Les tuniques bleues
Bibliothèque – Un maillot, une légende nous plonge dans l’histoire du maillot de l’équipe de France, ou plutôt de ses nombreux maillots…
Si, à l’origine, il avait pour seul but de différencier coéquipiers et adversaires, le maillot des équipes de football, tant chez les clubs que les sélections nationales, est devenu un véritable enjeu identitaire (au sens premier du terme) et économique.
Le maillot de l’équipe de France n’a pas échappé à cette destinée. Il a mis une quinzaine d’années à trouver sa bonne couleur avant de devenir, une demi-douzaine de décennies plus tard, le support de créations plus ou moins inspirées autant qu’un objet destiné à la consommation de masse.
Matthieu Delahais et Bruno Colombari (contributeur des Cahiers du football), déjà auteurs du Dico des Bleus (éd. Marabout, 2018), ont profité du confinement pour retracer l’histoire du maillot de l’équipe de France dans Un maillot, une légende (éd. Solar) disponible à partir du 12 novembre.
Couleurs nationales
On découvre dès les premières pages que ce maillot n’a pas toujours été bleu. En 1904, lorsqu’on envoie à Bruxelles onze footballeurs censés représenter notre pays, ceux-ci portent un maillot blanc orné des deux anneaux de l’USFSA – la fédération omnisports qui fait alors autorité auprès de tous les sportsmen de la Belle Époque.
Le bleu ne devient la couleur officielle qu’en 1919, lorsqu'est créée la Fédération française de football. Mais l’équipe de France s’était auparavant essayée au bleu autant qu’au rouge, notamment lorsque ses adversaires évoluaient en blanc, parmi lesquels l’Angleterre.
Les joueurs français avaient aussi osé, en quelques occasions, quelques motifs à rayures d’une valeur esthétique que nous ne nous permettrons pas de juger (même si les yeux piquent quand même un peu).
Raconter l’histoire d’un maillot, c’est raconter l’évolution de ses couleurs, du bleu pâle des années 20 au bleu nuit de l’ère Nike. Mais c’est aussi raconter les tendances générales, les technologies utilisées, l’utilisation des matériaux textiles.
Les auteurs reviennent ainsi sur des détails comme la forme du maillot (coupe, manches, col…), le tissu utilisé (coton, laine, nylon, fibres synthétiques…) et tous les motifs qui s'accumulent: écusson, numéro, logo de l'équipementier, nom du joueur, étoiles, multiples badges sur les manches ou la poitrine…
Choix esthétiques
Les deux autres éléments de la tenue du footballeur ne sont pas négligés. Les Tricolores ont longtemps eu l'habitude d'évoluer en maillot bleu, culotte blanche et bas rouges, respectant ainsi les couleurs du drapeau national. Mais, depuis la fin du XXe siècle, cette disposition est de plus en plus souvent abandonnée au profit, notamment, d'un ensemble intégralement bleu.
Les auteurs ont compté 94 maillots différents portés depuis 1904 par ceux qui sont devenus "les Bleus" au cours des années 1970. Chacun fait l’objet d’une photo et de statistiques précises (nombre de matches et de victoires).
L’ouvrage fourmille d’anecdotes, d’accidents mémorables (comment oublier le fameux maillot vert et blanc de Mar Del Plata en 1978), de maillots d’un soir, de choix esthétiques hasardeux (la marinière de 2011), de considérations sur les motifs qui portent chance (la bande rouge de 1984).
Les tenues des gardiens ont également droit de cité, des gros pulls de Julien Da Rui jusqu'aux tenues flashy de Bernard Lama, en passant par le noir de Barthez et le jaune de Lloris ou le gris de Bats.
L'ouvrage nous invite à remonter l’histoire de l’équipe de France sous cet angle textile, mais aussi à s'interroger sur ce qui fait la légitimité d’un maillot, d’une tenue, d’une couleur. Le pouvoir pris par les équipementiers ne les conduit-il pas à trahir les couleurs dites traditionnelles? Le maillot "extérieur" autorise-t-il toutes les fantaisies comme on l'observe dans de nombreux clubs?
Un maillot, une légende. Tout sur l'histoire du maillot de l'équipe de France de football depuis 1904, de Matthieu Delahais et Bruno Colombari, éd. Solar, 19,90 euros.