Luis 1, Perpère 0 ?
C'était un match couperet, mais on ne sait pas sur qui il est tombé finalement, du coach populiste ou du président manœuvrier. Peut-on lire l'avenir dans les entrailles du Parc? Reportage sur le vif de PSG-Lyon, dans la moiteur d'une salle de presse…
Auteur : Albert Lombre
le 5 Dec 2002
Mercredi 4 décembre 20H20. Luis a vaincu. Le tableau d’affichage est sans appel. Le PSG vient de déboulonner le champion de France en titre. Le Parc rugit et les deux virages scandent d’une même voix le nom de leur héros, comme ils le firent durant toute la rencontre. Le Kop de Boulogne réclame même son sauveur pour un tour d’honneur. Fernandez a gagné …un répit? Un sursis? Un match? Le ballon d’or? Un fauteuil de président? Mélodie en sous-sol Mercredi 4 décembre 20H40. Luis est attendu en sous-sol pour le rituel de la conférence de presse d’après match. Attendu, c’est le mot. L’affluence est record. Normal, il doit s’y passer plein trucs. Vous savez, on vous a prévenu. Les scénarii… 1 Luis attaque. 2 Perpère se défend. 3. Bianchi démissionne. 4. Alain Roche… Bref, c’est entre le garage et les vestiaires que tout doit se passer. Messieurs, LA conférence de presse d’après match, ce jeu de dupe, où journalistes et footeux se rencontrent, s’affrontent souvent, se confondent parfois. Tout un monde qu'il faudra raconter un jour. Celle-ci promettait donc beaucoup. Luis? Non, Paul Le Guen, un brin désabusé. "Je suis déçu parce que nous n'avons pas fait un bon match", dira l’ancien Parisien. Très vite, forcément, l’entraîneur des champions en titre sera interrogé sur LE sujet. "Je m’occupe de moi, balaye-t-il, je ne sais pas si on l’a sauvé cela ne me concerne pas. On s’occupe de nous". La salle insiste. "Je ne sais pas ce qui se passe ici, ça ne me regarde pas". Mais vous connaissez Luis? "J’ai des rapports avec lui comme avec de nombreux entraîneurs de L1, on n'est ni ami, ni ennemi, je l’appelle pas, il m’appelle pas voilà…". Il ajoute: "Je peux simplement vous dire que je suis déçu". Suivant…C’est Luuuissss. Prince du Parc "Tout d’abord je voudrais remercier toutes les personnes et amis qui m’ont adressé des messages d’encouragement ces deniers jours". Il donne le ton, très solennel, limite remise de prix. Le sourire est contenu, la sérénité troublante et aussi paradoxal que ce soit, inhabituelle. Il a gagné, mais il ne se fera pas piéger dans ce match-là. "J’aimerais parler de foot, de tactique, de défense", prévient-il aussi en préambule. Les dérapages sont possibles et pour être honnête, guettés même. D’abord on l’interroge sur l’accueil du public, son nom scandé à la fin. "Tout le match", rectifie-t-il avant d’ajouter "ça m’a fait chaud au cœur". Comment en douter qu’il en a un, totalement dévolu à Son club de toujours. Bien sûr, Luis, malin, en avait appelé au peuple, aux fidèles le matin même encore dans Libé "C’est au peuple de décider", déclarait-il. Révolutionnaire non? Après Lyon, il disait encore: "Le public sait que ce club, je l’ai en moi, c’est tout". Ce peuple, qui il y a tout juste deux ans avait exigé son retour, a choisi. Sans surprise. "PSG=LUIS", "Luis c’est Paris". Plus explicite encore: "Luis est à nous, Perpère on s’en fout!". Car qu’on se le dise, si révolution et couperet il doit y avoir, le peuple préfère voir dans la sciure le scalp du président plutôt que celui de son Prince. Tout est dit. Laurent Perpère, lundi, laissait entendre que quitte à choisir entre Ronaldinho et Fernandez, il optait pour le Brésilien. Le parc préfère donc garder les deux et nomine pour sa part le patron. Au sujet des invectives du président, Luis est resté assez vague. Question: "Vous lui en voulez?" Réponse: "Me connaissant, j’en veux jamais à personne (sourire)". Avant d’être un poil plus précis: "Chacun peut parler, mais il faut mesurer les propos que l’on peut tenir". La rupture semble effectivement consommée et si Fernandez a tenté par la suite de détendre l’atmosphère, et par le même coup évité d’être débordé. Il a de nouveau fait référence à la Star AC, dont ses enfants sont friands, nous a-t-il dit. "Moi j’ai été nominé, mais j’ai quitté le château de Chantilly pour venir au Parc". "Pousser la réflexion" Il n’empêche, le bras de fer entre l’entraîneur manager du PSG et son président semble bien réel et pour preuve, Luis partant sur une dernière métaphore, "les chiens aboient et la caravane passe", Laurent Perpère apparaissait. Une scène étonnante. En gros, le président délégué est venu annoncer qu’il n’avait rien à dire "Je tenais à féliciter les joueurs du PSG (omettant l’entraîneur), ces trois points étaient absolument nécessaires et mettent fin à une mauvaise série… Pour le reste on attend". Poussé à s’expliquer davantage, l’homme dégage en touche: "je ne parlerai pas de cela…" ou "la suite vous la connaîtrez plus tard lorsque nous aurons poussé davantage notre réflexion". En d’autres termes, qu’on se le dise, c’est bien lui le patron. Une chose est sûre, les deux protagonistes ne se sont absolument pas parlé et la relation apparaît effectivement pour le moins tendue. D’ici 48 heures, les deux hommes devraient tout de même pouvoir se rencontrer. Mais que peut-il en sortir? Luis Fernandez ne manquera pas en tout cas pas de rappeler à son président qu’il a paraphé deux contrats: un d’entraîneur qui prend fin au terme de la saison, mais également un de manager. Ce dernier à durée indéterminée vaut quelque attention. Et puis le peuple a choisi, non? En outre, Luis Fernandez n’a jamais caché son désir à plus ou moins long terme de prendre du recul. Il pourrait céder sa place sur le banc pour prendre de la hauteur. Voilà qui pourrait sonner comme un consensus, à condition, que l’entraîneur amené à lui succéder accepte ce partage des prérogatives, ce qui n’est à priori pas le cas de Carlos Bianchi. Mais voilà que je suppute, que je scénarise, je suis peut-être resté trop longtemps en sous-sol… désolé. Moi ce que j’en dis, c’était juste pour arranger. Enfin finalement, mercredi soir le plus déçu c’était sans doute Jean-Michel Aulas et les plus heureux ces drôles de petits Niçois, bien loin du Parc.