Quel avenir pour les Coupes d'Europe?
L'UEFA a annoncé la mise en chantier d'une réforme des compétitions européennes, à commencer par celle de la Ligue des champions qui devrait revenir à plus de raison. Mais la Coupe de l'UEFA va subir une inquiétante rénovation. Quant au projet d'Euroligue des petits pays, il est pour le moment rejeté...
L'UEFA s'est elle aussi réunie la semaine dernière, en comité exécutif, pour évoquer certains sujets cruciaux comme la réforme des transferts. Mais à côté de ce dossier qui n'avance pas très spectaculairement, on revient ici sur les prises de position de la confédération européenne concernant l'évolution des compétitions européennes interclubs.
Une Ligue des champions plus décente?
Il ne faut pas attendre de décisions spectaculaires et rapides, comme le retrait de la formule actuelle de la Ligue des champions, dont la surcharge pondérale est plus évidente que celle de David Ginola. L'UEFA va "réfléchir" au problème au cours de l'année 2001 et faire travailler ses commissions, tout en admettant d'ores et déjà les dysfonctionnements manifestes lors des deux premières éditions. Ce sera seulement en 2003 que la version 3.0 de la LdC verra le jour.
Nous avons maintes fois dénoncé une formule à deux phases de poules totalement indigeste, qui multiplie les matches inutiles (144 matches de poules, 13 à élimination directe à partir des quarts de finales), allant même jusqu'à lancer en avril dernier un courageux mais vain appel au peuple (voir Une pétition contre la Ligue des champions?, et le communiqué de l'époque).
Les arguments n'ont pas changé, contre une formule qui banalise les affiches, sature les spectateurs, expose les joueurs aux blessures et aux tentations de dopage, vide les stades, ne devient intéressante qu'au printemps et "sécurise" la compétition au profit de grands clubs dotés de larges effectifs et qui risquent moins d'être victimes de "surprises" sportives (d'autant que leur participation est presque garantie par la multiplication des places qualificatives dans les grands championnats nationaux).
Le lancement de la Ligue des champions en 91/92 répondait déjà à la demande des clubs en faveur d'une augmentation du nombre des matches. La réforme de 99 a aggravé tous les travers de cette compétition qui avait déjà complètement dénaturé la mythique Coupe d'Europe des clubs champions. Menacée par la création d'une "Superligue" privée sous l'égide de Media Partners avec l'assentiment du G14, l'UEFA avait aménagé sa compétition reine pour lui donner l'aspect que nous lui connaissons depuis deux saisons. L'élite européenne autoproclamée a ensuite maintenu la pression, prête à brandir l'imminence d'une sécession si elle n'obtient pas gain de cause à moyen terme.
La "Ligue des champions et des pas champions" semblait donc destinée à se transformer à terme en championnat européen. Mais à en croire les déclarations d'intention de l'UEFA, la prochaine formule reviendrait en arrière, limitant le nombre de rencontres. Les dirigeants européens s'annoncent prêts à affronter l'ogre G14, avec lequel le dialogue est officiellement ouvert, sans qu'il soit question que ce groupe d'intérêt soit représenté à Lausanne. Reste à savoir si cette volonté résistera à la période de négociation qui va s'ouvrir avec les clubs.
La dernière Coupe
On se disait récemment que la Coupe de l'UEFA méritait mieux que l'ombre de sa grande et grosse sœur: avec ses allers-retours éliminatoires et son plateau moins rutilant mais très respectable et plus hétérogène, elle semblait dépositaire d'un certain esprit européen, dont une bonne partie avait déjà disparu avec la défunte et glorieuse Coupe des vainqueurs de coupes. Les bons parcours de Nantes et Bordeaux cette saison (qui sont eux en tête du championnat, au contraire des "ligués") ne sont peut-être pas étrangers à cette tendresse...
Malheureusement, les projets de l'UEFA pour la coupe qui porte son nom ne veulent retenir que le désintérêt croissant de l'ex-C3, sans s'interroger sur ses causes. La réforme envisagée établirait... une phase de poules, suivies d'un tableau commençant aux 8es de finale. Soit exactement la formule à laquelle nous voudrions que la LdC revienne!
L'obsession des formules "championnat" fait à nouveau son effet, avec l'appât de la multiplication des recettes pour un nombre étendu de clubs participant aux joutes continentales. Autant dire la mort de ce que nous appréciions encore dans cette Coupe, qui deviendrait cette "2e division" européenne vers laquelle elle tend déjà.
L'Euroligue rejetée ou ajournée?
Que deviennent les compétitions nationales lorsque les compétitions européennes occupent tous l'espace? Une réponse originale a été proposée par six pays, qui avaient déjà évoqué en février dernier leur désir de créer une "6e ligue", ou "Ligue atlantique", à l'initiative du président du PSV Eindhoven. Devenue Euroligue, elle réunirait des représentants du Portugal, de la Belgique, des Pays-Bas, du Danemark, de l'Ecosse et de la Suède, afin de rivaliser avec les cinq grandes ligues du continent.
Le projet aurait l'aval du G14, dont certains membres sont concernés (Porto, Ajax et PSV), ce qui n'est pas très étonnant étant donnée sa ressemblance avec une ligue privée (d'abord réservée aux membres fondateurs, elle se serait ouverte ensuite avec un système de promotion-relégation). Ces footballs nationaux constatent la dévaluation de leurs championnats, dont le niveau moyen est trop faible sportivement et qui souffrent d'un sensible appauvrissement dans l'économie post-Bosman (si l'on excepte l'Ajax et les Rangers).
Il est frappant de voir que dans les dernières années, aucun de leurs représentants n'a réalisé de parcours significatif dans les coupes d'Europe, avec une nette régression au Portugal et en Hollande. En rassemblant leurs meilleures formations dans un championnat transfrontalier, les fédérations et les clubs en question espèrent relancer une dynamique.
Mais le doute est permis sur l'identité de ce championnat hétéroclite. Les supporters suivraient-ils un tel projet, dans lequel ils risquent de ne plus se reconnaître et qui compromet l'avenir des championnats nationaux? À ce jeu, les promoteurs de l'Euroligue pourraient tout perdre. L'UEFA a choisi de ne pas les suivre, Gerhard Aigner déclarant que ce n'était pas la solution, et que la Ligue des champions "étendue" n'était pas la cause des disparités économiques croissantes.
Nous ne verrons donc pas cette étrange Euroligue... À moins que les clubs ne franchissent ce pas dont ils rêvent, en dénonçant le monopole des fédérations sur l'organisation des compétitions sportives, pour les organiser eux-mêmes. Dans ce cas, c'est tout un tas d'Euroligues qui verront le jour.