Youri or not Youri
Une année pas si rose que cela à l'Inter, une série de matches où son influence sur le jeu n'a guère été probante, des déclarations tapageuses faisant de lui un titulaire indiscutable et le créateur du système Jacquet, tout semble montrer que Youri Djorkaeff n'est plus cette force tranquille qui régnait en maître sur les attaques monégasques ou parisiennes il y a encore peu. Subissant de plein fouet le syndrome Cantona, Djorkaeff perd carrément les pédales.
S'il est incontestablement un technicien et un buteur remarquables, il ne parvient jamais à prendre une véritable responsabilité dans l'équipe de France. Totalement dépendant des passes de Zinedine Zidane comme un bébé du sein de sa mère (à l'inter, c'est de Ronaldo dont il dépend, il lui faut toujours une nounou), il ne semble plus avoir cette vista qu'on lui connaissait naguère. Ses dernières prestations, loin d'être négatives (un somptueux but contre le Maroc, une passe décisive contre la Finlande), tendent à prouver malgré tout que son charisme s'émousse, et que sa principale qualité est de profiter du travail de ses camarades de terrain.
Lui que l'on voyait remplacer (au cas où) Zidane au poste de meneur de jeu n'est finalement qu'un élément perturbateur: en effet, on compte sur un doigt ses initiatives heureuses lors d'un match, on ne compte plus le nombre de ballons gâchés par son manque de jus et cette incapacité récente à prendre en main (pied) une offensive. A la traîne, constamment mal placé, obstinément attiré par le point de penalty (c'est tout rond et c'est joli et en plus c'est moins loin du but adverse que le milieu de terrain), Youri s'emmêle les pieds dans le tapis vert et entraîne souvent avec lui l'avant-centre (Guivarc'h va finir par le haïr à force de le voir sauter sur les mêmes ballons que lui plutôt que se placer au second poteau, juste au cas où…). S'il est un magnifique joker, il n'est pas certain qu'il ait encore une place dans l'organisation de l'équipe de France. A l'heure actuelle, Djorkaeff semble incapable de tenir un match entier. Au contraire. Il se cache sans arrêt, n'intervient que lorsque tout le travail est fait, se positionne en "électron libre" et se contente de cette excuse pour se défendre de son manque d'emprise sur l'adversaire. Son influence sur le jeu est nulle, il ne semble vraiment pas pouvoir prendre sur lui le destin de l'équipe. Il est définitivement absent lorsque l'équipe se cherche, se permettant le luxe d'être encore plus perdu que les autres ou tentant de battre le record des positions de hors-jeu ridicules.
Malgré cela, il est sur le point de réussir la prouesse de devenir LE joueur du Mondial grâce à ses buts de dernière minute qui font oublier qu'un match en compte 90 et que lui n'en joue que 5. Ce n'est pas le 9 1/2 que Youri a créé mais bien le 10 1/8, le joueur qui profite de tous et empêche même les autres de s'exprimer. Le cas typique du héros de la dernière heure. Le pénible, le troublant Youri sera peut-être celui qui marquera le but victorieux lors de la finale contre les Pays-Bas, mais il se peut qu'il devienne aussi l'assassin de Zidane et ses amis.