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L'anonymat du talent double

Les joueurs d'exception - Alors que la France s'apprête à affronter la Norvège, rendons hommage à l'un des génies méconnus du 20e siècle, international de football et grand maître aux échecs.

Auteur : Ilf-Eddine alias Raspou le 11 Août 2010

 

Pour son numéro de novembre 2048, la revue Europe-Échecs consacra sans surprise sa couverture à la nouvelle qui venait d'affliger les amateurs du noble jeu: le décès à quatre-vingt-cinq ans de Garry Kimovitch Kasparov, treizième champion du monde de la discipline. "Le Roi est mort": ce titre barrait la Une, au-dessus d'un portrait de Kasparov, jeune, assis à la table de jeu, mains serrées sur les oreilles dans sa pose caractéristique, avec ce regard de concentration rageuse qui le rendait si impressionnant pour ses adversaires.

Le dossier spécial comportait plus de trente pages retraçant la carrière du champion: son enfance à Bakou, la précocité de son talent, sa formation à l'école Botvinnik, ses premiers succès, son titre de champion du monde junior, ses nombreux matches contre Karpov, ses dizaines de victoires en tournoi, ses vingt années de domination sur les échecs mondiaux. Etait donnée également une sélection de ses meilleures parties, analysées par de forts Grands Maîtres, mettant en lumière les ressorts de son style agressif et ses multiples apports à la théorie des ouvertures. D'autres aspects étaient enfin abordés, qu'il s'agisse de ses engagements politiques ou de ses mariages à répétition. Le tout était illustré de nombreuses photographies.

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Dans ce même numéro, Europe-Échecs publiait l'entrefilet suivant:
"Le Grand Maître international norvégien Simen Agdestein s'est éteint à Oslo le 15 septembre 2048 à l'âge de quatre-vingt-un ans. Il fut sept fois champion de Norvège entre 1982 et 2005, ainsi que vice-champion du monde junior en 1986. Il participa plusieurs fois aux championnats du monde par équipe avec la Norvège. Il fut l'un des premiers entraîneurs du futur champion du monde Magnus Carlsen".

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La Une du journal L'Équipe en date du 16 septembre 2048 titrait sur trois colonnes: "Adieu Zizou". La veille, en effet, le footballeur Zinédine Zidane s'était éteint des suites d'une longue maladie – il avait soixante-seize ans.
L'état de l'ancien capitaine des Bleus étant depuis longtemps critique, le quotidien sportif avait préparé à l'avance nécrologie et hommage. En première page, une grande photographie de Zidane brandissant la Coupe du monde gagnée en 1998. En pages intérieures, son palmarès, son itinéraire depuis ses débuts cannois jusqu'à ses années au Real Madrid, ses triomphes en club comme en sélection. Des encarts sur ses matchs les plus importants, des photos de ses buts les plus beaux, des statistiques, l'avis d'experts décortiquant son jeu. En contrepoint, une analyse de sa personnalité complexe, de son caractère sanguin lui ayant valu de finir sa carrière sur une expulsion en finale de Coupe du monde, mais également de l'attachement que les Français lui témoignaient, le plaçant en tête du classement des personnalités qu'ils préféraient.
Ce furent au total dix pleines pages qui furent consacrées à la disparition de Zidane.

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agdestein_double.jpg


Dans ce même numéro de L'Équipe, il n'y eut pas un mot sur le décès de Simen Agdestein. Pas plus dans le numéro suivant du bi-hebdomadaire France-Football. Même les rubriques sportives de la presse norvégienne ne relayèrent pas cette information, alors que la mort de Zidane y fut largement évoquée.
Seul le site Internet du FC Lyn Oslo rappela que Simen Agdestein avait porté les couleurs de ce club de 1984 à 1992, disputant une centaine de matches, inscrivant plus de quarante buts et contribuant à la montée de l'équipe en première division... Et qu'en 1988, cet attaquant puissant fut retenu pour jouer avec sa sélection nationale, avec laquelle il disputa huit matches, marquant un but, affrontant de grandes nations comme l'Italie ou la France, avant qu'une rupture des ligaments croisés du genou ne le contraigne à mettre un terme à sa carrière de manière prématurée, à moins de vingt-cinq ans.

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Une foule immense se pressa à Moscou aux obsèques de Garry Kasparov, à Marseille à celles de Zinédine Zidane, sous l'œil d'innombrables caméras de télévision, sous les commentaires de dizaines d'envoyés spéciaux. Simen Agdestein fut enterré dans la discrétion d'une douleur familiale, accompagné une dernière fois par ses amis et ses proches. Un seul journaliste fit le déplacement; il publia quelques jours plus tard, dans un hebdomadaire norvégien confidentiel, un portrait de celui qui, unique en son cas, avait été en même temps Grand maître international d'échecs et footballeur professionnel, conciliant l'exigence des deux disciplines, représentant son pays dans chacune d'elle. Il conclut son article en notant que, après la blessure l'ayant empêché de continuer le football, Simen Agdestein régressa également aux échecs, mettant près de dix ans à retrouver le niveau qui avait été le sien.

Réactions

  • antigone le 11/08/2010 à 00h52
    V'là t-y pas que l'horloge des CdF redéconne à pleins tubes. Novembre 2048, maintenant. Nawak.

    Chouette texte, Raspou. Et joli parcours du gars Simen, que je viens d'aller fouiner, merci, je ne connaissais pas.

    (Pour les échéphiles, l'article "L'Oeil de Vishy" du même auteur est toujours consultable sur le Glas, un peu de retape, ça fait pas de mal :

    lien

    Et bientôt, du même : "Faire évoluer Boavista en 4-2-4 équivaut-il à un gambit du centre ?")

  • sansai le 11/08/2010 à 01h35
    Chouette article, avec un chouette first de tatie en plus. On est gâtés.

  • Paul d'Gascogne le 11/08/2010 à 01h46
    Merci Raspou, un bien bel article, une bien belle découverte, et un bien bel hommage.

    Je vais me coucher tout drôle.

  • Tonton Danijel le 11/08/2010 à 08h47
    On va le dire encore une fois: C'est pour ce genre d'article que j'aime les CdF.

    Merci raspou, chouette hommage anticipé.

  • ravio le 11/08/2010 à 09h46
    C'est pas Domenech, le Grand maître des échecs ? Il me semblait pourtant l'avoir entendu sur RMC...

  • J'ai remis tout l'allant le 11/08/2010 à 11h37
    N'est-ce pas là le drame de ceux qui sont bons en tout, mais excellents dans rien ?

    Bel hommage "préthume"

  • PEM8000 le 11/08/2010 à 12h10
    Bravo pour cet article, la collusion des sports rappellle "Eloge de la pièce manquante", un polar à fragments dans un monde où le puzzle de vitesse a détroné le foot comme sport populaire mondiale. On y retrouve aussi des coupures de journaux et bien d'autres types de documents.

  • le petit prince le 11/08/2010 à 15h45
    Le père Pouras, il connaît tout.

  • funkoverload le 11/08/2010 à 15h53
    Cool cette nouvelle rubrique roque around the world cup.

  • Troglodyt le 12/08/2010 à 12h53
    Belle essai de mise en peinture d'un violon d'Ingres.
    Compliments, Raspou.

La revue des Cahiers du football