Tapas décisives
Matchbox – Allemagne-Espagne : 0-1. On espérait un match de légende, ils sont malheureusement rares lorsqu’une des deux équipes est beaucoup trop forte.
Auteur : Jean-Etienne Poisot (avec Thibault Lécuyer)
le 9 Juil 2010
King Senzangakhona Stadium , Durban
Buts : C.Puyol (72e) pour l'Espagne
Arbitre: Mr KASSAI Viktor
Espagne : I. Casillas (c.), C. Puyol, G.Piqué, J. Capdevila, Sergio Ramos, Xavi Hernandez, A. Iniesta, S. Busquets, Xabi Alonso / C. Marchena (90e), Pedro / D. Silva (85e), D. Villa / Fernando Torres (81e)
Allemagne : M.Neuer, P.Lahm (c.), A.Friedrich, J. Boateng, M. Jansen (52e), P. Mertesacker, M. Özil, S. Khedira / M. Gomez (80e), P. Trochowski / T. Kroos (62e), B. Schweinsteiger, M. Klose, L. Podolski
La nalyse
C'eut pu être une finale, mais ce n'était qu'un match opposant presque certainement les deux meilleurs collectifs de la compétition: le premier éprouvé depuis deux formidables années, mais que l'on disait en souffrance à la suite d'oppositions multiples contre des équipes en double titane. L'autre s'étant magnifié au cœur de la compétition après s'être sorti difficilement de sa poule, comme bien des vainqueurs avant lui. C'était en tout cas l'occasion de voir une véritable opposition de style entre un jeu de possession et un jeu plus direct et en pleine réussite. On évacuera d'entrée le regret de ne pas avoir pu voir Müller participer à cette fête, qui aurait pu parfaire l'idée d'avoir vu alignés les meilleurs de chaque camp.
Pedro bocop
Côté espagnol, après avoir remplacé avec succès le décevant Torrès par Llorente puis Fabregas au coup d'envoi des matches précédents, c'est une nouvelle option choisie dès l'entame par Del Bosque qui permet à Villa de prendre son meilleur poste. Pedro, en l'occurrence, entame le match avec une grande liberté de positionnement. Contrairement à Trochowski qui remplace Müller rigoureusement – euphémisme teuton – poste pour poste. Pedro se signale en premier (6e), dans une position Xaviesque, par une passe en profondeur merveilleuse pour Villa, un peu trop court devant Neuer parfaitement sorti. A l'image de cette action, les Espagnols attaquent bien, les Allemands défendent très bien. De l'opposition de style, l'on ressort très vite déçu avec 74% de possession ibère dès le premier quart d'heure. Comme d'hab'. C'est peut-être l'un des débats les plus intrigants qui est en train d'être tranché sous nos yeux: non, les adversaires des Espagnols ne choisissent pas toujours de subir le jeu.
C’est faux, l'Ibère gère
En l'occurrence, cette équipe allemande présentait, comme d'autres avant elle, suffisamment d'atouts pour ne pas endurer aussi passivement cette privation de balle. Et à défaut d'une avalanche de buts, comme on aurait pu en espérer de deux équipes joueuses, l'on assiste à de très bons temps forts outrepyrénéens entrecoupés de révoltes allemandes sur fond de pressing collectif et de défenses efficaces. L'Allemagne se signale surtout par des corners bien tirés et quelques contres au cours desquels Klose fait valoir sa qualité de pivot.
Pendant ce temps, l'Espagne déroule, à la façon d'un orgue de Barbarie, son jeu court. Ses joueurs de couloirs abusent parfois du contrôle systématique, vice et vertu de ce jeu dominant. Ça combine, en combo roulette/passe en profondeur pour Sergio Ramos, en talonnade orientée pour Villa, en doubles contacts pour Iniesta... Tant de talent emporte l'adhésion, forcément. Un talent en tout cas bilatéral pour ce qui est de faire vivre le ballon: ce n'est qu'à la 27e minute que l'arbitre signale la première faute. Le match gagnera en âpreté par la suite, mais sans jamais empêcher l'essentiel, le jeu.
Comment vas-tu, Puyol?
Après avoir redressé le tir en fin de première mi-temps, les Allemands subissent de plus belle au retour des vestiaires. On devine alors que le travail d'usure portera ses fruits dans ces minutes fatidiques où les organismes commencent à subir une érosion certaine. Ironiquement, l'Espagne finit par conclure (deuil étant fait d'une partie échevelée) sur un but de la tête, sur corner. Et quelle tête. le Brian Mayhem catalan smashe le ballon au bout d'une course rageuse qui l'affranchit de tout marquage, et propulse le ballon dans les filets de Neuer d’un cornofulgur pour l’histoire. Les vingt dernières minutes laissent entrevoir une possible révolte allemande, et regretter pour ses supporters l'absence d'un ingrédient Müllerien (on avait promis, on a menti).
Car à ce jeu-là, les Espagnols maitrisent suffisamment le ballon pour que les occasions allemandes ne soient pas suffisamment nettes. Et ces derniers peuvent regretter d'avoir autant plié et reculé à ce moment qui finit par être fatidique (défense basse, deux lignes de 5+4) alors que rien n'était encore acté. Le dieu du football confia alors à Prométhéespagne le soin de créer le football parfait sur terre, ce dimanche à 20h30. Comment réagira Van Pandorel pour rétablir l'équilibre entre les dieux et les footballeurs?
Les observations en vrac
• Le club des 7 vainqueurs passera à 8 dimanche. C’est la première fois depuis 1978 qu’une finale ne concerne ni le Brésil, ni l’Allemagne, ni l’Italie. Pour en trouver une qui ne concerne pas la Hollande non plus, il faut remonter à 1930.
• Sept buts en six matches. Au même stade, France 98 en avait marqué dix. Que ça serve de leçon sur la corrélation hasardeuse entre buts et football offensif.
• Les Espagnols ne font jamais de fautes, sauf les Madrilènes.
• Xavi et Özil ont tiré des corners parfaits pendant tout le match. La veille, Forlan en a fait de même. Et Jean-Michel Larqué n’en a annoncé aucun comme tel au moment où le ballon quittait l’arc de cercle. Il le fait exprès?
• Un coup de boule de Puyol, un coup de boule de Robben. Finalement, toutes les Coupes du monde doivent se conclure sur des coups de tète?
• Trochowski, enlève ta combi.
• Ça s’est vu, que les joueurs espagnols avaient interdiction de perdre le ballon dans leurs soixante-dix mètres.
• Joachim Löw a été prié par son staff de ne plus laver son fameux pull bleu porte-bonheur. Quand on se souvient de ses aisselles en sueur fièrement exhibées durant l'Euro 2008, on plaint ses voisins de banc après le septième match.
Le joueur à suivre
Le joueur à suivre est Pedro. Mais c’est aussi Villa. Souvent, c’est Xavi, voire Piqué, mais peut-être aussi Iniesta et Jesus Navas, quand il rentre. Le joueur espagnol est à suivre parce qu’il sait faire, où qu’il se trouve sur le terrain. Il est à suivre pour voir Piqué réussir des transversales habituellement réservées à Xavi, Pedro jouer dans la zone où doit se retrouver Iniesta, y faire les mêmes double-contacts en sachant que là, juste là où il y a de l’espace, le joueur espagnol (l’autre) fera un appel. Du coup, les joueurs espagnols se suivent eux-mêmes. Ils se suivent et se ressemblent, puisque ni le ballon, ni l’entraîneur, ni le joueur ne décident des mouvements: c’est l’espace qui provoque le jeu. Parfois, le joueur espagnol a du mal à suivre et Pedro, à bout de souffle et en bout de course se laisse diriger par le ballon et plus par l’espace, la fatigue poussant le joueur à suivre son petit bonhomme de chemin.
Des joueurs qui passent, notamment leur temps à se faire des promesses les uns aux autres. À suivre.
Vu du forum
=>> PiMP my Vahid - mercredi 7 juillet 2010 - 21:57
J'attends avec impatience le Bayern-Lyon de l'an prochain, et son fameux duel Cris-Kroos. Que ça jump, jump...
=>> PiMP my Vahid - mercredi 7 juillet 2010 - 22:14
Pedro l'âne, dirais-je avec l'air narquois.
=>> Nicaulas - mercredi 7 juillet 2010 - 22:38
La grande leçon pour moi ce soir, c'est que j'aurais quand même mis six matches à me rendre compte que Khedira ressemble vachement à Baros.
=>> carolizba - jeudi 8 juillet 2010 - 09:46
Les Allemands ont réussi leur Coupe du monde sur un schéma de récupération de balle à 30/40m de leur but et des contres ultra-efficaces. Dans le match d'hier, il leur fallait récupérer la balle dans les pieds de Xavi, Busquets, Pedro ou Iniesta, ou compter sur une erreur technique de leur part. Bon ben voilà quoi. Tout est dit.
=>> Jean-Luc Skywalker - jeudi 8 juillet 2010 - 14:51
Un intense brainstorming nous a encore pondu un impensable dilemme pour l'indispensable "Question du jour" de lequipe.fr:
La question d'hier était donc "Les Pays-Bas remporteront-ils la Coupe du monde?", Oui à 46%. La question d'aujourd'hui ferait pâlir de jalousie les champions de l'interview sportive du style Danny Lauclair ou J-René Godard: "L'Espagne remportera-t-elle dimanche sa première Coupe du monde?" Et oui, on l'avait sous les yeux, encore fallait-il y penser. Pour l'instant, oui à 64%... Mystère.