Textile 2002
Les clubs de football sont les seules entreprises qui laissent un fournisseur massacrer le symbole même de leur identité, leur maillot et leurs couleurs. Chaque intersaison est un moment d'angoisse pour les supporters qui peuvent craindre le pire….
Le premier match télévisé du championnat fut d'abord l'occasion d'inaugurer les chemises officielles du service des sports de Canal+, puis de découvrir les nouveaux maillots de <Bordeaux, d'un bleu moins criard mais affublés d'un scapulaire excessivement gras. Le sponsor a abandonné son vilain turquoise, mais lui aussi a enflé. Les Nantais confirment de leur côté que la mode est aux vilaines bandes y compris sous les bras, style fin Mauroy début Fabius.
La première journée était plus généralement l'occasion d'une revue des tuniques officielles de la nouvelle édition.
À Marseille, la croix n'aura été que le coup d'une année, et les Phocéens retrouvent une banalité presque surprenante. Là aussi, le sponsor a absolument tenu a être bien lisible.
Lens bénéficie cette saison d'un maillot à l'ancienne, strictement bicolore et qui constitue un soulagement par rapport à la précédente. Mais, à moins d'un mauvais réglage de nos télévisions, les deux couleurs sont jaunes et… orange! C'est le sponsor qui a imposé ça? Les sangs et Or sont-ils les victimes d'un jeu de mot de publicitaire?
Le paradoxe est que l'omniprésent nouveau partenaire du championnat n'est pas le sponsor de Lorient, qui échappe au pire avec un flocage discret, loin du Jean Floc'h charcutier de la précédente saison des Merlus en D1 (dont ont hérité les Sedanais. Il s'agit en fait du logo du club qui, à l'inverse du Barça, n'a peut-être pas choisi de ne pas avoir de sponsor maillot.
Plus parodique, Sochaux a carrément plagié le maillot de Parme, et du coup Daf a des allures de (petit) Thuram.
Troyes ne se fait pas trop remarquer, sinon par des dégradés douteux qui confirment un pénible revival 80's.
Guingamp et Montpellier font aussi dans la sobriété, Bastia, Lille et Sedan, dans le connu. Peut-être que les "grands" clubs sont plus fréquemment les victimes des équipementiers, qui tiennent à s'y faire remarquer. Pour sa part, la bichromie monégasque reste cependant dans l'orthodoxie.
À Rennes, Pinault fait tourner ses marques (c'est aussi le cas sur les panneaux au bord de la pelouse), et son propre nom disparaît au profit d'une de ces sociétés de crédit qui ont tant fait pour le surendettement des ménages défavorisés. C'est un peu plus discret, mais cette barre noire horizontale croise inélégamment la barre noire verticale du maillot lui-même.
Les plus beaux, ce sont les Auxerrois, ce qui peut surprendre si l'on se rappelle les germaniques Uhlsport placardés d'un massif "Duc de Bourgogne". Les jeunes bourguignons héritent des maillots moulants de l'équipementier italien de la Nazionale, et sur la tenue tout entière n'est imprimée qu'un d'un seul sponsor, plutôt discret. Ça ne va peut-être pas durer, alors profitons-en.
À Lyon, l'inflation des placards publicitaires, qui faisaient ressembler les joueurs à des portes de frigo constellées d'autocollants, semble s'être calmée, mais les Lyonnais restent recto-verso, avec des partenaires (camions et pneus) qui vont alterner. C'est un peu le panneau déroulant réinventé pour les maillots.
Enfin, on a déjà parlé du maillot parisien et de son hérétique bande décalée, on a pu constater de visu que le bleu marine tire au noir et que les énormes numéros rouges brisent un peu l'élégance de l'ensemble.
Bien sûr, les pires fantaisies atteignent les maillots "extérieur", notamment sur le plan chromatique. Il faudra qu''on nous explique le bleu ciel de Metz par exemple. Sinon le tendance est au noir, très sympa sous un bon cagnard.
On le voit, il est quand même possible d'échapper au pire, il est possible de lutter contre l'horreur textile, de s'élever contre l'esthétique du polyester, de dire non au massacre graphique ! Rejoignez le combat !