Mbappé doit-il changer pour progresser?
Minichro – Souvent prodigieux, parfois frustrant, Kylian Mbappé est invité à faire évoluer son jeu pour durer et s'améliorer…
La minichronique pose une question, elle n'y répond pas toujours et, à la fin, elle en pose une autre.
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Faut-il rater son tir pour battre Manuel Neuer? C'est l'impression qu'a donnée le premier but de Kylian Mbappé mercredi soir à Munich Sa frappe trop centrée avait toute chance d'être repoussée par le gardien, mais, à la faveur d'une déviation malheureuse, la balle est passée, donnant la teneur d'un match qui allait contredire les probabilités.
Pour battre Manuel Neuer, il reste préférable d'exécuter une frappe parfaite, ce qu'a illustré le second but du Parisien. Quasiment arrêté et alors qu'on attendait un tir enroulé, il a claqué un ballon croisé entre les jambes du défenseur, précisément à l'endroit où le gardien ne l'attendait pas et ne pouvait même pas intervenir.
On peut voir dans la différence entre ces deux réalisations un exemple des "marges de progression" que l'on assigne à l'attaquant français, dont les actions géniales n'atténuent pas toutes les frustrations qu'il peut susciter. En particulier autour du sentiment qu'il ne serait pas aussi efficace que d'autres buteurs de son rang.
Hypothèse: Mbappé fait des différences fatales avant d'être en position de frappe – sur ses courses, ses coups de reins et ses dribbles –, mais, à conditions de tirs équivalentes, il n'est pas assez tueur (on se souvient du duel perdu face au même Neuer lors de la finale 2020).
Ses expected goals démentent cette impression en indiquant une nette surperformance dans la conversion de ses occasions. Faut-il explorer les angles morts de cet indicateur, ou bien considérer que les attentes sont excessives? Le "problème" de Mbappé est d'avoir d'emblée fixé la barre très haut en s'exposant aux critiques de ceux que son assurance irrite.
Reste que pour durer à ce niveau, et alors que s'esquisse une rivalité décennale avec Erling Haaland, on juge qu'il devra gommer ses lacunes et élargir sa palette: être plus à l'aise en l'absence de profondeur, améliorer son jeu de tête (pas seulement devant le but: sa manière d'éviter les duels aériens est parfois comique), se montrer plus opportuniste dans la surface, accroître sa participation au jeu, etc.
Il est aussi invité à augmenter une contribution défensive qui reste souvent symbolique, mais il appartient déjà à cette classe d'attaquants qui en sont largement dispensés. Aussi peut-on se contenter de remarquer qu'il peine surtout à s'exprimer en position d'attaquant axial, où ses qualités lui donnent moins d'ascendant.
Le paradoxe est que lorsqu'il est sorti de son registre de prédilection, il lui a été reproché de "forcer son jeu" ou de vouloir trop en faire, au risque de se disperser. Inversement, c'est en s'appuyant sur ses atouts premiers qu'il a livré des prestations époustouflantes, quitte à passer à côté de certains matches.
Alors, suffira-t-il à Mbappé d'être pleinement lui-même pour exprimer tout son potentiel? Sa progression peut simplement venir avec l'expérience et le temps – celui qu'on ne lui accorde pas toujours. Après tout, ce n'est que dans leurs dernières années de carrière que Ronaldo, Cristiano ou Messi ont consenti à faire évoluer leur jeu.