Un transfert anti-transferts
Agence Transe Presse – Pour répondre à la mobilité excessive des footballeurs, une PME invente le flocage déflocable... qui fait peur aux clubs et aux équipementiers.
Roanne, le 17 août 2011 (ATP). Pierrick Uneterre pensait bien avoir inventé le procédé qui allait faire la fortune de sa PME de Régny (Loire), baptisée Ultex et spécialisée dans les impressions textiles – une survivance dans cette petite vallée qui a connu une lointaine prospérité industrielle à l'époque des tissages. En reprenant cette entreprise familiale, Uneterre, a aussi hérité d'un lien ancien avec le football: entre 1947 et 1962, c'est son grand-père qui fournissait l'AS Saint-Étienne en maillots. Amateur de ballon rond, le petit fils en est un observateur attentif.
"Comme nous travaillons sur des marchés de niche, je suis toujours aux aguets pour imaginer des débouchés potentiels. Même quand je regarde un match de football, je fais de la veille technologique", plaisante-t-il. À moitié seulement, puisque c'est en partant du constat qu'avec les nombreux transferts de joueurs, le flocage des maillots à leur nom devenait rapidement obsolète, qu'une idée lui est venue: "J'ai commencé à réfléchir aux moyens de mettre au point un flocage qui ne soit pas définitif, pour permettre aux supporters de le mettre à jour. Il n'y a pas de raison que ce soit comme un tatouage."
À l'aide d'un de ses ingénieurs et d'un doctorant en chimie, il a mis au point une sérigraphie décollable. "Il suffit de placer le tissu entre deux feuilles de papier spécial, et de le repasser au fer". Le résultat est probant: en quelques secondes, il ne reste aucune trace du lettrage précédent. Une vraie solution pour tous les supporters dont le choix initial s'est avéré malheureux. "C'est vrai, j'ai tout de suite pensé au maillot 'Gomis' de mon fils, supporter des Verts", confie Uneterre en souriant. Il est vrai qu'en ajoutant les erreurs de recrutement aux renégats, certains stades peuvent paraître hantés par des revenants plus ou moins désirables.
Pierrick Uneterre pensait que son brevet allait rapidement intéresser les équipementiers, les clubs ou les magasins spécialisés, mais ses démarches ont fait chou blanc. "On m'a écouté attentivement, mais j'ai ressenti une sorte de méfiance et je n'ai eu que des fins de non-recevoir." Devant l'évidence du service rendu et de l'existence d'une demande, l'entrepreneur a fini par obtenir une explication, officieuse: les acteurs du marché préfèrent tout simplement que les maillots vendus (de 60 à 80 euros dans le commerce) aient une durée de vie la plus limitée possible. Une obsolescence programmée, à l'instar de celle dont sont accusés les fabricants d'électroménager ou de produits électroniques. Le directeur marketing d'un club de L1 a confié à l'ATP une explication supplémentaire: "Imaginez que l'idée vienne aux supporters d'enlever aussi les sponsors pour que le maillot soit plus beau..."
Ne démordant pas de la pertinence de son idée, le patron d'Ultex a décidé de commercialiser à plus petite échelle un "kit de déflocage" permettant aussi de "transférer" un nouveau nom. Les gens peuvent composer en ligne celui qu'ils ont choisi pour recevoir le nouveau flocage, dont la pose ne nécessite, là aussi, qu'un fer à repasser. "Nous avons déjà beaucoup de demandes de clients parisiens, qui demandent Pastore. Marseillais aussi, pour effacer Brandao."
Réponse originale à la mobilité professionnelle – que certains qualifient de mercenariat – des footballeurs, l'invention de Pierrick Uneterre finira peut-être par trouver un marché qui ne s'arrêtera pas au 31 août.
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Sidney By Night