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Quelle sanction pour les "sacrifices" à la Valverde ?

En annihilant une occasion au prix de son expulsion, Federico Valverde nous pose un problème d'éthique quant à la punition qu'appelle ce genre de geste. 

Auteur : Gilles Juan le 14 Jan 2020

 

 

Même Diego Simeone a réconforté Federico Valverde. Le Merengue lui a fait perdre la Supercoupe d'Espagne en stoppant net la chevauchée de Morata, l’empêchant de se présenter seul face au gardien, au bout des prolongations. Pourtant, le coach lui a dit: “Ne t’inquiète pas, tout le monde aurait fait la même chose à ta place.”

 

Simeone a reconnu la pertinence de la décision du milieu uruguayen, alors même qu’il a perdu à cause de ça [1]. Argument de poids dans le débat sur la moralité du geste. Si on va au bout de sa logique, ne vont se plaindre que ceux dont le jugement sera tellement faussé par le ressentiment qu’ils seront incapables de décentrement.

 

 

La mesure de l'injustice

Évidemment que les supporters de l’Atlético, du Barça et autres contempteurs du Real vont plutôt s’offusquer du geste, mais Simeone signale que dans la situation inverse, ils s’en féliciteraient.

 

On peut aussi considérer que Simeone a essayé de camoufler en valeur générale ce qu’en réalité il apprécie personnellement. Peut-être faut-il traduire sa déclaration par: “J’aurais fait la même chose à ta place, et n’importe lequel de mes joueurs aussi – enfin, j’espère”.

 

On peut aussi ne pas réduire le débat à l’approche clubiste. Ne peut-on pas s’élever au-dessus des intérêts partisans et juger objectivement de l’injustice? Faire valoir des principes éthiques au nom desquels les choses se font ou ne se font pas, que l’on soit supporter ou pas, car avant d’aimer un club, on aime le football?

 

Après tout, des supporters de l’équipe de France ont regretté la victoire des Bleus de Deschamps au nom de valeurs telles que “le jeu”. De même la main de Henry avait suscité des appels à rejouer le match.

 

Postulons donc qu’on peut, et entrons sur le terrain de l’éthique sportive. Et rien que sportive. Si Valverde avait brisé le genou et la carrière de Morata, il en serait allé autrement. En cas de blessure grave, la fin ne justifiait plus les moyens, l’intégrité physique et la carrière d’une personne compteraient davantage que l’enjeu (c’est du moins ce que je défendrais).

 

Là, non. Là, on a le choix.

 

 

 


Le vice et l'antijeu

1. Être ému par la décision du défenseur, prise peut-être sans morale, mais avec un subtil mélange de rationalité et d’émotion. À la fois promptement et après calcul: quand il a compris qu’il était trop lent; quand il a supposé que ça allait faire but et donc victoire; quand il était encore temps (avant la surface); en réussissant un geste technique complexe; en pesant le contre (son exclusion, le qu’en-dira-t-on…); au bout de la fatigue.

 

On peut apprécier le geste, donc, et considérer la valeur supérieure de l’enjeu sur le respect scrupuleux des règles, observer que l’antijeu est un ingrédient du football, que ce tacle entre dans la catégorie des simulations, de feu les buts de la main, des insultes à la sœur – bref la catégorie du vice.

 

Le vice qui – sans incidence concrète sur autrui, sans préjudice réel, sans autre effet qu’une défaite dans ce qui n’est qu’un jeu – n’est pas un crime. Juste un argument, une identité, laissant chacun libre d’aimer ou pas, de supporter ou pas.

 

2. Plaider pour la vertu, le mérite, la probité et le respect des règles qui interdisent de faire ceci ou cela, l’esprit rugby, etc. Et se scandaliser, donc, que les footballeurs ne soient pas des anges (car soi-même, bien sûr, on aurait été vertueux dans cette situation, conforme à ses valeurs).

 

Un peu comme à propos des “fautes utiles”, on estime alors qu’on doit mettre en jeu, dans la balance, l’enjeu, les conséquences. De même qu’annihiler une contre-attaque aggrave la petite obstruction, et mérite en jaune, il faut réfléchir à la suspension méritée par un tel “sacrifice” [2].

 


La punition selon Nietzsche

Quelle sanction, donc, pour qui n’a pas fait honneur à une vision “puriste” (puritaine) du football? Eh bien, celle prévu par les lois pour ce genre de faute. Un match ou deux pour le joueur après son légitime carton rouge, et un sentiment d’injustice pour toujours pour les supporters adverses. Ils aiment le foot, ils feront avec, ils connaîtront l’inverse – et des jours meilleurs.

 

Ce qui pourrait plaider en faveur d’une aggravation de la sanction, c’est qu’elle rendrait le sacrifice plus beau encore. Mais il est soulagé en “combien” de matches de suspension, le ressentiment et la douleur d’avoir perdu une finale à cause d’un tacle, ou la douleur d’avoir été offensé dans sa morale? Il s’éduque en combien de matches de suspension, le joueur qui n’a pas été vertueux parce qu’il a préféré préserver l’espoir de victoire de son club?

 

Il se trouve que Nietzsche répond à ces questions dans La Généalogie de la morale, quand il se demande quelle punition a “mérité”, par exemple, la bêtise d’un enfant. C’est combien de minutes au coin, pour ne pas vouloir arrêter de jeter des trucs par terre? C’est une fessée de quelle puissance, la crise hystérique dans les lieux publics? Quel est le mètre étalon?

 

Voici la réponse de Nietzsche. L’enfant qui fait une bêtise cause une douleur au parent. Or quelle est la seule et unique chose qui entre dans une balance avec une douleur? Un plaisir.

 

Aussi Nietzsche suggère-t-il que la fessée aura la force suivante: la force qu’on aura plaisir à donner, sachant que plus on donne la fessée fort, plus on prend du plaisir. Ainsi, plus on a eu de la peine, plus il faudra qu’on ait du plaisir en compensation, plus on sanctionnera fort.

 

Et donc la question devient: combien de matches de suspension feront assez plaisir à ceux qui les veulent pour réparation? On leur laisse le soin de répondre et d’objectiver leur hiérarchie des valeurs.

 


[1] Même si comme le rappelle Pierre Prugneau dans son délicieux billet dans L’Equipe hier: qu’est-ce qui nous dit qu’il allait marquer, Morata? Et pourquoi il n’a pas marqué avant?
[2] "L'arrêt décisif" de Luis Suarez – un autre Uruguayen – lors d'un fameux quart de finale de Coupe du monde, en 2010, est l'archétype d'un tel "sacrifice". La faute avait coûté une demi-finale au Ghana, mais aussi à son auteur.

 

Réactions

  • kinilécho le 15/01/2020 à 09h58
    Merci pour l'article !
    On pourrait aussi suggérer d'autres types de réponses arbitrales. Parce qu'au delà du nombre de matches de suspension, on peut aussi réfléchir à comment réparer l'injustice dans le match. Par exemple en donnant pénalty pour annihilation d'une action manifeste de but, même si en dehors de la surface, quitte à partir sur du carton jaune plutôt que rouge si il n'y a pas menace à l'intégrité physique ?

  • L'amour Durix le 15/01/2020 à 10h03
    Seul Suarez se sacrifie réellement à mon sens. Il offre (potentiellement) une demi-finale à tous ses coéquipiers dont il sera le seul privé.
    Alors que Valverde préserve les chances de son équipe de gagner un titre qui lui reviendra également (certes, en cas de victoire finale de l'Uruguay en 2010, Suarez aurait aussi été titré et il aurait même certainement joué la finale puisqu'il est titulaire lors du match pour la 3ème place. Mais il a donc bien raté le match le plus important de sa sélection depuis plus de 50 ans.)

  • L'amour Durix le 15/01/2020 à 10h13
    Kinilecho, depuis 2 ans, la règle du rouge pour annihilation d'une occasion de but à changé. C'est un jaune si le joueur a tenté de jouer le ballon. Voir Danemark-Croatie 2018 à ce sujet. La situation avait beaucoup moins fait parler probablement puisque l'équipe du fautif (Machintrucsen, un danois) avait été éliminée au tirs au buts.
    D'ailleurs, il y a fort à parier que ce très bon article n'existerait pas si l'Atletico avait remporté le titre.
    En tous cas, changer la règle pour le penalty, pourquoi pas, mais pour le carton rouge non. Elle a déjà changé et dans le bon sens amha.

  • Espinas le 15/01/2020 à 10h24
    L'amour Durix
    aujourd'hui à 10h03
    Seul Suarez se sacrifie réellement à mon sens. Il offre (potentiellement) une demi-finale à tous ses coéquipiers dont il sera le seul privé.
    Alors que Valverde préserve les chances de son équipe de gagner un titre qui lui reviendra également (certes, en cas de victoire finale de l'Uruguay en 2010, Suarez aurait aussi été titré et il aurait même certainement joué la finale puisqu'il est titulaire lors du match pour la 3ème place. Mais il a donc bien raté le match le plus important de sa sélection depuis plus de 50 ans.)
    ----
    Sacrifice peu coûteux parce que sans sa main, le ballon va dans le but, ça fait 2-1 et la Celeste s'arrête en 1/4. Et il n'y a pas de matchs le plus important depuis 50 ans

    Valverde va prendre des matchs de suspension en championnat, un trophée important pour préserver les chances de l'équipe en super coupe, un trophée mineur.

  • L'amour Durix le 15/01/2020 à 10h37
    Je pense que n'importe quel joueur préfère rater 10 matches de championnat qu'une demi finale de coupe du monde.

  • Espinas le 15/01/2020 à 11h01
    Euh, tu mélanges mes deux phrases, Valverde va manquer des matchs de Liga à la suite de son expulsion en finale de la supercoupe d'Espagne jouée en janvier en Arabie Saoudite.
    S'il manque 1 point en fin de saison derrière le Barça, ça sera dommage.

  • Sens de la dérision le 15/01/2020 à 11h07
    Je me demande combien de joueurs dans cette même situation ferait exactement la même chose ? Combien laisseraient filer l'attaquant ?

  • Lyon n'aime Messi le 15/01/2020 à 12h26
    Et Valverde a finalement été suspendu un seul match.

  • leo le 15/01/2020 à 13h18
    L'amour Durix
    aujourd'hui à 10h13

    Kinilecho, depuis 2 ans, la règle du rouge pour annihilation d'une occasion de but à changé. C'est un jaune si le joueur a tenté de jouer le ballon.
    ---

    Ce que tu décris n'est valable que dans la surface de réparation : pénalty+jaune si le joueur a tenté de jouer le ballon, rouge s'il y a tirage de maillot (ou main pour éviter un but)

    En dehors de la surface, c'est toujours rouge direct pour l'annihilation d'une occasion de but manifeste.

  • leo le 15/01/2020 à 13h20
    Sinon, je crois que ni Valverde ni Suarez ne pensent à combien de matchs de suspension ils vont prendre. Ils se disent seulement "comment éviter de perdre ce match ?"

La revue des Cahiers du football