Touré 1985, décembre rouge
Un jour, un but – Le 11 décembre 1985 à Nantes, José Touré s’élève au-dessus d’un rideau de fer pour tromper le meilleur gardien du monde.
Le Stade de la Beaujoire s’est tu. Très brièvement. Fedor Tcherenkov vient d’envoyer un tir imparable sous la barre de Jean-Paul Bertrand-Demanes et son but a concrétisé la domination du Spartak Moscou sur le FC Nantes.
Cette équipe soviétique est réputée meilleure à l’extérieur, où elle n’a pas à faire le jeu. Au tour précédent, le FC Bruges et son attaquant français Jean-Pierre Papin ont été piétinés (1-3) sur leur pelouse alors qu’ils avaient cru avoir fait le plus dur en s’inclinant par la plus petite des marges (1-0) au match aller.
Onze
Un temps d'arrêt
Le scénario semble se reproduire pour le FC Nantes en huitièmes de finale de la Coupe de l’UEFA. Moscou sous la neige, la rencontre aller s’est disputée à Tbilissi et les hommes de Jean-Claude Suaudeau se sont imposés 1-0, Pierre Morice ayant battu Rinat Dasaev sur penalty.
Au match retour, le Stade de la Beaujoire est donc retombé dans le silence. Mais très vite, il a repris ses encouragements. Il reste vingt minutes à jouer et il s’agit de ne pas laisser tomber les Canaris. On a trop souvent reproché au public nantais de ne jamais être derrière ses joueurs quand ils en avaient besoin.
Aussitôt après l’engagement, Nantes obtient un coup franc à quarante mètres des buts. Pierre Morice l'exécute, envoyant un long ballon aérien vers la surface soviétique. Rinat Dasaev est prêt. On dit que c’est le meilleur gardien du monde et, jusqu’à présent, il a justifié cette réputation.
Le ballon aérien de Morice s’approche de la surface soviétique. Le gardien a bien évalué la trajectoire, il s’avance pour s’en emparer. Mais soudain, il marque un temps d’arrêt. Il voit José Touré s’élever au-dessus de son coéquipier Almir Kayumov.
Le Français monte très haut, comme suspendu dans les airs. Lorsque le ballon lui parvient, il assène un coup de tête pour en dévier la trajectoire. Rinat Dasaev est lobé. Ses pieds restent accrochés au sol. Il peut juste se retourner pour voir le ballon mourir dans les filets.
L'étoile de Touré
La Beaujoire explose d’une formidable clameur. José Touré a égalisé. Qui d’autre que lui pouvait, en cet instant, percer le rideau de fer dressé devant la cage soviétique? L’antre du jeu collectif, une fois n’est pas coutume, s’en est remis au talent individuel de son meilleur homme.
José Touré est alors au sommet de son art. Il a définitivement gagné sa place en équipe de France en marquant un but de grande classe contre l’Uruguay, puis en contribuant à la qualification pour le Mundial mexicain. Avec Nantes, il multiplie les matches de qualité, notamment en Coupe de l’UEFA où les hommes de Suaudeau semblent lancés pour un long parcours.
Contre le Spartak, José Touré a fait étalage de sa palette technique, de sa vista, de sa classe, rendant fou les défenseurs soviétiques. "Vous avez Dasaev? Nous, on a Touré!" auraient pu chanter les supporters. Le match se termine sur un score nul (1-1) qui qualifie les Nantais. Ceux-ci attendent désormais avec impatience la suite.
Les quarts de finales, en avril 1986, tourneront mal. Les Nantais s’inclinent face à l’Inter Milan et José Touré sort au cours du match retour, le genou brisé. Une blessure qui l’empêchera de participer à la Coupe du monde mexicaine (et d’affronter notamment l’URSS au premier tour).
De longs mois plus tard, en septembre 1987, Rinat Dasaev et José Touré se retrouvent au Stade Lénine de Moscou à l’occasion d’un match URSS-France. Et, dès la treizième minute, Rinat Dasaev encaisse un but inscrit de la tête par José Touré. Une tête qui ne lui revenait décidément pas.