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Mesures d'austérité

Invité : When Saturday Comes – Notre cousin britannique nous offre un superbe texte sur le temps qui passe dans le football, que nous contresignons sans réserves.

Auteur : David Wangerin le 29 Juin 2011

 

Après "L'éthique de la victoire", "Remontées en blog" et "Crimes d'honneur", nouvel épisode de notre partenariat avec le magazine britannique When Saturday Comes. (traduction Kevin Quigagne – photos avfc.co.uk)

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Nous poursuivons notre série anniversaire avec un regard sur la façon dont l’expérience du spectateur a évolué ces vingt-cinq dernières années. David Wangerin se prit de fascination pour le football anglais dans les années 80 car tout y était si différent des Etats-Unis, son pays natal. Les temps ont bien changé.

* * *


Appelons cela de la malchance. Les deux premiers matches de football anglais auxquels j’ai assistés se terminèrent sur un score nul et vierge. Mais ce qui me frappa le plus lors de ma toute première visite à Villa Park, en ce premier samedi de février 1984, ne fut pas le résultat, le temps ou même la confrontation en elle-même: c’était la quantité de sièges vides.

Aston Villa et Luton Town, deux équipes occupant la première partie de tableau de l’élite, n’attirèrent ce jour-là que 18.656 spectateurs dans un stade de 48.000 places – et de mon siège dans la tribune Witton Lane cette chambrée paraissait encore plus petite. Les chants qui s’élevaient des gradins étaient rares et réduits à la portion congrue; les supporters grognaient plus qu’ils n’encourageaient. Ce n’était pas ce à quoi je m’attendais. Un sentiment partagé par mon amie, venue au football alors que Villa évoluait en troisième division et attirait des affluences de 45.000 personnes contre Chesterfield ou 48.000 contre Bournemouth. Lorsqu’elle se tourna vers moi en me disant que le football avait bien changé, elle n’eut pas besoin d’expliquer quoi que ce soit.


"Le plus pur des sports"


Difficile en effet d’imaginer une période plus noire que 1984 pour s’initier au football anglais. Le Rothman’s Football Yearbook de cette saison-là égrène une litanie de transactions suspectes, d’actes de hooliganisme et de clubs en faillite. La présentation de l’éditeur assure même comprendre les supporters "qui pensent que le football professionnel anglais a décidé de se lancer corps et âme dans un exercice d’auto-destruction kamikaze".

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Pourtant, il existait au moins un jeune Américain influençable qui avait développé une attirance fatale pour le football, et pas même les virages désastreux qu’il ne cessait de prendre pouvaient diminuer son attrait. En regardant les matches sur les chaînes terrestres et en les écoutant sur les ondes courtes de la radio, j’en étais arrivé à considérer ce football anglais comme le plus pur des sports. Il était dépourvu de presque tout ce qui encombrait ses équivalents américains: les pauses publicitaires, les interminables remplacements de joueurs et une profusion d’effets tape-à-l'œil. Du traçage des lignes aux tenues des équipes, tout paraissait austère et même les supporters les plus dévoués étaient privés de toute possibilité de s’asseoir. Le plus frappant dans cette sobriété d’ensemble était que le match pouvait se terminer sans but – avec deux gros zéros parfaitement formés – et que personne n’y trouvait rien à redire.

À la fin des années 70, avant le coup d’envoi d’un Super Bowl, une luxueuse voiture fut introduite dans le stade. Il en sortit un ancien joueur célèbre qui présenta, sur un coussin spécial, une pièce spécialement frappée pour l’occasion que l’arbitre devait utiliser pour le toss. C’est à peu près à cette époque que je pris conscience que, malgré mon attachement pour le sport américain, ce dernier avait trop perdu de son essence. Le football anglais n’avait pas encore succombé à ce qu’il appelait toujours le "show à l’américaine": les tubes rock, les annonceurs de stade braillards, les ballons et les confettis.


"Le football avait besoin de votre présence pour exister"


Sur les dix-sept matches de championnat que j’ai vus au cours de ma première saison, je ne me souviens d’animation exotique d’avant match qu’à une seule occasion. Et quand les jeunes femmes de la formation Grace King de New Orléans commencèrent leur spectacle pour les premiers spectateurs s’installant dans Highbury, elles furent accueillies par un flot de "Sortez-les" provenant de la tribune North Bank, je commençai à comprendre pourquoi.

Le football anglais était sinistre et triste comme la pluie, délabré et dangereux. Cependant, même s’il m’arrivait de me sentir en danger, je refusais de me considérer comme autre chose qu’un supporter dévoué. Peut-être était-ce parce que j’étais autant amoureux de ce monde nouveau qui m’était totalement étranger que de l’action sur le terrain. Au fil du temps, j’en vins à présumer que les supporters venaient au stade davantage par habitude ou fidélité que pour véritablement voir du spectacle; en somme, l’équivalent sportif des citoyens démunis du Bloc communiste faisant la queue pour acheter leur pain. Il fallait savourer chaque moment de plaisir et de réjouissance, tant l’offre dans ce domaine pouvait s’avérer limitée ou inexistante.

On se rendait au stade non pas en raison du spectacle éblouissant proposé, ou même du coût modique, mais par amour du football. Et pour ma part, j’étais ravi de pouvoir faire la queue pour acheter mon pain, même si, à l’évidence, cela revenait à préférer une forme d’ennui profond à tout ce qui était dans l’air du temps à l’époque.
Cela allait au-delà, même si je ne m’en rendais pas alors compte. Le football ne se vivait pas par procuration: il avait besoin de votre présence pour exister. La télévision ne montrait que rarement les buts et encore moins les résumés. Les journaux n’avaient pas encore saturé leurs pages de données ou de statistiques et Internet était encore loin d’exister. Oui, à Loftus Road, je dus m’asseoir de biais pour caler mes jambes derrière le siège de devant et à Port Vale, je fus obligé de faire pipi dans une espèce de cuve faisant office d’urinoir. Mais tout cela ne m’importait peu, même pour quelqu’un comme moi plus habitué à regarder le sport assis sur son canapé. Même maintenant, se rendre au stade procure des émotions que l’on ne pourra jamais vivre devant sa télévision.


"Loin de me douter que ce n’était qu’un début"


Pourtant, tout le monde aujourd’hui regarde le football à la télévision, même les abonnés en club. Peu importe qui vous supportez, vous pouvez être sûr que les émissions hebdomadaires de la BBC diffuseront les buts de votre équipe. Vous retrouvez vos amis au pub pour l’affiche avec Man United et vous regardez el clásico en direct, une bière à la main. Les supporters de Liverpool ont dû endurer non pas des chants moqueurs de "Ligue Europe" mais de "Jeudi soir, allumez la Cinq". Avec la couverture télévisuelle dont le football est aujourd’hui l’objet, il est devenu possible d’être un supporter bien informé sans jamais mettre les pieds dans un stade. Dans ce sens, le football anglais ne se différencie plus guère des sports majeurs américains.

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Toutefois, il existe un autre rapprochement que je trouve plus déprimant encore, car il semble être bien moins britannique que cette soif de consommation télévisuelle. Juste avant le match d’Aston Villa contre le Banik Ostrava en 1991 – après la levée de la suspension européenne des clubs anglais consécutive au drame du Heysel – un homme quelque peu exalté se mit à parader devant la tribune Holte End. Micro en main, il nous enjoignit "d’encourager bruyamment l’équipe", et ce afin de marquer le retour de l’Angleterre sur la scène internationale en montrant à ces Européens de l’Est aux visages durs ce qu’était l’ambiance des stades anglais. Il hurlait et flattait, visiblement prêt à tout pour que le public réponde à chacune de ses gesticulations par des acclamations.

C’était bien la première fois que je voyais cela dans un stade anglais et j’étais loin de me douter que ce n’était qu’un début, qui ne laissait présager rien de bon. En l’espace de quelques années, le buteur n’était plus Dwight Yorke mais Dwight Yorke suivi de neuf points d’exclamation; et la clameur d’anticipation générée spontanément par le public à 14h58 avait laissé place à l’assommant We Will Rock You. Il devint également difficile de se concentrer sur le match, avec un écran géant et les gens regagnant leurs sièges des monceaux de nourriture en main. Peu à peu, le Match s’effaçait derrière l’Expérience du Jour de Match. De supporters, nous étions devenus clients.


"La mariée n’est plus assez belle, il faut en plus que les invités soient éblouis par la cérémonie"


Ce qui avait également disparu était la spontanéité dans le choix de se rendre au stade. Plus question d’attendre jusqu’au samedi midi pour se décider. D’une part car la télévision pouvait désormais décaler le match au dimanche ou lundi; d’autre part du fait des possibles restrictions d’achat de billets le jour du match. De surcroît, évidemment, les prix avaient grimpé en flèche. Mon premier billet à Villa Park me coûta 4,50£, soit environ 11,25£ d'aujourd’hui. Combien de minutes de jeu cette somme me permettrait-elle de voir cette saison?

Le mot "puriste" semble revêtir une connotation péjorative quand il est rapporté au football d’aujourd’hui. C’est le terme dont on affuble ceux qui, parmi nous, s’étonnent de la présence de panneaux publicitaires électroniques ou de voir des joueurs porter le numéro 59. Ou même ceux qui sont d’avis qu’il devrait toujours y avoir une First Division et qui ne comprennent pas qu’on montre plusieurs fois au ralenti les célébrations de but. Pour autant, le football anglais est devenu bien plus technique, plus attrayant et agréable à regarder que par le passé. Que la Premier League soit ou non le meilleur championnat au monde, il est certain que les joueurs de l’Aston Villa vainqueur de la Coupe d’Europe des Clubs Champions en 1982 auraient pour la plupart du mal à être titulaires dans l’équipe actuelle, même si elle n’est pas spécialement bien classée. Pourtant, en dépit de l’attrait manifeste du football, la mariée n’est plus assez belle, il faut en plus que les invités soient éblouis par la cérémonie.

L’Angleterre ne se moque plus avec mépris de ces "shows à l’américaine", maintenant qu’elle avale goulument les combats de catch WWE et s’extasie bruyamment devant X-Factor. Le public anglais n’a pas grandi dans le Wisconsin, à voir soixante minutes de football américain se transformer en une procession publicitaire de quatre heures, lui qui se complaisait autrefois dans la fange de l’ennui profond. Il se peut que ce problème, si tant est qu’il existe, me touche plus que quiconque; comme il est possible que ma réaction soit celle d’un homme d’âge mûr en voie de fossilisation ou d’un étranger blasé. Toutefois, si ce jour arrive où les gens ne se rendent au stade qu’à la seule et double condition qu’on leur offre plus que le match et qu’on leur signale quand il faut encourager l’équipe, alors j’espère sincèrement qu’il viendra après ma mort.

 

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Lancé en 1986, When Saturday Comes est le meilleur magazine de football du monde (hors période 2003-2009). WSC cherche à offrir une vue à la fois sérieuse et humoristique du football, avec une intelligence jamais démentie. Pour un rapide historique du magazine, c'est ici et pour s'abonner, c'est par là et c'est un ordre.

 

Réactions

  • Edji le 29/06/2011 à 00h10
    Co-fuckin'-sign.
    A transmettre à Robin Leproux.

  • Sens de la dérision le 29/06/2011 à 10h12
    C'est beau.

  • magnus le 30/06/2011 à 10h10
    "We Will Rock You"...également imposé dans le Vélodrome de temps à autre. Jamais compris la popularité de cette chanson insupportable.

  • Vinnnch le 30/06/2011 à 10h50
    Bravo ! Une remarque particulière sur ces ralentis sur la célébration des buts, sujet que j'ai rarement vu évoquer, mais qui est une vraie plaie du football télévisé (et particulièrement des résumés bien sûr).

La revue des Cahiers du football