Les vieux cons
En général, vieillesse rime avec sagesse dans le football, mais il en va parfois tout autrement. En effet, si pendant leur carrière les footballeurs sont des champions du lieu commun, une fois retirés des terrains et protégés par leur passé glorieux, ils passent de la langue de bois à la dent dure.
Maître des maîtres dans cette catégorie, l’idole de mes années 70, j’ai nommé Monsieur Johan Cruyff pour qui aucune équipe ne trouve grâce. Les uns jouent trop derrière, les autres trop au milieu et pas assez sur les cotés, ceux-ci n’ont rien compris à l’animation offensive, ceux-là oublient qu’il y a du vent et que le soleil se couche à l’ouest, untel est mal utilisé, untel devrait divorcer quant à celui-là il se trompe dans sa prière. Bref, le parfait insatisfait, respecté, écouté mais franchement agaçant.
Variante? La majesté condescendante modèle Pelé sur le retour. Trônant sur un palmarès en béton, son altesse nous fait la faveur de ses commentaires éclairés (et monnayés). Principal argument de sa compétence autoproclamée: j’ai tout gagné donc je sais tout (rappelons tout de même qu’entre 8 et 10 ans j’étais imbattable aux billes sans éprouver le besoin impérieux de conseiller à tout bout de champ mon petit neveu). Illustration: “Platini a fait le mauvais choix avec Blatter et il n’a d’ailleurs jamais été Champion du Monde“. Sous-entendu, contrairement à moi, ce qui montre bien que je suis le plus fort et que je vais lui mettre une pâtée. Mauvaise pioche. Ses commentaires sportifs sont forcément à l’avenant, empreints d’une autosatisfaction certaine doublée d’un penchant marqué pour la critique.
Même notre héros national, Michel de moins en moins Platoche et de plus en plus Platini est tombé dans ce travers de la critique facile. Sa cible : les arbitres de ce Mondial jugés trop laxistes pendant les premiers matches d’où une déclaration bien sentie du genre: “les arbitres sont incapables de sentir le foot, s’ils l’étaient ils seraient joueurs“. Peu élégant et surtout extrêmement mal venu en pleine compétition. Résultat : un corps arbitral sous pression qui distribue une pluie de cartons souvent à contre courant. Facile par la suite de déclarer que les hommes en noir avaient mal interprété ses propos, le plus simple aurait sans doute été de s’occuper de ce problème bien avant le début de l’épreuve. Espérons que cette faute de goût du président du CFO soit la dernière de ce Mondial.
Ne manquait plus à cet inventaire que l’enfant terrible du football argentin pour que la coupe de la suffisance soit pleine. L’avantage c’est que lui n’y va pas avec le dos de la cuillère. “Tous sont des Robocop aux pieds carrés, ça ne peut pas être pire“. A leur décharge, précisons qu’en dépit de leurs tares présumées, ils n’éprouvent pas de leur coté le besoin de faire appel à la main de Dieu.
Dans le même ordre d’idée et pour ne pas s’ennuyer dans les années à venir, nous attendons avec impatience les déclarations de messieurs Cantona, Ginola, Gascoigne, Stoichkov, Romario, Desailly, Matthäus et consorts afin d’en apprendre toujours davantage.