Perte sèche
Passe en retraite – Avec le départ de Petr Cech, le foot européen va perdre l’un des plus grands gardiens de but du XXIe siècle.
Il y avait Yachine, sa tenue noire et son immense casquette. Il y avait Zoff, ses cheveux bruns et son sobre maillot gris. Il y avait aussi Higuita et ses bouclettes, ou Barthez et son crâne chauve. Les grands gardiens de but sont avant tout une image qui colle à la rétine. De Petr Cech, la mémoire visuelle retiendra celle d’un géant casqué comme rempart infranchissable de la sélection tchèque et du Chelsea Football Club.
Géant casqué
Avant d’être une signature, le casque est une nécessité. Lors d’un Chelsea-Reading d’octobre 2006, le gardien tchèque est percuté par le maladroit Stephen Hunt dès le début du match. Évacué en urgence alors qu’il a perdu connaissance, Petr Cech est victime d’une fracture crânienne qui fait craindre le pire.
Dix jours d’hôpital, deux mois avant de reprendre l’entraînement et un retour miraculeux sur les terrains en janvier 2007 avec l’accessoire qui fera sa légende. Il le portera jusqu’à la fin de sa carrière, d’abord pour se protéger, ensuite pour se rassurer et peut-être aussi par pure superstition.
Petr Cech évoluait depuis deux ans à Chelsea. Roman Abramovitch, le propriétaire du club londonien, n’avait pas hésité à casquer 14 millions d’euros pour celui qui gardait alors la cage du Stade Rennais. Huit ans plus tard, l’oligarque russe ne devait pas regretter son achat: le gardien de Chelsea était le héros de la finale 2012 de la Ligue des champions disputée à Munich face au Bayern, qui célébrait la première victoire d’un club londonien en C1.
Face à une équipe bavaroise dominatrice, Petr Cech avait réalisé un match dantesque, réalisant de nombreux arrêts, notamment un penalty de Robben en prolongations et le tir au but de Ivica Olic.
Deux ans à Rennes
Dix ans plus tôt, en 2002, le jeune gardien du Sparta Prague avait fait sensation en remportant presqu’à lui tout seul la finale de l’Euro espoirs en Suisse, se montrant infranchissable face aux favoris français et stoppant notamment trois tirs au but. Le digne héritier des František Plánicka, Viliam Schrojf et autres Ivo Viktor rejoignait aussitôt le Stade Rennais pour deux saisons, avant de signer à Chelsea.
Petr Cech n’avait aucun défaut notable: fort dans les airs, toujours bien placé, doté d’une excellente détente qui lui permettait, son mètre quatre-vingt-seize aidant, de couvrir un grand espace, performant également en face à face et sur les réflexes, il a occupé de longues années le top 5 des meilleurs gardiens du monde.
À son talent, il ajoutait une énorme capacité de travail sous la houlette du Français Christophe Lollichon, entraîneur des gardiens de Chelsea, quasiment devenu son coach personnel.
Durant sa carrière, Petr Cech a obtenu un nombre impressionnant de clean sheets dans une équipe qui jouait pourtant très bas et s’exposait donc aux frappes adverses. Perfectionniste et régulier, le gardien tchèque s’est épanoui aussi bien dans sa carrière que dans la maîtrise de son poste.
La nuit de Genève
Mais comme la plupart des grands gardiens de l’histoire, Cech a connu un jour une spectaculaire défaillance. Son Arica à lui, c’est le stade de Genève, un 15 juin en plein Euro 2008. Sur un centre venu de la droite, le géant de Plzen s’envola plein d’assurance mais le ballon lui glissa entre les gants. À la retombée, le Turc Nihat n’eut plus qu’à pousser dans le but vide. Une bourde qui rappela celle de son prédécesseur Viliam Schrojf en finale du Mondial 1962.
Une erreur qui tomba surtout au plus mauvais moment dans le contexte de ce décisif République Tchèque-Turquie. Un nul suffisait à sa sélection et celle-ci menait 2-0 après une heure de jeu. Mais un but encaissé à l’entrée du dernier quart d’heure entama la belle assurance.
L’erreur du colosse aux gants d’argile, à trois minutes du coup de sifflet final, eut le don de relancer l’adversaire, qui marquera un ultime but dans le temps additionnel, consommant une incroyable élimination.
Si Petr Cech a remporté en club tout ce qu’il lui était possible de remporter, l’équipe nationale tchèque restera peut-être son grand regret. Souvent prometteuse, cette sélection a trop fréquemment raté ses grands rendez-vous pour donner à son gardien le titre international qu’il méritait – la plus belle occasion ayant été l'Euro 2004.
Ce sera donc au bout de cette vingtième saison en tant que professionnel que Petr tirera sa révérence, comme il l'a récemment annoncé. On ne risque pas d'oublier le gardien sobre, déterminé et exceptionnel qu'il fut. Un gardien accompli.