Stade de Reims, René Coty : histoires parallèles
Après Giscard et les Verts, Villepin et le Stade rennais, Sarkozy et Aulas, remontons dans notre préhistoire politique et footballistique....
Auteur : Stéphane Pinguet
le 12 Août 2011
Il fut un temps de la discrétion, où le troussage de domestique se faisait chez soi en toute confiance, sans avoir à aller se cacher dans un sombre hôtel. L'époque actuelle est terrible et en ces temps instables, il vaut peut-être mieux se remémorer l'enfance de nos aïeux, quand nos héros en noir et blanc, sans problème de quotas, se déplaçaient sur des images pour toujours défraichies et à jamais trop rapides.
La IVe République... Qui pourrait parler de ces hommes qui ont gouverné entre un régime militaire aux amitiés douteuses et un autre régime militaire, lui-même doutant de ses amitiés? Qui pourrait élever M. Coty au rang d'une icône populaire si ce n'est le club le plus glorieux de son époque, le Stade de Reims?
1953, début de l'histoire
Et tout commence très vite après 1945, quand tout le monde se réconcilie et qu'il n'y a ni raciste, ni antisémite – c'est du passé tout ça. Lors des années 1946, 1947 et 1948, M. Coty est député, ce qui, dans une IVe République naissante, ne veut pas dire grand chose tant les gouvernements sautent plus vite que Dalmat change de club. Reims se contente des places d'honneur quand les champions se nomment déjà Lille, Marseille ou... Roubaix. 1949 est le premier déclic d'un grand bouleversement futur : Reims est champion pour la première fois, Coty devient Président de l'Union parlementaire européenne, et ce, quelques années avant le traité de Rome et la première Coupe d'Europe des clubs champions, la vraie. Du coup, rien ne se passe de notable pour les deux avant 1953.
Reims, qui avait laissé Bordeaux et Nice se partager les titres entre 1949 et 1952, gagne le titre de champion et la coupe latine au printemps 1953. M. Coty ne le savait pas encore mais cela lui annonçait une victoire proche. Le suffrage universel n'existant pas, nos grands électeurs se chargent en cette fin d'année 1953 d'élire au bout de treize tours le président: René Coty. C'est le début des deux grandes histoires d'amour du peuple français de la seconde moitié des années 50, pour son président, pour son club de foot. De nombreuses choses, et surtout pas des plus glorieuses, se sont déroulées durant ces années-là, mais optons pour la facilité de ne présenter Coty que comme un président simple et digne qui a su rendre le pouvoir lorsqu'il ne le maîtrisait plus tellement. Par chance, le foot offre des bulles d'oxygène salvatrices et à plus forte raison lorsqu'il s'agit du Stade de Reims, au pays du champagne – comme son football.
Passation de pouvoir
De nouveau champion en 1955, avec un bon vieux dispositif WM en 3-2-2-3, Reims fait de la première coupe d'Europe des clubs champions son principal objectif. Il le paiera cher sur la scène nationale (de quoi s'étonne-t-on encore aujourd'hui?), puisque sa finale contre le grand Real les laissera à une petite dixième place en championnat de France. Oui, mais une finale tout de même, la première de l'histoire, et contre les plus célèbres bi-nationaux de l'époque, Di Stefano et Puskas. Perdue 4-3 après avoir mené trois fois au score. L'exploit était proche, Reims perd la coupe et Kopa, qui file vers la Maison blanche. Une année de la même couleur suivra.
En 1958, le Stade de Reims est mené par Just Fontaine qui conduit de nouveau l'équipe au titre. Au même moment, René Coty rappelle le Général de Gaulle comme président du Conseil pour gérer la crise d'Alger. Nos deux héros mènent leurs derniers grands combats. Reims veut mener à bien sa campagne européenne, Coty veut progressivement laisser le pouvoir à celui qu'il nomme lui-même "le plus illustre des Français". Les deux feront de leur mieux. Reims, après un parcours parfait, tombe une fois de plus sur le Très grand Real, déjà triple vainqueur de la coupe européenne en autant d'éditions. Défait 2-0, le Stade de Reims récupère Kopa la saison suivante, la boucle est bouclée. Coty a déjà laissé le pouvoir au mois de janvier au Général de Gaulle, c'est la IVe République qui expire.
Un an avant Kennedy
L'élection de René Coty à l'Académie des sciences morales et politiques accompagne timidement la saison du Stade du Reims 1959-60 et son avant-dernier titre de champion de France. Le champagne est éventé, même l'Europe se refuse à eux, le maillot rouge à manches blanches n'effraie plus. Pourtant c'est dans un dernier souffle commun que se terminent les années 50... en 1962. Reims fête son dernier titre de champion de son histoire en juin, Coty le fêtera jusqu'au 22 novembre, date de son décès. Un an jour pour jour avant celui de Kennedy. Dire qu'ils étaient de la même époque.
La Ve République naît, et c'est tout un passé qui s'efface devant cette modernité yéyé. Fontaine prend sa retraite, Albert Batteux, l'entraîneur mythique, est limogé. Ces hommes s'appelaient Kopa, Fontaine, Jonquet, Hidalgo, Piantoni... A nos héros, la Patrie... Ainsi cinquante ans plus tard, il est remarquable de constater qu'il y a davantage de traces du Stade de Reims que de René Coty dans les livres d'histoire – ou quand le sport rentre dans l'histoire et que les personnages historiques se retrouvent dans la rue pendus à chaque coin. Y a pas de justice.
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