmes importants de droits télé pourraient mettre à mal un tiers des clubs professionnels français et les envoyer en faillite." Interrogé par Eurosport le 13 mars, dans la foulée de l’annonce d’une suspension temporaire de la Ligue 1 liée à l’épidémie de Covid-19, Bernard Caïazzo livrait un discours alarmiste. Le président du syndicat Première Ligue verbalisait ainsi ce que tout le monde devine déjà: la manne apportée par les chaînes équilibre un modèle fragile.

 

Mais la dépendance est double, et le principal actif reste… les joueurs. Pas anormal pour un championnat exportateur mais forcément dangereux, ce modèle suppose la production de jeunes talents et la revente avec plus-value. Hormis le PSG, aux revenus complémentaires très développés, et à un degré moindre l’OL, propriétaire de son stade, tout le monde est concerné. Dans ce contexte, les clubs engagés dans des politiques de trading (Lille, Bordeaux, Monaco) adoptent simplement une approche plus radicale et revendiquée.

 

 

 


Championnat fournisseur

Le rapport 2018-2019 de la DNCG note surtout "la sensibilité des résultats et du modèle économique du football professionnel à la capacité des clubs de générer de manière récurrente des plus-values sur cessions de joueurs". Les bilans ont beau être équilibrés pour beaucoup de clubs, cela se fait au moyen d’énormes ventes: 740 millions d’euros cette saison-là, 929 millions la précédente.

 

Alors, si l’augmentation de 102 millions des produits commerciaux hors droits télévisuels va dans le bon sens, la part prise par le Paris Saint-Germain et l’effet dopant du Mondial féminin pour Lyon, Reims et Rennes la rend quasiment négligeable à l’échelle des clubs. D’autant que la masse salariale, qui a bondi de 141 millions dans le même temps, dégrade le bilan. Jusqu’à pousser l’organisme de contrôle à ajouter deux critères dans ses procédures: obligation que les fonds propres ne soient pas inférieurs au passif éligible et masse salariale limitée à 70% des recettes éligibles.

 

L’enchaînement des chiffres peut donner mal à la tête, mais la question financière, avec des masses salariales énormes, est à la base de tout. "C’est un problème mondial: il y a quatre championnats acheteurs et un cinquième, la Ligue 1, qui est moitié acheteur et moitié vendeur", juge Damien Comolli. "On restera un championnat fournisseur où les clubs matures lorgneront les talents, mais il faut arriver à une économie positive en dehors de la vente de joueurs, complète Michel Seydoux. Il faut que le feuilleton gagne en qualité, que les épisodes soient meilleurs pour avoir plus de suiveurs."

 


La course aux résultats

Dans Leading (2015), Alex Ferguson mettait en garde: "Si vous avez des propriétaires ou des actionnaires qui ne pensent qu’aux résultats à court terme, cela peut générer un cercle vicieux qui met finalement tout le monde en difficulté". À vendre dès que possible et changer d’entraîneur quand le risque de relégation – donc de baisse des droits TV – apparaît, les clubs ont forcément beaucoup de mal à créer une identité durable.

 

"On a une identité de clubs formateurs et vendeurs, mais on devrait mieux faire jouer nos équipes, préconise Damien Comolli. Ce n’est pas que le problème des entraîneurs, la plupart du temps: cela doit venir du club. Quelle identité de jeu veut-on? Quelles valeurs? Quelle culture? Le PSV, l’Ajax ou Benfica sont engagés encore plus que nous dans le trading de joueurs, mais ils ont tous une identité de jeu et prennent des entraîneurs en fonction. C’est ce qui manque aux clubs français à l’heure actuelle."

 

Sur le terrain, l’instabilité des effectifs concourt également au flou sportif tout en empêchant les clubs de faire incarner, par des joueurs emblématiques, une image claire et vendeuse sur le plan de la communication et du marketing. "Les clubs ont besoin de ça pour faire venir les supporters, souligne l’entraîneur Jean-Marc Furlan. Mais le football contemporain n’a plus le temps, tout le monde est dans l’urgence pour faire des résultats. On garde les joueurs au maximum trente-six mois, nos équipes sont construites le 2 septembre… On est toujours en train de reconstruire, donc il faut être des magiciens."

 


Un recrutement d’opportunités

Champion d’Angleterre surprise en 2015-2016, Leicester a la chance d’évoluer dans un championnat richissime, ce qui facilite évidemment la structuration. Il n’empêche, la différence entre son fonctionnement et celui des clubs français, même ambitieux, interroge. La cellule de de recrutement des Foxes est composée de vingt personnes, avec un budget de deux millions d’euros, un fin maillage du territoire et une grande exigence de travail pour chacun. "Ce n'est pas structuré comme ça en France, c'est sûr", se souvient Pascal Plancque, qui a travaillé dix mois à Leicester.

 

De ce côté-ci de la Manche, il n’est pas rare qu’un recruteur soit seul ou presque, et passe la plupart de ses journées à faire la route d’un stade à l’autre – limitant d’autant sa capacité à observer plus de vingt-deux joueurs par jour. "On est en retard en France sur le scouting, tranche Damien Comolli. Les clubs voient ça comme une dépense, pas comme un investissement. Pourquoi Lille réussit? Parce que c’est sûrement le meilleur réseau de recrutement en France. Il faut se poser les bonnes questions, c’est incompréhensible pour moi."

 

Et tout n’est pas qu’une question de moyens. Le manque d’identité des clubs et de vision à long terme conduit à un recrutement d’opportunité, dont les priorités changent avec les remplacements d’entraîneurs, plutôt qu’au ciblage continu de profils définis en amont par le projet de jeu global. Dans l’autre sens, la vulnérabilité économique impose de vite valoriser et revendre les joueurs – chose plus aisée si l’entraîneur parvient à les développer individuellement – par tous les moyens possibles. Une aubaine pour les agents, bouées de sauvetage des clubs.

 


Les agents au centre du jeu

C’est une anecdote racontée par Marcelo Bielsa en conférence de presse lors du son (court) passage à Lille, qui éclaire bien la façon dont le football fonctionne en période de mercato. Un jour, le club reçoit un coup de fil d’un agent, qui explique être le représentant du défenseur Edgar Ié. Il affirme que celui-ci est disponible, à condition de faire une offre très rapide pour devancer les autres intéressés. El Loco et son staff ont donc une heure pour regarder le maximum de vidéos et décider si, oui ou non, le joueur a le niveau requis. La réponse sera positive, le passage du Portugais au LOSC beaucoup moins.

 

À l’époque, Luis Campos – "l’un des meilleurs au monde pour amener des jeunes talents et en faire des cracks" selon Jean-Michel Vandamme – faisait pourtant déjà profiter le club de son réseau tentaculaire. On imagine alors comment les choses se passent dans des clubs aux structures minimes. "On a de plus en plus tendance à fonctionner avec des agents, regrette Pascal Plancque. Des affinités se font entre certains clubs et certains intermédiaires, donc les clubs vont prendre tel joueur parce qu'il est avec tel agent. Parfois, il y a des choses bizarres, qui se justifient peu sur le plan sportif." "Le recrutement par agent est malheureusement généralisé en Europe", précise Damien Comolli.

 

Certains profitent de leur proximité avec des dirigeants ou de leur grand nombre de clients dans un vestiaire pour devenir des directeurs sportifs officieux. En off, des agents offrent pourtant une autre perspective: oui, des clubs sont sous influence, mais c’est aussi le manque d’idées qui incite à recourir aux conseils d’acteurs ayant un intérêt dans la transaction. Et, à l’image de Monégasques champions avec une partie de l’écurie Jorge Mendes, certains en profitent même sportivement.

 

La nouvelle manne de droits télés (1,153 milliard d’euros par saison de 2020 à 2024) permettra-t-elle de sortir de ce cycle infernal, stabilisant l’économie des clubs en leur permettant de mieux se structurer pour sortir du rapport de dépendance envers les agents? Beaucoup d’observateurs veulent le croire. Depuis l’annonce, certains clubs ont pourtant mis en place des mécanismes d’augmentation de salaires qui laissent penser que la priorité restera les joueurs, pour préserver la compétitivité à court terme.

 

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