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Un "arrêt Douchez" décisif ?

La Cour d’appel de Toulouse a rendu un arrêt qui peut transformer les rapports entre un joueur et son agent...
Auteur : Troglodyt le 26 Août 2010

 

Les faits. Après avoir conclu le 9 novembre 2005 avec Christophe Mongai, agent de joueur, un contrat pour deux années par lequel il lui donnait mandat exclusif pour l’assister dans la conclusion de tout contrat lié à sa carrière de joueur professionnel, Nicolas Douchez, joueur de football sous contrat avec la SASP Toulouse Football Club, conclut le 27 mars 2006 un autre contrat d’agent avec Alexandre Krstic. Rompant unilatéralement son contrat avec Christophe Mongai le 3 avril suivant, le gardien de but prolonge ensuite son contrat avec son club, le 13 du même mois, sans l’assistance de son premier agent.
Christophe Mongai conteste alors en justice ce qu’il estime être une rupture abusive d’un mandat exclusif, mais le Tribunal de grande instance de Toulouse le déboute par jugement du 4 février 2008, au motif que n’étant pas un mandat d’intérêt commun, le contrat d’agent est librement révocable par le joueur. L’agent décide d’interjeter appel de cette décision, bien décidé à percer la défense de Nicolas Douchez.

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La nature juridique du contrat d’agent

Le contenu et l’exercice de la profession d’agent de joueur sont l'objet de nombreuses spéculations quant à leur nature et à leur étendue, et interrogent quant aux libertés des parties à une telle convention (l’agent et le joueur, ou l’agent et le club). Juridiquement, cette profession est définie par l’article L.222-6 du Code du sport comme étant celle de "toute personne exerçant à titre occasionnel ou habituel, contre rémunération, l’activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d’un contrat relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive". C’est la définition de la profession de courtier; un contrat de courtage n’étant révocable qu’en cas de preuve d’une faute grave de l’agent.

À l’inverse, l’article L.222-10 de ce même Code du sport, article duquel s’inspirent les textes des fédérations et ligues sportives, définit cette relation contractuelle comme un mandat ("Un agent sportif ne peut agir que pour le compte d’une des parties au même contrat, qui lui donne mandat et peut seule le rémunérer"). Or, un mandat est révocable ad nutum par celui qui l’a donné, c’est-à-dire librement et sans avoir à en justifier, sauf en cas d’abus de ce droit. Cette contradiction impose donc au juge de requalifier juridiquement chaque convention portée devant lui, et d’en tirer les conséquences.
En l’espèce, la convention liant le gardien et son agent stipulait elle-même être un "mandat", ce que le juge constatait en étudiant son contenu. Mandat qui est donc librement révocable par le mandant (1).



Un "intérêt commun" ?

À titre de mandat spécial, l’agent évoquait ici l’existence d’un "mandat d’intérêt commun", dont la conséquence est de mettre à la charge de l’auteur d’une résiliation unilatérale l’obligation d’indemniser l’autre partie (à moins de pouvoir justement motiver cette rupture). Encore s’agissait-il d’établir cet "intérêt commun", qui ne peut pas résulter de la seule existence de prestations réciproques du joueur et de son agent, pas même la rémunération du second par le premier.
La Cour d’appel de Toulouse relève l’existence d’un intérêt commun au motif que "le mandataire, chargé de la gestion de la carrière professionnelle du joueur, a un intérêt certain à l’essor de cette carrière compte tenu des incidences économiques qu’entraînent ses performances et de sa notoriété, sur les conditions financières d’engagement et les prétentions salariales du joueur".
Elle reprend ainsi la qualification de mandat d’intérêt commun qu’avait déjà pu attribuer à une relation joueur-agent la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (11e ch., 17 avril 2002, Association Proform conseil c/ Sieur Souloy; sanctionnant la rupture unilatérale abusive du mandat donné à son agent par le milieu de terrain Emmanuel Souloy, lequel avait organisé son transfert au club de Saint-Denis Saint-Leu pour la saison 1998/1999 en niant les droits de son mandataire).

Pris à contre-pied, Nicolas Douchez est donc condamné à s’acquitter d’une indemnité de 100.000 euros en dédommagement du préjudice subi par l’agent FIFA Christophe Mongai (dont la société USM Football est mandataire pour de nombreux joueurs internationaux et du championnat de France).



Quel avenir pour le couple joueur-agent ?

Le lien unissant le joueur et l’agent s’en trouve renforcé par la nécessité pour le second de poursuivre un intérêt commun à celui du premier: le développement de sa carrière, et donc sa réussite sportive et financière. Un tel critère paraît spécieux tant les logiques sont difficilement conciliables: la perspective financière immédiate ne se trouve pas nécessairement pour le joueur dans la meilleure proposition sportive. Schématiquement, l’aspect pécuniaire conduirait à partir s’enrichir sur un banc à l’étranger ou dans un club nanti ne disputant aucune compétition européenne ou n’offrant aucune visibilité médiatique pour le sélectionneur national... alors que l’aspect sportif voudrait privilégier le temps de jeu et la progression dans un club français – et européen – un peu plus en vue. La question se complexifie encore à considérer que le choix sportif, peut-être au détriment de l’opportunité financière immédiate, conditionne la réussite financière à plus long terme.
Or, l’agent est directement intéressé, non seulement juridiquement par la réussite sportive et financière du joueur, mais aussi pécuniairement par une quote-part sur chaque contrat conclu par le joueur. Pour l’agent aussi, donc, l’intérêt financier immédiat se réalise dans la conclusion de contrats par le joueur, ce qui sera, le plus souvent dans l’intérêt financier de ce dernier, mais pas toujours dans son intérêt sportif.

Conclusion. La solution retenue par les juges a le mérite d’offrir une (mince) protection supplémentaire aux joueurs et aux clubs. En effet, inscrits dans une relation de stabilité par un contrat "à temps" non-révocable, le joueur et son agent sont invités à projeter leurs relations dans le temps, où leur intérêt financier commun aura l’occasion de mûrir de concert avec l’intérêt sportif, qui devient alors réellement commun. Les clubs aussi y trouveront peut-être une sécurité accrue: il sera plus difficile pour leurs joueurs d’être sujets à des débauchages intempestifs par des agents apparaissant pour une unique opération, puisque le mandat courant de l’agent du joueur devient irrévocable, et demeure exclusif. Une protection supplémentaire pour les agents aussi, comme le montre cette affaire Douchez: les voilà ainsi protégés de la rapacité de certains de leurs confrères.

La complexification du statut de sportif professionnel, et particulièrement celui de joueur de football professionnel, rend nécessaire pour les sportifs le recours à des intermédiaires compétents pour la gestion de leurs intérêts juridiques et financiers. La profession d’agent sportif s’est cristallisée autour de cette nécessité, et les agents ont eux-mêmes placés leur rémunération sous la dépendance de l’activité des joueurs.
En posant qu’ils sont liés par un mandat d’intérêt commun, les magistrats espèrent sans doute dépouiller cette interdépendance des risques d’abus par l’un de ses pouvoirs sur l’autre. Un ambitieux pari sur la bonne foi et la loyauté dans les univers des affaires et du football professionnel...


(1) À l’exception de deux situations: si les parties concluent un accord dérogatoire à ce sujet, ou en présence de certains mandats spéciaux.

Réactions

  • BIG le 26/08/2010 à 05h12
    Sympa le commentaire d'arrêt. De bon matin, sur les CDF, et à deux semaines de revenir à la fac, ça fait tout drôle.

  • manuFoU le 26/08/2010 à 09h28
    intéressant, vraiment.

    j'ai juste une question sur la dernière phrase (j'y suis sans doute arrivé épuisé par la concentration qu'exige la lecture de l'article) : tu écris "Un ambitieux pari sur la bonne foi et la loyauté dans les univers des affaires et du football professionnel". mais, si j'ai bien compris le reste, la décision prise s'applique aux cas où joueur et agent ont signé un contrat, il n'est donc plus question de loyauté mais au contraire de respect désormais obligatoire (si tant est que la décision du juge fasse jurisprudence) du contrat signé. non ?

  • Troglodyt le 26/08/2010 à 12h01
    En fait, je fais référence à la possibilité pour les joueurs et les agents (qui disent volontiers que cette jurisprudence n'est qu'une "révolution de papier") de passer outre les conséquences de cette décision.

    Les juges français ont entrepris (pas seulement par cette décision) un encadrement des relations entre les agents et les sportifs professionnels, pour compléter les textes lacunaires ou sibyllins en la matière (il n'y a qu'à voir les articles du Code du sport ici cités: les deux articles du même code donnent l'un la dénomination juridique du contrat, et l'autre une définition qui ne correspond pas à cette dénomination juridique).

    Néanmoins, il reste aisé pour les joueurs et les agents de faire échec à cette jurisprudence par de nombreux moyens: clauses dérogatoires, échec à l'application du droit français dans leurs relations, négociations en sous-main, connivence (des joueurs et/ou des agents) avec les clubs (acheteurs ou vendeurs)...
    C'est à cela que fait référence ma conclusion.

  • In Gone We Trust le 26/08/2010 à 12h23
    Bonne analyse Troglo.
    Juste une chose qui m'a fait tiquer : "La Cour d’appel de Toulouse a rendu un jugement"
    Argh ! Une Cour ne rend pas de jugement, mais bien des arrêts. (Bon ok, c'est du chipotage juridique).

    Par contre, ne risque-t-on pas d'avoir des cas insolubles, avec un joueur qui reprocherait à un agent de l'avoir envoyé sur un banc "doré" au préjudice de sa carrière, et un agent reprochant au joueur de justement ne pas avoir pu percer ? J'imagine mal les magistrats trancher de tels cas, à moins de suivre le foot avec une réelle assiduité.
    Ou alors, ils nommeraient des cédéfistes comme experts, et on créerait un fil sur le forum pour débattre sans fin de la question "mauvais choix de l'agent ou potentiel non confirmé par le joueur".


    Et je plussoie BIG : ça remet doucement dans le bain de la fac.

  • Troglodyt le 26/08/2010 à 12h34
    Je ne veux pas cafter, mais le chapeau n'est pas de moi.

    Justement, avec cette qualification de mandat d'intérêt commun, les magistrats ouvre la voie à leur interprétation, puisqu'il suffira de contester la poursuite de l'intérêt commun (sportif et financier) dans une décision prise par le joueur ou l'agent pour faire condamner l'autre.
    Le but n'est pas de mettre dos à dos les joueurs et les agents, mais justement, pour que chacun se prémunisse du risque de cette conséquence, de les obligés à faire un choix concerté (qu'il soit bon ou mauvais).

  • antigone le 26/08/2010 à 20h25
    lol

    g bin golri

  • Yoop2804 le 26/08/2010 à 20h34
    Idéalement, ça devrait en effet responsabiliser tout le monde mais je crois qu'il y avait déjà eu une décision du même genre où Sorlin avait dû rémunérer Dobraje au moment de son transfert à Rennes (donc ça commence à dater) et dans la pratique ça avait pas changé grand chose, les joueurs continuant sans le moindre scrupule à rompre les contrats censés les lier à leur agent dès l'apparition du premier gugusse venu leur promettre la lune (du moins, une lune plus grosse que celle promise par le précédent)...

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