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«Je faisais du théâtre là où il est interdit d'en faire»

Interview – Échappons aux avanies du débat sur l'arbitrage en rencontrant Robert Wurtz, l’arbitre français le plus excentrique de l’histoire. Et l’un des plus "titrés".

Auteur : Propos recueillis par Charles Michel le 4 Avr 2011

 

Après s’être vu infliger, le 2 juillet 2007, un carton jaune/rouge (AVC) de la part du Tout-puissant lors d’Intervilles, le "Nijinski du sifflet" coule une retraite paisible à Climbach en Alsace. Entre marches en forêt, sorties à bicyclettes et longueurs en bassin, le quintuple meilleur arbitre de France observe avec amusement et parfois un peu de dépit l’actualité du football. De la Meinau à la "France profonde" via le Maracana et la Corse, rencontre avec une autre époque.


wurtz_1.jpg
Les photos ont été chapardées sur le forum de Foot Nostalgie, où vous en trouverez d'autres.

Alors comme ça, vous vous présentez à l’élection présidentielle de 2012?
C’est une blague?

Si l’on se réfère à cette page Facebook qui vous est consacrée, non…
C’est pas vrai? Sur Facebook? Quand je pense que je n’ai même pas Internet. À Strasbourg, ma fille l’a, pas moi. C’est un choix de vie. En tout cas, cette candidature, c’est vraiment très original. Et puis ça me rappelle qu’un ancien collègue de travail me disait toujours "Bonjour président!" J’en ai fait beaucoup, des métiers, mais président, jamais.

Le dernier c’était?
Après ma carrière d’arbitre, je suis entré chez Eurest. Pour se faire connaître, le patron décide d’investir dans le foot. Et il prend qui? Marseille. La saison d’après, l’OM est champion d’Europe. À la même période, Eurest sponsorisait le grand Nantes. Je dis bien le "grand Nantes", car aujourd’hui il ne reste plus grand-chose.


« Le Racing sera toujours mon club de cœur, mais le fossé qui nous sépare est trop grand »


Et de Strasbourg, que reste-il?
Si vous me lancez sur ce sujet, on va y rester trois jours…

Allez-y…
Je suis né dans le quartier de la Meinau, à 800 mètres du stade. À cinq ans, j’allais voir les matches avec mon père. J’y ai joué une dizaine d’années. Mais depuis trois ou quatre ans, je n’y ai plus mis les pieds.

Cela coïncide avec le début de sa descente aux enfers…
Je n’ai pas attendu 2008 pour voir Strasbourg en Division 2... Ce n’est pas une question de résultats.

C’est quoi alors?
Un jour, je revois René Hauss. LE René Hauss, celui qui a gagné deux Coupes de France avec Strasbourg à quinze ans d’intervalle (1955 et 1966). Je lui dis: "Qu’est-ce que tu penses de Strasbourg?" Et là, il me répond: "Robert, je ne m’y reconnais plus". C‘est simple, moi non plus. L’ambiance n’est plus la même. Et puis, il n’y a plus de joueurs du cru. Pour les jeunes, ça ne pose pas de problèmes mais pour nous les anciens…

Et la valse des présidents à la tête du club n’arrange rien…
Pfff… Il y a eu tellement d’histoires! Je n’ai même pas envie d’en parler. Le vrai-faux départ de Fournier – dont j’ai arbitré le jubilé qu‘il avait fait avec Guérin – illustre assez bien ce qu‘est devenu Strasbourg…

En tant qu’ancien arbitre, vous pourriez aller à la Meinau gratuitement…
Le Racing sera toujours mon club de cœur mais le fossé qui nous sépare est trop grand. Je vais vous dire une chose: quand j’étais jeune, Strasbourg et Colmar évoluaient en Division 1. Les derbies se jouaient devant 25.000 spectateurs. Cette saison, pour cette même affiche, il y en avait 5.000. Et c’était en Nationale… Ça me fait mal au cœur car l’Alsace est une terre de football.


« Médiatiquement, ma seconde carrière fut beaucoup plus forte que la première »


wurtz_2.jpgRevenons à vous. Selon vous, les gens regrettent-ils l’arbitre de football ou celui d’Intervilles?
Avant tout, j’ai été arbitre de foot et ceux qui m’ont connu à cette époque ne m’ont pas oublié. À cinquante ans, une fois ma carrière terminée, j’ai sillonné le pays pour aller à la rencontre de la "France profonde". Pour arbitrer des matches de charité, les Polymusclés, des trucs dans ce genre. Yves Lenoy, le producteur d’Intervilles, était à la recherche d’un arbitre avec une réputation intègre. Et un jour, en me voyant faire mon numéro, il me demande: "Ça te dit d’arbitrer les vachettes?" J’ai dit oui.

Vous ne le regrettez pas?
Non, pourquoi? Médiatiquement, ma seconde carrière fut beaucoup plus forte que la première.

Vous suivez encore un peu le foot?
Oui, à la télé, sur les ondes et par le journal local. Cette passion que j’ai pour le football, on ne me l’enlèvera jamais.

Vous qui avez été désigné cinq fois meilleur arbitre de France [1], quel regard portez-vous sur l’arbitrage français?
Je ne voudrais surtout pas me poser en donneur de leçon, ce n’est pas mon genre, mais je ne vois pas souvent d’arbitre français désigné pour diriger un match international. La raison est simple: le niveau de l’arbitrage a baissé.


« Si j’avais dû être un arbitre qu’on n’aurait jamais vu, je n’aurais jamais arbitré »


Entre 1972 et 1986, cinq arbitres français [2], dont vous, ont dirigé une finale de Coupe des Clubs champions. Depuis, il n’y en a pas eu un seul…
C’est très intéressant ça! Ça fait long, presque un quart de siècle! Au fait, si j’ai arbitré la finale de 1977, j’étais aussi juge de touche lors de la finale de 1972.

Selon vous, quelles sont les raisons de cet affaiblissement?
Je ne peux pas juger mais en ce qui me concerne, il est important que l’arbitre ait une personnalité. Or, aujourd‘hui, je n’en vois aucun de charismatique. Si, il y a cet anglais, Webb, qui en impose. Il est chauve, comme Collina. Alors lui, quand il entrait sur la pelouse, on lui pardonnait d’avance 50% de ses erreurs. Pourquoi? Parce que c’était Collina. Une personnalité. Je sais qu’aujourd’hui les arbitres ont des directives assez strictes, mais je me dis qu’il y en a quand même un qui pourrait sortir du lot.

Cela va à l’encontre de la célèbre formule : "Un bon arbitre est celui dont on ne se souvient pas du nom à la fin du match"…
Je la connais celle-là. Pfff… Tu peux être bon et te faire voir quand même. Si j’avais dû être un arbitre qu’on n’aurait jamais vu, je n’aurais jamais arbitré. Par rapport à mon époque, l’arbitre a de moins en moins d’influence sur le jeu.


« C‘est sûr, avec la vidéo, j‘aurais moins couru »



Il a également de moins en moins le droit à l‘erreur. Avez-vous l’impression qu’on le stigmatise beaucoup?
À mon époque, quand j’oubliais de siffler un penalty, durant le trajet retour je me disais: "Pourvu que le cameraman n’ait pas le ralenti pour que je puisse avoir le bénéfice du doute". Aujourd’hui, dans les secondes qui suivent, on voit s’il s’est trompé ou non. Ce qui fait d’ailleurs de beaux ralentis pour le téléspectateur que je suis. Il n’y a donc plus cette part de mystère, et il y a un vrai risque de se faire dévorer par la vidéo.

Si on vous suit bien, vous êtes opposé à l’arbitrage vidéo…
Personnellement, je n’ai jamais eu l’occasion d’essayer. Son but est de nous permettre d’être au plus près de l’action, c’est bien ça? Et bien moi, pour y être, je me faisais un point d’honneur d’être au meilleur de ma forme. C‘est sûr, avec la vidéo j‘aurais moins couru, mais on ne parlerait pas aujourd‘hui de Robert Wurtz…

Et à ceux qui militent en sa faveur en avançant l’esprit de justice que leur répondez-vous?
Qu’on entend souvent: "Aujourd’hui, à cause d’une erreur d’arbitrage, on a perdu trois points". Bizarrement, on n'entend jamais: "Aujourd’hui, à cause d’une erreur d’arbitrage, on a gagné trois points". Et pourtant, je suis d’avis que sur une saison, ça s’équilibre. Alors oui, la vidéo permettrait de rétablir l’une ou l’autre justice mais dans le même temps elle éradiquerait toute tragédie grecque dans le football. Je suis pour laisser l’homme au centre des débats.


« Les voyages forment la jeunesse? Et bien la Corse forme un arbitre… »


À l’issue de la finale de la Coupe de France 1973 entre Nantes et Lyon, Didier Couécou, qui avait marqué un but de la main, avait déclaré: "C’est Ray Charles qui arbitrait ce soir"
(Il coupe) Ce jour-là, j’avais prévu de suivre avec une attention toute particulière le duel entre Domenech et Couécou. Et j’étais donc de leur côté, ce qui fait que sur un corner, je n’ai pas vu le contrôle de la main de Lacombe. Cette histoire m’a pourri la finale et les six mois qui ont suivi. J’ai fait une petite dépression. J’ai relevé la tête lors d’une tournée au Brésil. Au fait, s’il y avait eu l’assistance vidéo ce jour-là, cette anecdote n’existerait pas…



Qu’avez-vous pensé de la tentative avortée du syndicat des arbitres de retarder de quinze minutes les rencontres de la 26e journée de Ligue 1?

Ce sont quand même des enfants gâtés. J’ai l’impression qu’ils font souvent grève. À mon époque, c’était plus rare même si je me souviens d’un mouvement afin de ne plus arbitrer en Corse. C’est vrai que vu le contexte ce n’était pas facile. Pourtant, je n’ai jamais refusé d’y aller. Les voyages forment la jeunesse? Et bien la Corse forme un arbitre…

On a l’impression que la relation arbitre-joueur a nettement évolué depuis votre époque…
De mon temps, les rapports étaient beaucoup plus humains. Par exemple, si j’avais oublié de siffler une faute, j’allais voir le joueur pour lui dire: "Excusez-moi, je me suis trompé". Et lui me répondait: "Pas de problème, ça arrive". Et c’était reparti. Les enjeux économiques ne favorisent pas un arbitrage en toute sérénité… Je suis bien content d’avoir arbitré à mon époque. Aujourd’hui, on n’a plus le droit à la rigolade. Peut-être que l’argent a détruit certaines choses. Après, même de mon temps, la pression était importante.


«Les spectateurs du Maracana n’avaient plus d’yeux que pour moi ! »


Comme lors de cet Argentine-Pérou lors du Mundial 78?
Il y avait deux poules de quatre équipes. Et au moment où la rencontre débuta, l’Argentine savait que si elle voulait distancer le Brésil et se qualifier ainsi pour la finale, il lui fallait s’imposer par quatre buts d’écarts. Elle a gagné 6-0. Et pourtant, en Amérique du Sud, la pression se multiplie par mille!

Au fait, d’où vient votre surnom "le Nijinski du sifflet"?
C’était lors d’une tournée au Brésil. Pour préparer le Mondial 74, la Seleçao voulait que ses matches amicaux soient dirigés par des arbitres européens. Et lors d’un Brésil-Roumanie (2-0), comme il ne se passait rien en seconde période, j’ai commencé à faire mon numéro. Et là, les spectateurs du Maracana n’avaient plus d’yeux que pour moi! Le lendemain, un journal, quel était son nom... (Sa femme lui souffle la réponse) Ah oui, merci Hélène, c’est O Globo qui comparait mes courses et mes sauts à des entrechats, et m’a surnommé le Nijinski du sifflet.

Vous ne le regrettez pas?
Certainement pas! Mon père était clarinettiste professionnel et ma mère chantait au théâtre de Strasbourg. J’étais destiné à monter sur scène. Sauf que la mienne c’était les terrains de football. En fait, je faisais du théâtre là où il est interdit d’en faire…


[1] En 1971, 1974,1975,1977 et 1978
[2] Robert Heliès (1971/1972), Michel Kitabdjian (1974/1975), Robert Wurtz (1976/1977), Georges Konrath (1981/1982) et Michel Vautrot (1985/1986)


Fiche
Wurtz, Robert
Né le 16 décembre 1941 à Strasbourg.
Carrière
Débuts en 1962. Arbitre en Division 1 de 1969 à 1990.
Premier match de D1 le 22 mai 1969 (Sedan-Marseille). Il en arbitra 450. Dernier match officiel le 17 mai 1990 (Montceau-Dijon, Division 2).
Palmarès
Finale de Coupe des vainqueurs de Coupe (1976, Anderlecht-West Ham 4-2), finale de la Coupe d’Europe des clubs champions (1977, Liverpool-Monchengladbach  3-1). Une phase finale de Coupe du monde (1978, 2 matches). 2 Championnats d’Europe des nations (1976 et 1980). 2 finales de Coupe de France (1973 et 1976).

Réactions

  • Torres pas du partir le 04/04/2011 à 07h54
    Top à la vacheeeeeeeeeeeeeeeeeette !

  • Roger Cénisse le 04/04/2011 à 08h43
    Würtz. Lopez. Gnaaaaaaaaaaaah.

  • LLBB1975 le 04/04/2011 à 09h30
    Merci pour cette interview nostalgie. Je sais pas si c'était mieux avant mais c'était quand même pas mal.

  • Save Our Sport le 04/04/2011 à 09h33
    Aussi sympa que son ego est gros ce Robert!

  • JL13 le 04/04/2011 à 09h53
    "
    Et la valse des présidents à la tête du club n’arrange rien…
    Pfff… Il y a eu tellement d’histoires! Je n’ai même pas envie d’en parler. Le vrai-faux départ de Fournier – dont j’ai arbitré le jubilé qu‘il avait fait avec Guérin – illustre assez bien ce qu‘est devenu Strasbourg…"


    Je crois qu'il confond les Fournier ! Non ?

  • Tonton Danijel le 04/04/2011 à 09h55
    Sacré personnage, ce Robert. J'aime bien sa réflexion sur l'arbitrage qui était très physique à son époque, et il est vrai que Wurtz était réputé pour (entre autres) sa capacité à enchaîner les sprints en match pour aller d'un bout à l'autre du terrain. Et sur l'aspect charismatique, il n'a pas forcément tort (même si je ne me souviens pas du charisme de Batta et Vautrot... Quiniou n'était pas non plus un "fort en gueule", mais il a su imposer le respect avec le record du carton rouge le plus rapide de la coupe du monde).

    Après, sur l'évolution de l'arbitrage national, on peut toutefois nuancer par le fait que les joueurs français sont meilleurs de nos jours qu'à son époque. On en trouvait rarement en finale de coupe d'Europe, et sur les trois compétitions internationales que Wurtz a arbitré, la France a juste disputé le premier tour de la coupe du monde 1978... Cela laisse donc plus d'opportunités à un arbitre français d'exercer au plus haut niveau.

  • balashov22 le 04/04/2011 à 10h20
    Très intéressant article sur ce digne représentant des natifs du 16 décembre.

  • PEM8000 le 04/04/2011 à 10h27
    "Les voyages forment la jeunesse? Et bien la Corse forme un arbitre…"

    Quelle jolie formule.
    Je suis beaucoup trop jeune pour l'avoir vu sur un terrain, ce qu'il dit sur les arbitres charismatiques n'est pas faux : Collina a enchainé les boulettes en fin de carrière alors qu'il devenait une star (il a même été LE visage de PES 3), Howard Webb peut foirer une finale de coupe du monde et rester une référence.

    Il nous reste qui ? Tony Chapron ? (dont j'aime bien la rigidité)

  • Hyoga le 04/04/2011 à 11h02
    ' De mon temps, les rapports étaient beaucoup plus humains. Par exemple, si j’avais oublié de siffler une faute, j’allais voir le joueur pour lui dire: "Excusez-moi, je me suis trompé". Et lui me répondait: "Pas de problème, ça arrive" '


    Pourtant sur la vidéo, ça n'a pas l'air de se passer tout à fait comme ça.

  • Sedan Lapoche le 04/04/2011 à 11h32
    Comme Hyoga, je suis assez impressionné de voir la réaction des Nantais sur le but de Lacombe, qui sont à la limite de l'agression !

    Par contre, petit coquille en fin d'interview :
    "Au fait, d’où vient votre surnom "le Nijinski du sifflet"?
    C’était lors d’une tournée au Brésil. Pour préparait le Mondial 74..."

    A moins que n'existez un Monsieur Pour que je ne connais pas et je salue bien bas...

La revue des Cahiers du football