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« Contredire l'idée que le 10 aurait disparu »

Pour la sortie de L'Odyssée du 10, nous avons posé dix questions à ses auteurs. Ils ont distribué les transversales. 

Auteur : La rédaction le 21 Oct 2019

 

 

Jeudi sort en librairie L'Odyssée du 10, de Raphaël Cosmidis, Philippe Gargov, Christophe Kuchly et Julien Momont. Une expédition dans l'histoire des meneurs de jeu, dont les auteurs nous racontent les découvertes.

 

 

 


On dit que les numéros 10 sont en voie de disparition. Vous voulez sauver l'espèce?

 

Christophe. On veut d'abord essayer de la comprendre. Plutôt que sauver l'espèce, qui disparaît aussi à cause de ses défauts, j'aimerais que l'on puisse sauver la créativité collective – peu importe le poste. Travailler sur l'histoire du football m'a fait aimer des joueurs des générations précédentes, mais je reste très attaché aux meneurs reculés à la Miralem Pjanic ou Jorginho, plus qu'aux numéros 10 dribbleurs.

 

Julien. L’espèce n’est de toute façon en voie de disparition que si on la fige dans son acception passée. Dans ce cas, on pourrait en dire de même de beaucoup d’autres postes ou rôles dans une équipe. Ce sont justement toutes les mutations du 10 et du contexte dans lequel il doit évoluer aujourd’hui qui promettaient une richesse thématique à explorer. En un sens, le destin historique du 10 est un bel emblème de l’évolution du football, de son athlétisation et de sa scientifisation notamment.

 

Philippe. Assez logiquement, c’est l’une des questions qui revient le plus souvent quand on présente le sujet du livre. Ce qui reflète aussi et surtout l’attachement à un numéro 10 "mythifié", qui incarnerait une forme d’âge d’or du football d’avant. Et c’est totalement légitime. Mais on peut aussi penser qu’il y a là une forme d’anachronisme, de vouloir sauver une espèce dans une idée qui ne correspond plus au jeu actuel (ce qu’on est en droit de déplorer, bien sûr). Ce qu’on essaie de montrer, pour rester dans le champ lexical naturaliste, c’est que l’espèce s’est adaptée, au sens darwinien du terme. Elle a évolué, pour échapper à ses prédateurs (les défenseurs rugueux), aux changements de son environnement (la densification et l’accélération du jeu). À partir de là, est-ce qu’il faut "sauver" l’espèce ou plutôt essayer de l’observer dans sa version renouvelée?

 

« C’est ce qui est intéressant avec le 10 : son histoire n’est pas figée, ni dans le passé, ni dans le futur d’ailleurs. »

 

Qui est le premier 10 de l'histoire?

 

C. On peut envisager la réponse sous deux aspects: le numéro et le poste. Si on se concentre sur le numéro comme métonymie, c'est Pelé à la Coupe du monde 1958. Sur le rôle de meneur de jeu en tant que tel – et on l'évoque en détail dans un chapitre dédié aux origines tactiques du 10 –, on ne peut pas vraiment donner un nom puisque, dès les débuts du football, certaines équipes responsabilisaient un attaquant ou un demi dans la construction du jeu. Même s'il est beaucoup plus que ça, j'aurais tendance à répondre Alfredo Di Stéfano, qui marquait beaucoup de buts parce qu'il était en capacité de le faire, mais était sans cesse le moteur de ses équipes.

 

 

 

 

J. Tout dépend en effet de ce qu’on entend par numéro 10. Le numéro en tant que tel n’est apparu qu’à partir de la fin des années vingt en Europe, sous l’impulsion d’Herbert Chapman, inventeur du W-M et pionnier dans l’utilisation des numéros dans le dos des maillots. La plus ancienne preuve vidéo de l’existence du 10 sur un terrain remonte toutefois à 1924, dans un match de coupe aux États-Unis, sans précision sur l’identité du porteur. Le rôle d’organisateur, de créateur du jeu dans une équipe existait en tout cas dès le début du XXe siècle, notamment dans les équipes influencées par l’école écossaise du jeu, marquée par la passe et le collectif, en opposition à l’école anglaise du dribble. C’était soit un demi au cœur du jeu, soit un attaquant qui décrochait, comme Matthias Sindelaar dans la Wunderteam autrichienne des années trente, ou Nándor Hidegkuti dans le Onze d’or hongrois des années cinquante.

 

P. On pourrait aussi ajouter des pionniers tels que Antonio Sastre, qui a contribué à forger l’identité du football argentin, elle-même ayant considérablement nourri l’idée qu’on se fait du 10. De la même façon, j’ai une affection pour José Manuel Moreno, l’un des membres de la Máquina de River dans les années 40, qui n’était pas un 10 au sens contemporain du terme, mais qui en partageait certains attributs, notamment hors terrain. C’était un jouisseur, un danseur de tango qui passait sa vie en soirée avant de détonner sur le terrain le lendemain. C’est ce qui est intéressant avec le 10: son histoire n’est pas figée, ni dans le passé, ni dans le futur d’ailleurs. On peut le retrouver par bribes chez certains joueurs qui n’en étaient pas, selon la définition qu’on en donne (ou qu’on cherche).

 

« Riquelme incarne parfaitement l’idée d’un joueur qui devient beau grâce à la manière dont il caresse le ballon. Totti aussi : le romantisme du 10 dans toute sa splendeur.»

 

Quel joueur incarne l'archétype du 10?

 

C. Il y a tellement de profils que c'est difficile de répondre, mais j'ai envie de mettre en valeur Juan Román Riquelme. Dans El País, son ancien sélectionneur José Pekerman dit qu'il est "antisystème dans le football moderne", et ça correspond assez à l'idée qu'on peut se faire du numéro 10. Alors que le jeu allait de plus en plus vite, lui ne faisait que ralentir et survivait grâce à la façon dont ses pieds permettaient d'exécuter ce que ses yeux voyaient avant les autres. Ce surnom, "el Ultimo Diez", lui va parfaitement. Selon l'époque où on le place, il peut soit être une star du football, soit un joueur qui serait snobé par la plupart des centres de formation.

 

J. On parle souvent du numéro 10 alors qu’il faudrait parler des numéros 10. Il y a une pluralité fascinante d’interprétation du rôle: certains sont plus organisateurs et passeurs, d’autres déstabilisateurs et dribbleurs, certains préfèrent donner la dernière passe, d’autre marquer, certains sont plus milieux, d’autres plutôt attaquants… Le 10, c’est tout ça à la fois. C’est Zidane et Maradona, Bergkamp et Pelé, Platini et Giresse, des profils totalement différents qui endossent une responsabilité similaire, le leadership technique – et moral pour certains – de leur équipe.

 

 

 

 

P. On s’en est rendu compte au moment de faire l’index, pour voir quels étaient les joueurs les plus mentionnés. Et certains ressortaient clairement du lot, peut-être plus que l’influence réelle qu’ils ont eue dans l’histoire du foot. Typiquement, Riquelme. C’est peut-être un biais générationnel, ou bien lié à son caractère anachronique, justement, mais il incarne parfaitement l’idée d’un joueur qui devient beau grâce à la manière dont il caresse le ballon. Et de la même façon, mais avec un peu plus de succès, je pense que Totti incarne aussi très bien ça : le romantisme du 10 dans toute sa splendeur.

 

Y a-t-il un âge d'or du 10?

 

C. Même s'il y a eu une belle période en Serie A autour du changement de millénaire, c'est vraiment dans les années quatre-vingt que s'imposait l'idée qu'il fallait absolument un ou plusieurs meneurs de jeu pour attaquer correctement.

 

J. Dans le livre, Benjamin Nivet nous confie d’ailleurs regretter de ne pas avoir joué dans les années quatre-vingt, la décennie qui lui a donné envie de devenir numéro 10. Le football français de l’époque est le symbole de cet âge d’or, avec une sélection bâtie autour de trois ou quatre meneurs de jeu, et des 10 dans pratiquement tous les clubs (Zénier, Bazdarevic, Vercruysse, Passi, Touré, Ferreri, Susic et tant d’autres).

 

« Certains 10 aiment les attaquants remiseurs, d’autres se régalent avec des flèches qui leur donnent une plus grande marge pour réussir leurs passes. »

 

Quel schéma tactique laisse la meilleure place au 10?

 

C. Il faut séparer l'analyse que l'on peut faire de manière extérieure et ce qu'en disent les joueurs, qui savent évidemment mieux que nous ce qui était le plus agréable sur le terrain, mais n'ont pas forcément expérimenté tous les schémas. Plusieurs meneurs nous ont dit préférer le 4-2-3-1 au 4-4-2 losange, qui n'offre que deux solutions vers l'avant et délaisse les ailes. Actuellement, je ne vois rien de mieux que le 3-4-1-2 utilisé par l'Atalanta avec Alejandro Gómez en numéro 10. Le système combine les deux attaquants du losange avec plus de soutien sur les ailes, puisque les latéraux évoluent très haut.

 

 

 

 

J. Tous les schémas qui le placent au cœur du jeu, même si le 4-4-2 bordelais d’Élie Baup avait permis à Johan Micoud et Ali Benarbia de briller. Le reste est une question de préférence personnelle et dépend aussi des profils des joueurs autour du 10. Certains aiment les attaquants remiseurs (Valbuena nous a confié avoir adoré jouer avec Giroud, Carrière avec Moldovan…), d’autres se régalent avec des flèches qui leur donnent une plus grande marge pour réussir leurs passes (Bodmer avec Odemwingie)... "Tout dépend de l’animation!"

 

Raphaël. Il faut à la fois lui créer de l’espace et le laisser s’y balader, souvent latéralement, de l’axe droit à l’axe gauche pour trouver un espace. Je pense qu’une organisation avec deux milieux derrière lui et deux attaquants devant lui offre le plus grand confort. Les milieux attirent plus bas, les attaquants fixent plus haut, le 10 profite ainsi d’un espace plus long. Mais le même résultat peut survenir d’un mécanisme différent, en particulier avec les faux 9. À Liverpool, Firmino n’a au départ personne devant lui, mais finit avec Salah et Mané très haut dans une zone intermédiaire entre le couloir et l’axe. Les centraux ne peuvent pas sortir sur ses décrochages sans se mettre en danger dans la profondeur, donc ils sortent moins.

 

« On ne peut pas confier les clés de l'animation du jeu à quelqu'un qui ne fédère pas et n'a pas l'intelligence sociale de comprendre ce dont ses partenaires ont besoin. »

 

Le 10 est-il forcément un joueur intelligent?

 

C. C'est une obligation, et pas que sur le terrain. Il doit non seulement être créatif balle au pied, en faisant ou en voyant mieux que les autres, mais aussi être une sorte de référent dans le vestiaire. On ne peut pas confier les clés de l'animation du jeu à quelqu'un qui ne fédère pas et n'a pas l'intelligence sociale de comprendre ce dont ses partenaires ont besoin.

 

J. Il y a la faculté de voir le jeu, de l’anticiper et de l’interpréter pour prendre la bonne décision. Et souvent, avec le 10, ce sera un choix que le spectateur n’aura pas vu venir. C’est de l’intelligence situationnelle, la faculté à établir des modèles de prédiction du jeu, par opposition à ce qu’Éric Carrière appelle les joueurs qui "prennent des photos" et ne font pas concorder leur prise de décision avec l’évolution dynamique de la situation. La faculté aussi de s’adapter aux caractéristiques de chaque partenaire, de chaque adversaire. Cela relève parfois de l’intuition, le fruit de nombreuses heures passées à jouer. Mais le grand 10 n’a pas que l’intelligence, il a aussi la faculté technique d’exécuter sa pensée. C’est de l’intelligence dans l’action.

 

P. Il faut qu’il soit intelligent, et surtout qu’il ait les moyens de mettre cette intelligence en pratique. Inversement, être techniquement bon ne suffit pas. C’est une généralité, mais les 10 qu’on a rencontrés insistent tous là-dessus, probablement parce qu’ils ont vécu cette symbiose entre l’œil et le pied de l’intérieur. C’est con à dire, mais comme nous l’expliquait Rudi Garcia (oui oui), certains joueurs sont dotés d’une véritable intelligence de jeu, d’une vision qui dépasse la moyenne, mais n’arrivent pas à faire la passe qui va avec. On l’a rencontré quand il était encore en poste à l’OM, alors peut-être qu’il parlait de Radonjic, qui sait…

 

R. Le 10 est presque plus visionnaire qu’intelligent. Il imagine autant qu’il analyse, et c’est d’ailleurs sa capacité à deviner et créer le futur qui caractérise son intelligence très particulière. C’est une intelligence qui ne s’encombre pas de la logique évidente : cette intelligence amène à former des solutions supérieures et alternatives.

 

« On peut désormais trouver des traces de ce qui a fait la gloire du numéro 10 dit "traditionnel" un peu partout sur le terrain. »

 

Quels joueurs actuels sont de vrais 10, ou pourraient l'être?

 

C. Mesut Özil en est un, avec tout ce que sa carrière dit du rapport du football moderne au poste. Karim Benzema et – de façon encore plus visible – Roberto Firmino sont des meneurs qui jouent en attaque. Sans doute que Philipp Lahm aurait fait un bon meneur et que Joshua Kimmich le serait également.

 

 

 

 

J. On peut d’ailleurs désormais trouver des traces de ce qui a fait la gloire du numéro 10 dit "traditionnel" un peu partout sur le terrain. Un gardien, comme Marc-Andre ter Stegen ou Ederson, peut faire preuve du sens de la passe du meneur de jeu, comme les défenseurs latéraux, devenus dans certaines équipes les déclencheurs des offensives par la passe depuis des zones moins sous pression, à l’image de Trent Alexander-Arnold à Liverpool. Il y a aussi le cas évident des organisateurs reculés devant la défense, qui auraient été 10 il y a trente ans, mais ne peuvent pas évoluer plus haut aujourd’hui compte tenu de la densité axiale du football moderne, qui impose de l’explosivité. Comme plusieurs interlocuteurs nous l’ont dit, chacun doit un peu être numéro 10 dans sa zone aujourd’hui.

 

P. Peut-être que certains joueurs aujourd’hui pourraient le devenir à la faveur du vieillissement ou d’une sale blessure, et de la perte d’explosivité qui en découlera. Je suis curieux de voir comment un Griezmann vieillira, par exemple. Est-ce que le foot saura lui laisser une place, est-ce que lui saura la prendre?

 

Les nouveaux 10 sont-ils les 6, ou les 8?

 

C. Je ne sais pas si ce sont vraiment les 6 de manière générale, même si le profil du destructeur se raréfie, mais ce ne sont pas les 8. Comme Paul Pogba, ils peuvent montrer des aptitudes créatives de meneurs qui leur permettent aussi de jouer un cran plus haut, mais ce sont avant tout des détonateurs de jeu qui doivent avoir une vraie densité physique – puissance ou endurance, idéalement les deux. L'exemple de Toni Kroos est assez frappant : ancien numéro 10 au-dessus du lot chez les jeunes, il est devenu l'un des meilleurs au monde en reculant d'un cran, mais devient dur à utiliser depuis qu'il galère à courir. Dans l'absolu, le bon meneur peut jouer à peu près partout – David Alaba a aussi été formé à ce poste – mais il n'y a que devant la défense qu'on retrouve des "analystes du jeu" peu mobiles.

 

J. C’est un peu des deux, si l’on parle de 6 organisateurs à la Busquets, Pjanic ou Jorginho. Ce sont des joueurs chargés, grâce à leur position face au jeu, d’alimenter les éléments de percussion, qui feront la différence au cœur des blocs défensifs grâce à leur vitesse, leur dribble et leur explosivité. Pour les 8, ils sont les nouveaux 10 s’ils évoluent systématiquement entre les lignes, comme à Manchester City. C’est la zone du 10, entre les milieux et les défenseurs adverses. Kévin de Bruyne et David Silva sont 10 chargés chacun de l’animation d’une moitié du terrain.

 

« Avec la qualité de son jeu long et sa capacité à jouer en une touche, Totti aurait pu jouer devant la défense, dans un monde parallèle ! »

 

Qui reviendra en premier: le 10 ou le libéro?

 

C. Sur Twitter, j'espère que ce sera le Libéro Lyon, mais sur le terrain, j'ai du mal à voir comment le poste pourrait revenir sous sa forme originelle. Avoir des centraux relanceurs oui, mais ça n'a pas trop d'intérêt de rester en couverture quand les numéros 9 s'éloignent du but. Donc les numéros 10, si tant est qu'ils soient vraiment partis.

 

J. La lecture du livre conduira, je l’espère, à contredire l'idée que le 10 aurait disparu. Quant au libéro, l’évolution de la règle du hors-jeu l’a, je pense, définitivement rangé dans la catégorie des curiosités du foot d’avant. L’assistance vidéo encouragerait même certaines équipes, comme Liverpool, à adopter une ligne défensive (à plat, donc) encore plus haute, grâce à l’assurance que le moindre lacet adverse hors-la-loi sera sanctionné…

 

R. La mise en place du hors-jeu passif pourrait néanmoins inciter les équipes à réutiliser des libéros. Les défenses à trois centraux sont d’ailleurs revenues avec cette règle, même si des facteurs offensifs ont également participé à cette résurgence, en Italie et en Angleterre notamment.

 

Qui jouerait numéro 10 dans votre team?

 

C. Si je veux gagner, je prends des joueurs capables de tout faire sur un terrain et qui empilent les trophées. Donc Lionel Messi ou Alfredo Di Stéfano, qui sont les deux meilleurs de l'histoire, à mes yeux. Mais, pour le plaisir des yeux, ce sera Michael Laudrup, qui était un vrai génie créatif sur le terrain.

 

J. Il y a les évidents (et le visionnage des matches me conduit à clamer que Maradona est bien supérieur à Pelé). Mais un 10 qui m’a emballé "en vrai", c’était Mathieu Bodmer à Lille. En plus, il est l’un de nos interlocuteurs les plus intéressants dans le livre. Certains meneurs de jeu ont du mal à verbaliser et à expliquer leur vision du jeu, mais lui nous dévoile certaines clés concrètes et les points de référence qui orientent ses prises de décision sur le terrain. Il se fie notamment aux couleurs des chaussures des adversaires autour de lui pour repérer si un joueur n’est pas dans sa zone habituelle et a donc laissé un espace à exploiter.

 

 

 

 

P. En bon défenseur de cœur, je prendrais surtout des joueurs pour "neutraliser" le 10 adverse (d’autant qu’on a interviewé quelques sympathiques ex-défenseurs, tels que Bernard Casoni ou Jean-Marc Furlan, qui nous ont donné quelques pro-tips pour faire rougir les chevilles adverses). L’avantage d’une équipe trop dépendante d’un grand 10, c’est que tu sais où appuyer pour faire mal. En revanche, avec cette maudite VAR, ça devient un peu plus compliqué…

 

R. Francesco Totti, car il raconte une partie de la transformation du 10, il l’a vécue avant tous les autres en étant un faux 9 pré-Messi. Avec la qualité de son jeu long et sa capacité à jouer en une touche, même dos au jeu, il aurait peut-être pu jouer devant la défense dans un monde parallèle! Et puis, surtout, c’est un incroyable créatif, par la passe plus que par le dribble, et c’est ce versant-là du 10 dont je suis le plus nostalgique.

 


L'Odyssée du 10, de Raphaël Cosmidis, Philippe Gargov, Christophe Kuchly et Julien Momont. Éd. Solar, 17,90 euros. En librairie le 24 octobre.

 

 

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Réactions

  • Sens de la dérision le 21/10/2019 à 15h26
    Et pas une référence à Sidney Govou, le numéro 10 qui a remplacé Zidane sur le terrain et dans le coeur des Français ?

  • La parole à la défense le 21/10/2019 à 15h44
    Merci pour cet article qui donne envie d'acheter le livre (idée de cadeau pour mon anniversaire tiens !) ! Ca donne aussi envie d’être n°10 mais la nature a fait en sorte que je sois stoppeur.

    Par contre, je ne suis pas sûr de comprendre le passage sur Griezmann. Vous ne le considérez pas dès à présent comme un 10 ? Quand je vois qu'un peu plus haut vous parlez de Benzema comme tel, je suis surpris. Après, je ne vois ces 2 là jouer qu'avec les Bleus donc autant vous dire que pour Karim, ça fait un bail que je ne l'ai pas vu.
    Et puis quelque part ça rejoint ce que vous dites, à savoir qu'il existe plusieurs définitions du 10. Selon moi c'est vraiment le meneur de jeu, dans le sens celui par qui tous les ballons ou presque passent en phase offensive et qui, bien souvent, décide de comment l'attaque va être menée. Et pour le coup, j'y mets aussi bien Pogba que Griezmann. J’aurais plus de mal à y mettre Benzema ou un latéral par contre.

    Pareil, pas sûr de comprendre pourquoi le 10 devrait être intelligent hors du terrain ? Je pense qu’il y a pas mal d’exemples de meneurs pas forcément futés ou leaders au quotidien mais sachant mieux que quiconque trouver leurs partenaires dans les meilleures positions (pas de blagues avec Benzema et Valbuena s’il vous plaît) une fois sur le pré. Je ne connais bien sûr pas personnellement de 10 de haut niveau mais du (très) peu que je sais de Totti ou Maradona par exemple, je ne dirais pas forcément d’eux qu’ils paraissent intelligents dans la vie. Evidemment c’est très subjectif et sur la base d’une analyse très partielle de leur personnalité.
    Il faut être intelligent pour savoir s’adapter à tout dans un match : l’arbitre, ses partenaires, ses adversaires, le temps, le terrain… Est-ce que cela veut dire que, sorti du match, on va être aussi intelligent ? Je ne suis pas convaincu que ce doive forcément être le cas.

    Pour le libéro, je ne sais pas si la VAR est un élément en plus en faveur de sa disparition. Je déteste la VAR et espère chaque jour que l’on revienne en arrière et supprime cet outil mais là, je ne vois pas vraiment le rapport. La défense à plat est arrivée bien avant la VAR.

    Enfin, sur le schéma tactique le plus adapté, effectivement, un 4-2-3-1 me semble être celui qui met le 10 le plus au coeur du jeu en lui offrant le plus de liberté. Le Zidane de 2006 confirmerait je pense.

  • Sens de la dérision le 21/10/2019 à 15h48
    Quand j'ai vu les débuts de Benzema, j'étais persuadé qu'il ferait un bon 10, je trouvais qu'il a toute la palette technique, la vision... Je ne suis pas trop ce qu'il fait au Real mais mon petit espoir c'est qu'avec l'âge il soit obligé de descendre un peu sur le terrain et ainsi réalise ma vision.

  • Yohan Cowboy le 21/10/2019 à 16h02
    Sens de la dérision
    aujourd'hui à 15h26
    ----
    C'est évidemment évoqué dans le livre dans un passage sur les nouveaux Zidane !



    La parole à la défense
    aujourd'hui à 15h44
    ----
    La mention de Griezmann interroge justement son futur de 10 quand son explosivité déclinera, dans un football où, pour évoluer entre les lignes aujourd'hui, il faut être vif pour vite enchaîner vu le peu d'espaces laissés.

    Sur le 10 hors du terrain, c'est surtout le côté fédérateur et leadership qui ressort de tous les entretiens dont on a menés. La gestion des équilibres dans un vestiaire entre un 10 dont on attend qu'il fasse gagner les matchs et ses coéquipiers qui, pour certains, doivent être uniquement à son service, est parfois délicate. Et là encore, ça fait appel à différents types d'intelligence.

    Sur l'assistance vidéo, évidemment que la défense à plat est arrivé bien avant la VAR, mais je répète ce que j'ai mentionné : Liverpool assume de défendre avec une ligne encore plus haute cette saison parce que l'assistance vidéo est vue comme une garantie supplémentaire. Le lien ? Le piège du hors-jeu est antinomique avec l'usage d'un libéro.

  • La parole à la défense le 21/10/2019 à 16h23
    Yohan Cowboy
    aujourd'hui à 16h02
    La mention de Griezmann interroge justement son futur de 10 quand son explosivité déclinera, dans un football où, pour évoluer entre les lignes aujourd'hui, il faut être vif pour vite enchaîner vu le peu d'espaces laissés.
    --------------
    Ok, j'avais mal compris, je pensais que vous ne le considériez pas comme un 10 actuellement.

    Sur le 10 hors du terrain, c'est surtout le côté fédérateur et leadership qui ressort de tous les entretiens dont on a menés. La gestion des équilibres dans un vestiaire entre un 10 dont on attend qu'il fasse gagner les matchs et ses coéquipiers qui, pour certains, doivent être uniquement à son service, est parfois délicate. Et là encore, ça fait appel à différents types d'intelligence.
    -------------
    Toujours pas convaincu qu'il faille être fédérateur et meneur hors du terrain. L'avantage du foot (des sports co en général d'ailleurs je pense) est que si tu es bon sur le terrain, même si tu es timide et/ou un peu con dans la vie, généralement on te prend dans l'équipe et on peut même jouer pour toi si ça permet de gagner. Pour parler de mon cas personnel, je n'ai jamais eu aucun souci à défendre comme un acharné et me battre sur tous les ballons pour qu'un meneur puisse briller et nous faire gagner, même si le gars était autiste et/ou abruti. Alors ok, si le gars est vraiment stupide et se permet des choses qui vont contre l'équipe, ses partenaires risquent de ne plus suivre mais bon, de là à dire qu'il lui faut être plus fédérateur et meneur que les autres joueurs (car c'est comme çà que je comprends votre propos), je n'approuve pas.


    Sur l'assistance vidéo, évidemment que la défense à plat est arrivé bien avant la VAR, mais je répète ce que j'ai mentionné : Liverpool assume de défendre avec une ligne encore plus haute cette saison parce que l'assistance vidéo est vue comme une garantie supplémentaire. Le lien ? Le piège du hors-jeu est antinomique avec l'usage d'un libéro.
    --------------
    Je suis d'accord que l'usage du libero interdit le piège du hors-jeu, d'où ma phrase sur la défense à plat.
    Je ne regarde pas Liverpool (en fait, je me rends compte que je ne regarde quasi que les Bleus car il n'y a que çà en accès gratuit avec la Ligue Europa) mais ça me parait effectivement bizarre de se dire qu'on est plus autorisés à jouer le hors-jeu qu'avant grâce à la VAR. Je verrais plus çà comme allant dans les 2 sens (et donc des hors-jeu qui auraient été sifflés par erreur et qu'on laisse jouer en se disant qu'on vérifiera ensuite avec la VAR si besoin). Mais bon, je comprends qu'on fasse plus confiance à Klopp qu'à moi !

  • M le Mendy le 21/10/2019 à 16h27
    La parole à la défense
    aujourd'hui à 15h44


    "Toujours pas convaincu qu'il faille être fédérateur et meneur hors du terrain. L'avantage du foot (des sports co en général d'ailleurs je pense) est que si tu es bon sur le terrain, même si tu es timide et/ou un peu con dans la vie, généralement on te prend dans l'équipe et on peut même jouer pour toi si ça permet de gagner. "

    Le cas de Yohan Gourcuff en EDF, intronisé meneur de jeu mais notoirement boudé par ses partenaires permet d'illustrer le propos.
    L'idée est de dire que pour que le meneur de jeu brille, il faut adhésion de ses partenaires à son projet de jeu, sinon ça ne peut fonctionner.


    Sinon, en tant que supporter parisien, pour moi l'éternel n°10 élégant ne peut être que Raï.

  • Balthazar le 21/10/2019 à 16h33
    Passionnant et alléchant, merci.
    J'allais faire la même remarque que La parole à la défense à propos de Griezmann.
    Ravi de voir que Bodmer n'a pas été oublié.

    Et puisqu'il est question de Riquelme, je voudrais citer cet extrait d'un vieux numéro de l'Équipe:

    "Une fois la défaite consommée, le visage du stratège de l équipe argentine n'a rien exprimé. Non, rien du tout. Pas une mimique, pas un rictus, pas une ride n a bougé, pas un cil n a frémi, pas un muscle ne s'est cabré. Un masque de cire, en somme. Le même que celui entrevu ce printemps après qu'un penalty qu'il tira fut stoppé par Jens Lehmann, pour la circonstance gardien de but d'Arsenal, échec qui empêcha Riquelme et son club, Villarreal, de disputer la prolongation de la demi-finale de la Ligue des champions. Déjà, alors qu'à l'issue du temps réglementaire ses partenaires «entraient» dans une prolongation qui allait se dérouler sans lui, on avait pu observer son air distancié. Il regardait ses camarades, les bras dans le dos, l'air absent, comme on peut l'être aux instants de grande solitude. Sa maman, Maria, confia un jour à un journaliste que, enfant, son «fils était toujours triste», qu «il ne se levait que pour aller taper dans un ballon», car «c'était sa façon de ne pas désespérer»."

  • La parole à la défense le 21/10/2019 à 16h47
    M le Mendy
    aujourd'hui à 16h27

    Le cas de Yohan Gourcuff en EDF, intronisé meneur de jeu mais notoirement boudé par ses partenaires permet d'illustrer le propos.
    L'idée est de dire que pour que le meneur de jeu brille, il faut adhésion de ses partenaires à son projet de jeu, sinon ça ne peut fonctionner.
    ------------------
    Je suis complètement d'accord qu'il faut l'adhésion de ses coéquipiers. Mais est-ce que celle-ci provient nécessairement d'une intelligence de la part du 10 ? Est-ce qu'un capitaine ne peut pas jouer ce rôle-là de fédérer les autres joueurs pour leur dire "Ok les gars, il n'est pas sympa et un peu débile mais il va nous faire gagner des matchs si vous vous battez pour lui !" ? En gros, je suis d'accord pour dire que ça aide mais je pense que ce n'est pas rédhibitoire. Je dirais même qu'une équipe peut être plus intelligente que son 10 et le mettre dans de bonnes conditions sans que le mec ne fasse les efforts hors du terrain pour mériter cela.
    Bon après je pinaille sur un paragraphe. Au final on est tous d'accord que, sur l'intelligence situationnelle, le gars doit être un crack.

  • Radek Bejbl le 21/10/2019 à 17h10
    Ce n'est évidemment pas un reproche (c'est normal de commenter le contenu de l'article et non un livre qui n'est pas encore sorti), mais la question du rapport aux coéquipiers est traitée sur une quarantaine de pages dans le bouquin – dont un chapitre sur le leadership agrémenté d'un témoignage d'un formateur dans le domaine à Saint-Cyr. On y traite donc des dynamiques de groupe et ce qui ressort, sans essayer de résumer des dizaines de témoignages en une phrase, c'est qu'il faut forcément être fédérateur. Il y a simplement plein de manières de mettre un meneur au centre du projet collectif et un Rai ne suscitait pas l'adhésion de la même façon que Cruyff.

  • La parole à la défense le 21/10/2019 à 17h28
    Radek Bejbl
    aujourd'hui à 17h10

    Bien joué ! Je suis donc bel et bien obligé d'acheter le bouquin maintenant !

    Plus sérieusement, intuitivement, j'aurais vraiment pensé que, dans la vie normale, le 10 n'avait pas à être spécialement plus intelligent qu'un autre joueur. Mais je suis tout à fait prêt à changer d'avis après lecture du livre.
    Par exemple, intuitivement, je pensais que Zidane ne serait jamais un bon entraîneur. Force est de constater que, même si il n'en est encore qu'au début, je me suis lourdement trompé.
    En fait, je manque peut-être d'intelligence, d'où mon poste de stoppeur !

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