Ne perdez pas de temps à lire ce texte, connectez-vous vite pour commenter les articles des CDF. Attention à ne pas confondre vos minuscules et vos majuscules.
Vous avez oublié votre mot de passe ?
Inscription
Vous avez oublié votre mot de passe ? Il reste un espoir ! Saisissez votre adresse e-mail ; nous vous enverrons un nouveau mot de passe. Cette procédure est quasiment gratuite : elle ne vous coûtera qu'un clic humiliant.
Nous vous avons envoyé un email sur votre adresse, merci d'y jeter un oeil !

CONDITIONS D'INSCRIPTION :

1. Vous devez nous adresser, via le formulaire ci-dessous, un texte (format .txt inférieur à 100 ko) en rapport avec le football, dont la forme est libre : explication de votre passion, anecdote, aventure, souvenir, essai, commentaire composé, portrait, autobiographie, apologie, réquisitoire, etc. Vous serez ensuite informés de la validation de votre inscription par mail. Les meilleurs textes seront mis en ligne sur le Forum.

2. Nous ne disposons pas d'assez de temps pour justifier les retards d'inscription ou les non-inscriptions, et ne pouvons pas nous engager à suivre une éventuelle correspondance à ce sujet. Merci de votre compréhension.

Nous avons bien reçu votre candidature, on y jette un oeil dès que possible. Merci !

Partager :

Port-Saïd, match retour

Reportage – Ce week-end au Caire, les Ultras en deuil et en colère ont manifesté place Tahrir, et toutes les larmes n\'étaient pas dues aux gaz lacrymogènes.

Auteur : Alexis Blouet le 8 Fev 2012

 

Samedi 4 Février. Une atmosphère de deuil flotte au-dessus de la place Tahrir. Un groupe de supporters d'Al Ahly déroule une lente procession circulaire, ils tiennent de longs bâtons de bois, en haut desquels sont attachés des portraits de victimes. À gauche, une trentaine de mètres plus loin, un jeune homme, prostré, les yeux embués de larmes, présente un carton blanc sur lequel est écrit: "Mon pays. Pourquoi la mort est quotidienne chez toi? Je suis parti avec un tee-shirt rouge à Port Said, et je suis revenu en martyr dans un cercueil." Les gens s'arrêtent, entourent le malheureux, l'étreignent, chuchotent des paroles réconfortantes. Lui reste figé, encore choqué par les événements de mercredi dernier.

 


"Instiller le chaos dans le pays"

Ceux-ci se distinguent par leur horreur dans le macabre répertoire des tragédies du football. Comme au Heysel, des supporters ont été écrasés ou asphyxiés entre la pelouse et les gradins, engloutis dans un mouvement de foule, mais d'autres ont été victimes d'actes barbares, éminemment plus brutaux que les usuelles castagnes entre hooligans. Des supporters ont été projetés par-dessus les tribunes du stade. À la télé, un ultra raconte que son ami s'est effondré, le corps transpercé par une broche.

 

 

Aucun supporter n'accuse les Ultras de Port Saïd, tous incriminent le "pouvoir", compris comme un amalgame de l'armée, de la police, et de Moubarak. Nacib, dix-neuf ans, anglais parfait, yeux bleus clairs, explique: "Ils profitent des rivalités entre supporters afin d'instiller le chaos dans le pays et justifier la présence d'un pouvoir autoritaire." Ses propos renvoient à l'actuel débat entre le Conseil militaire, organe gérant la transition du pays, et le Parlement nouvellement élu quant au maintien de l'état d'urgence. Bassir, vingt-cinq ans, s'énerve: "Ils ont voulu nous faire payer notre participation à la Révolution du 25 Janvier et aux manifestations suivantes."

 


Front commun

Pour accréditer la théorie du complot, les supporters avancent plusieurs éléments. Selon Nacib, "le dispositif sécuritaire était moins important que lors des matches précédents, alors que la rivalité entre les fans d'Al Ahly et d'Al Masry est énorme''. Un de ses amis interroge: ''Pourquoi les portes de la tribune sont restées fermées?'' Il fait écho à d'autres questions suspicieuses posées par cette jeunesse révolutionnaire. Pourquoi les policiers sont-ils restés immobiles? Pourquoi le gouverneur régional était-il absent alors qu'il assiste à tous les matches? Pourquoi les lumières ont-elles été éteintes pendant les violences?

 

Les supporters de Zamalek et Al Ahly, ennemis jurés au stade, forment front commun dans la rue. Un cortège mêlant ultras des deux clubs descend une allée en scandant "Le peuple veut l'exécution du Maréchal!" En l'air, entre les nuées de gaz lacrymogène, les bannières sang et or des "Ahlawy" côtoient les drapeaux blancs des "White Knights". Ahmed, trente ans, auto-surnommé le ''baltagi'' (la racaille) et Ultra de Zamalek, porte une veste de survêtement Al-Ahly. Pour lui, transgresser la rivalité historique représente un témoignage d'unité et de détermination du peuple à destination du pouvoir.

 


"Retirer au peuple la liberté"

Si l'ethos indépendantiste des Ultras s'inscrit parfaitement dans un dessein révolutionnaire, c'est surtout leur culture de l'affrontement qui pèse dans les événements. Ce savoir-faire constitue le manuel de combat du révolutionnaire contre la police. Sharia Mohamed Mahmoud, terrain principal des affrontements, le ballet est rodé. Une foule avance en ordre dispersé vers le ministère de l'Intérieur, symbole de la répression du régime. Les premiers rangs lancent pierres et cocktails molotov sur les forces stationnées devant le bâtiment. Celles-ci répliquent par des salves de grenades lacrymogènes et des tirs de flashballs, ou de balles réelles. Alors, les jeunes détalent vers l'arrière de l'avenue ou se réfugient dans les ruelles perpendiculaires

 

 

Parmi eux, il y a Ahmed, un Ultra d'Al-Ahly. Encapuchonné, une écharpe, destinée à le protéger de l'inhalation des gaz, couvre son nez et sa bouche. Il arbore haut l'étendard du club. Je lui demande pourquoi le pouvoir s'est attaqué aux Ultras. Il me fixe et réponds: "Le pouvoir se fout des Ultras, ce qu'il veut c'est retirer au peuple la liberté". Je ne distingue pas la suite car le brouhaha étouffe sa voix. Je le laisse repartir, et regarde le drapeau sang et or s'échapper dans la Sharia Mohammed Mahmoud.

Réactions

  • Mandandamadeus le 08/02/2012 à 13h08
    Article extrêmement instructif... et inquiétant.
    J'avoue n'avoir suivi cet évènement dramatique que de très loin, et je ne me crois pas capable de le commenter autrement qu'en regrettant qu'autant de personnes puissent mourir dans un stade de football.

    Mais j'ai du mal à comprendre la place précise du "pouvoir" dans tout ça. Concrètement, il aurait donc tout mis en place pour que ces affrontements s'opèrent et qu'ils fassent des lourds dégâts ? En envoyant des gens là-bas pour assassiner et semer la panique ?

    En tout cas, c'est effrayant.

  • Carlos Alberto Riera Pas le 08/02/2012 à 16h02
    La manipulation était prévisible et surtout visible sur les images, le but étant de créer le chaos pour génerer l'effroi et la peur dans la population. La suite est connue le bon peuple préfère l'ordre à la chienlit.

    Par contre le football égyptien à souvent été le théâtre de violence, surtout envers ses adversaires extérieurs. Tunisiens et Algériens peuvent témoigner des caillassages, extinctions des lumières pour laisser place aux bastonnades.

  • Sens de la dérision le 09/02/2012 à 06h50
    Je ne sais comment prendre cette phrase : "le dispositif sécuritaire était moins important que lors des matches précédents, alors que la rivalité entre les fans d'Al Ahly et d'Al Masry est énorme'" et du coup l'article en entier.
    C'est bien joli de mettre la veste de survèt de l'autre club, mais si ça avait été fait, ça aurait été encore plus intelligent. Enfin faut pas demander aux Ultras un brin d'intelligence.

  • la rédaction le 09/02/2012 à 09h31
    Les supporters rivaux qui ont manifesté ensemble sont ceux des deux clubs du Caire: Al Ahly et Zamalek. Les affrontements ont eu lieu entre ceux de Al Ahly et du club de Port Saïd...

  • Sens de la dérision le 09/02/2012 à 10h41
    Ohoh, m'en vais m'acheter des (grosses) lunettes.
    En tout cas, ce qui m'a gêné dans l'article, au demeurant très intéressant et comme le dit Mandandamadeus effrayant, c'est que finalement on fait peu de supporters qui, s'il n'y a pas la police, ne trouvent rien d'autre à faire que se mettre dessus.

La revue des Cahiers du football