Wish You Were Here…
Rock Around The World Cup – Acte VI – Le compte à rebours musical vers le Mondial 2010 s’arrête en 1974, année où le foot et le rock entrent dans une nouvelle époque…
Auteur : Brice Tollemer
le 25 Jan 2010
Quatre années se sont écoulées depuis la folie mexicaine, mais on pourrait croire qu’un siècle sépare ces deux éditions. L’heure n’est plus à la rigolade, le temps n’est plus à l’insouciance, les lendemains de l’existence deviennent incertains. Le vent de liberté des années soixante est retombé comme un soufflé. Quant à la prospérité économique des Trente Glorieuses, elle a pris en pleine poire le premier choc pétrolier de 1973. On ne rêve plus, on calcule. Le tournoi mondial qui prend place en République fédérale d’Allemagne semble correspondre parfaitement à cette nouvelle règle de vie. C'en est fini, en effet, des rencontres à élimination directe, terminé des matches couperets et de leurs pics émotionnels. Deux phases de poule et une finale. Dehors les artistes, vive les comptables. Les mathématiques remplacent les exploits. Seuls les Pays-Bas de Johan Cruyff et de Johan Neeskens illumineront de leur football total une Coupe du monde marquée du sceau du réalisme germain, froid, atone mais redoutable. Et ce n’est pas le Brésil, orphelin de Pelé, qui pourra s’opposer à cet état de fait, ayant semble-t-il oublié son talent et son attaque de l’autre côté de l’Atlantique…
Mi-temps des Seventies
Le talent, le rock n’en manque certes pas en cette année 1974. Enfin, c’est plutôt du côté des songwriters qu’il faut aller le chercher. Neil Young, avec On The Beach, prouve qu’il est un artiste qui ne peut être réduit au pourtant chef-d’œuvre Harvest, sorti deux ans plus tôt. Bruce Springsteen devient le "futur du rock'n'roll" en 1975 avec Born To Run. Lou Reed est lui parvenu à arriver vivant dans la nouvelle décennie, en offrant successivement Transformer (et son tube Walk On The Wild Side), produit par David Bowie et le concept album Berlin. Néanmoins, le rock se trouve être à la croisée des chemins à cette mi-temps des Seventies. Les Beatles n’existent plus, Jim Morrison s’en est allé, Jimi Hendrix aussi, tout comme Janis Joplin, inaugurant ensemble la fameuse malédiction qui frappe les rockstars à l’âge de vingt-sept ans. Les Rolling Stones sont eux encore bien vivants, mais ils ont commis l’irréparable en réalisant Goats Head Soup, pierre tombale de leur fabuleuse première partie de carrière.
LSD et schizophrénie
La place est alors libre pour un autre groupe anglais, psychédélique et majestueux. C’est en 1964 que Syd Barret, Richard Wright, Roger Waters et Nick Mason s’associent pour ce que allait devenir Pink Floyd, du nom de deux bluesmen américains, Pink Anderson et Floyd Council. Cependant, bien que ce soit Syd Barret qui compose l’essentiel du premier album du groupe, The Piper At The Gates Of Dawn, son comportement instable et fou, causé par une consommation effrénée de LSD et par une schizophrénie latente, oblige les autres membres à le remplacer en 1968 par David Gilmour, un ami d’enfance du chanteur. Ainsi constitué, Pink Floyd sort cinq années plus tard The Dark Side Of The Moon, son sixième album, l’un des plus vendus de tous les temps. En 1975, Wish You Were Here, avec sa chanson éponyme, est un disque en forme d’hommage à Syd Barrett, venu par ailleurs rendre une petite visite au groupe en studio – méconnaissable et toujours autant imprévisible. À la fin des années soixante-dix, Pink Floyd atteindra son apogée, surtout en terme de notoriété, avec son opéra-rock sur l’aliénation humaine, The Wall.
Real-politik
Un mur, c’est justement ce qui sépare la RFA et la RDA Mais, en ce 16 juin 1974, seule la ligne médiane délimite le camp de l’Ouest et le camp de l’Est. Ironie de l’histoire, les deux équipes se sont toutes deux retrouvées dans la même poule lors de ce premier tour. Les deux formations étant déjà qualifiées, ce match n’a que peu d’enjeu sportif. Mais quel symbole. Ce sera en effet la seule rencontre entre les deux pays durant leurs quarante-cinq ans d’existence. L’unique buteur s’appelle Jörgen Sparwasser et donne la victoire à la République Démocratique Allemande. Mais c’est bien la voisine de l’Ouest qui remporte au final sa Coupe du monde. Franz Beckenbauer, Berti Vogts, Sepp Maier et Gerd Müller étouffent des Néerlandais trop sûrs d’eux. Dans cette ultime partie du Mondial, aux allures d’un Bayern Munich-Ajax Amsterdam, la tornade orange s’est essoufflée. Elle était pourtant flamboyante tout au long de la compétition, avec son jeu rapide, fluide, dans lequel tous les joueurs défendent et attaquent. Un football de rêve. Mais vingt ans après avoir brisé la fantastique Hongrie, les Allemands font de même avec les Pays-Bas. Retour à la réalité.
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L'auteur de la série Rock Around the World Cup l'est également de deux ouvrages hautement recommandables, parus cette année: Rage Against The Machine - Ennemis Publics, une biographie aux éditions Camion Blanc et Vitalogy - Pearl Jam, un petit essai sur l'album, chez Le Mot Et Le Reste.
Rock Around the Worldcup - 1954 : That's Alright Mama
Rock Around the Worldcup - 1958 : Johnny B. Goode
Rock Around the Worldcup - 1962 : A Hard Rain’s a-Gonna Fall
Rock Around the Worldcup - 1966 : My Generation
Rock Around the Worldcup - 1970 : With A Little Help From My Friend
Rock Around the Worldcup - 1974 : Wish You Were Here