Nantes à la sauce Der Zak
Highway to L1 – Bien installé en haut du classement, le FCN pourrait enfin retrouver la Ligue 1 l’an prochain. Le reconnaîtrons-nous?
À neuf journées de la fin, rien n’est encore joué en tête d'une Ligue 2 qui, pour une fois, voit les favoris répondre présent. Si Monaco, Nantes et Caen trustent le podium depuis le début de saison, ils sont encore nombreux à pouvoir encore prendre place dans l'ascenseur, au premier rang desquels on retrouve Guingamp et Angers. En embuscade, Nîmes et Dijon peuvent encore espérer, à moins que ce soit Auxerre ou Le Havre, tous les deux sur une pente ascendante depuis quelques mois, qui ne raflent la mise.
Portrait de quelques hommes fondamentaux dans la bonne saison de leur club, et susceptibles de (re)connaître la Ligue 1 la saison prochaine. Aujourd'hui, le FC Nantes (2e, 54 points, +21).
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Le président : Waldemar Kita
On a beaucoup écrit sur le propriétaire du FC Nantes : mégalomane, imprévisible, défiant les traditions les plus élémentaires de son club, l'homme d'affaire franco-polonais est une turbulence permanente qui retourne le FCN comme une vulgaire boule à neige. Un défilé de joueurs invraisemblable (plus de 70 recrues en six saisons), une rotation permanente du staff (sept changements d'entraîneur, quatre directeurs sportifs et conseillers techniques épuisés), pour finir sur un attelage unique à ce niveau de compétition: un président seul avec son entraîneur, sans directeur sportif ni cellule de recrutement.
(photo : fcnantes.com)
Homme au relationnel compliqué, Waldemar Kita s'est rapidement mis à dos la frange la plus passionnée de son public. Multipliant aussi les clashes avec ses propres employés et joueurs, ainsi que leurs représentants, mais aussi avec les adversaires de Nantes et les instances du football, il avait été affublé d'un sobriquet peu flatteur (François Pignon) par ses collègues lors de sa brève pige en L1.
Actionnaire responsable et surtout orgueilleux, Waldemar Kita essuie des pertes annuelles estimées entre 15 et 20 millions d'euros depuis que son club stagne en L2, pour la quatrième saison consécutive, bien loin des objectifs qu'il s'était fixé à son arrivée. Ses velléités de réformer la formation nantaise restent pour l'instant lettre morte. Victime de multiples remaniements et d'une pression des résultats à court terme, le centre de formation, bien que performant cette saison selon certains critères (toutes les équipes de jeunes et la réserve dominent actuellement leurs championnats respectifs), n'apporte plus rien à l'équipe première. Nantes s'est récemment incliné à Guingamp en n'alignant aucun joueur formé au club au coup d'envoi. Une anomalie pour un club dont la formation fut une des marques de fabrique, cependant que les Payet, Ca, Sio, Ndy Assembe, Beauvue, Pujol et autres Landreau font le bonheur de clubs de L1.
L'entraîneur : Michel Der Zakarian
Moqué pour son discours hargneux et empreint d'une virilité parfois surjouée, accusé de s'être abaissé à revenir travailler sous les ordres d'un président dont il avait fustigé l'interventionnisme et le manque de discernement il y a quatre ans, peu disert sur le jeu et ses mécaniques, Der Zakarian est avant tout un homme d'action, qui porte la simplicité au rang de ligne de conduite, au risque d'être taxé de simplisme.
Meneur d'hommes accompli qui sait souder son groupe autour d'un objectif commun et pousser ses joueurs à fond, son travail technique est axé autour d'un comportement irréprochable de son équipe, sur le plan défensif et dans l'abnégation: avec lui, pas de jeu élaboré ni de fioritures, ses joueurs sont appelés à mouiller le maillot, à défendre sans relâche même quand ils attaquent, en adepte du jeu long et du second ballon. Avec Der Zakarian, le football est un sport de combat, qui se gagne comme la boxe: aux poings, et aux points que l'on grappille chaque week-end pour se rapprocher de son objectif.
Peu intéressé par la formation et l'éclosion de nouveaux joueurs, Der Zakarian est un pragmatique absolu, qui travaille dans le présent, et préfère aux jeunes inexpérimentés la solidité et la fiabilité de trentenaires accomplis, distribuant assez peu de temps de jeu à ses remplaçants. Gare toutefois à l'épuisement: à force de combattre, son onze préféré a souvent tendance à tirer la langue et à s'écrouler en fin de saison. Après une passe difficile (9 points pris sur 21 possibles entre la 19e et la 25e journée), Der Zakarian saura-t-il trouver les clés pour redonner du souffle à son groupe et ne pas échouer une nouvelle fois au pied du podium? [1]
Le joueur-clé : Gaby Cichero
Né le 25 avril 1984 à Caracas, le défenseur vénézuélien Gabriel Alejandro Cichero Konarek, dit "Gaby Cichero", s'est révélé avec son grand frère Alejandro, dont il est inséparable, lors de la Copa America 2011, durant laquelle ils ont porté la Vinotinto à une historique demi-finale, tenant tête à rien moins que le Brésil, le Paraguay ou encore le Chili de Marcelo Bielsa.
(photo : fcnantes.com)
Connu de la L2 pour avoir démontré son potentiel à Lens la saison passée (Jean-Louis Garcia affirme que sans sa suspension, le destin du Racing aurait été différent), Gaby a apporté de la grinta à la défense nantaise. Celui qui confiait récemment à 20 Minutes Nantes défendre a la muerte comme si chaque ballon était le dernier, ne pouvait pas trouver entraîneur plus approprié pour apprécier ses qualités de combattant: dur sur l'homme, agressif dans la récupération, leader de défense par excellence, Cichero a rendu toute sa défense meilleure, y compris Papy Djilobodji qui explose pour de bon cette saison.
On mesure l'embarras dans lequel il a plongé son entraîneur, qui avait été chercher l'expérimenté Ahmed Madouni pour solidifier sa défense. Obligé de composer un 5-3-2 pour confirmer l'excellente paire Cichero-Djilobodji, et accorder le statut de titulaire promis à Madouni en début de saison (et ainsi justifier ce recrutement aux yeux de son employeur). Embarras dont s'est vite remis Der Zakarian au vu des excellents résultats de cette configuration à l'extérieur, avec une défense basse, compacte et longtemps très solide, un jeu de contre par les couloirs via des latéraux libérés, et qui aura confirmé la révélation Issa Cissokho, vingt-huit ans et tout jeune professionnel.
Attention toutefois à une fin de saison potentiellement compliquée pour Gaby qui, à l'image du reste de sa défense, a semblé tirer la langue et faire preuve d'une étonnante passivité lors des récentes performances mitigées du FCN, avec en point d'orgue les deux buts encaissés en fin de match à Guingamp. Parviendra-t-il à se relancer et retrouver la combativité et la rigueur sans faille qui ont fait de lui et Djilobodji l'une des meilleures, si ce n'est la toute meilleure charnière de L2 sur la phase aller?
> Son but contre Caen.
[1] Entraîneur de Clermont la saison passé, son équipe avait terminé à la 5e place après avoir longtemps fait la course en tête.