Top 10 : les aventures extraordinaires des Bleus sous Domenech
Durant le long mandat de Raymond Domenech, l\'équipe de France a été souvent ennuyeuse sur le terrain, mais rarement en dehors.
1. La séance d'autocritique de Rennes
France-Bosnie, premier match de l'ère Domenech, le 18 août 2004 à Rennes, ne s'est pas tout à fait arrêté au coup de sifflet final pour les joueurs. Il avait aussi commencé quelques jours avant. Le nouveau patron des Bleus a la bénédiction de tous pour rétablir une nouvelle discipline au sein de la sélection après son crash de 2002 et son échec de 2004. D'emblée, il impose de nouvelles règles qui déconcertent ou irritent une partie des internationaux, habitués à la gestion placide de Jacques Santini: interdiction des téléphones portables pendant les soins, protège-tibias obligatoires à l'entraînement, petits déjeuners en commun. Mais dans la foulée du match nul face aux Bosniens, c'est un autre rituel qui les attend, sous la forme d'une séance d'autocritique collective. Le décrassage mental dure jusqu'à deux heures trente du matin.
À la fin du mois, la sélection étant de nouveau réunie à Clairefontaine en vue du premier match qualificatif pour la Coupe du monde 2006, L'Équipe titre "Au bord de la crise nerfs" et se fait l'écho de la rébellion des "cadres". Vincent Duluc écrit notamment que, lors du fameux débriefing, Fabien Barthez a dit n'avoir rien à déclarer, avant de se rasseoir. Lui et Robert Pires envisageraient même de quitter la sélection. L'agitation cesse les jours suivants et France-Israël s'achève sur un 0-0. L'insurrection, ce sera pour plus tard.
2. La fuite de Pires
13 octobre 2004, La France se déplace à Nicosie pour affronter l’équipe de Chypre. La France peine dans ces éliminatoires de Coupe du monde (deux nuls pour une seule victoire), la faute notamment aux joueurs présumés cadres qui n’assument pas la succession des Desailly, Thuram, Makelele ou encore Zidane. Robert Pires est de ceux-là, lui dont on ne sait plus sur le terrain s'il traîne des pieds ou s'il se traîne simplement. Titulaire sur le côté gauche, sa prestation est tellement décevante (même Pierre Ménès lui mettra un inhabituel – mais encore très indulgent – 4,5 dans L'Équipe) que Domenech décide de le sortir à la mi-temps pour le remplacer par Daniel Moreira. Traumatisé, le milieu d’Arsenal refuse de rejoindre ses coéquipiers sur le banc de touche et part s’isoler sur le parking du stade. "Si la voiture d'Arsenal avait été là, je serais parti à l'aéroport et j'aurais attendu mes coéquipiers dans l'avion privé affrété par le club".
Dans une mémorable interview à France Football (intitulée "Avec Domenech, on déchante"), le 29 octobre, Bob vide son sac et réclame le respect de ses privilèges. "Rien dans l'attitude du sélectionneur ne me permet de penser qu'il me fait confiance à 100%. Non, j'ai l'impression d'être à l'école, d'avoir vingt ans et de commencer à jouer au foot". Robert Pires ne sera plus jamais appelé chez les Bleus.
3. La main sur le cœur
En septembre 2005, les Bleus emmenés par leur nouveau capitaine, Zinédine Zidane, partent affronter l’Irlande pour un match importantissime en vue de la qualification pour la Coupe du monde. La veille du match, Zidane reçoit un appel de Jacques Chirac, alors président de la République. Du moins c’est ce qu’il croit: il s’agit en réalité de Gérald Dahan, un imitateur qui officie sur Rires et Chansons. Le “président” demande au capitaine de convaincre ses coéquipiers de poser leur main sur leur cœur pendant l’hymne national, joué avant le match. Le lendemain, au moment où l’hymne commence à retentir, chaque joueur prend la pose, avec sûrement une pensée pour Jacques Chirac. Une histoire abracadabrantesque.
4. La sélection de Jurietti
À l'automne 2005, les Français doivent valider leur qualification pour la Coupe du monde en gagnant en Suisse ou à domicile face à Chypre. Comme souvent en équipe de France, Domenech est obligé d’appeler des joueurs en renfort en raison des blessures de dernière minute, mais il surprend tout son monde en convoquant Franck Jurietti pour remplacer Gael Givet.
À trente ans, le latéral bordelais ne s’attendait plus à être appelé et même si cette sélection récompense son bon début de saison, elle parait difficile à expliquer. Leur proximité dans le jeu? Une tendresse pour le joueur croisé au centre de formation de Lyon? L’expression de la faible marge de manœuvre laissée au sélectionneur par le retour de Zidane? Toujours est-il que Domenech pensera à immortaliser cette convocation en faisant entrer Jurietti dans les arrêts de jeu de France-Chypre (4-0), à cinq secondes du coup de sifflet final. Un record.
5. Le film de Vikash
Coupe du monde 2006 : Vikash Dhorasoo, joueur réputé pour sa singularité, prépare sa reconversion et s’offre sa première expérience de cinéaste en pleine Coupe du monde. Domenech, homme de théâtre, ne s’en offusque pas et protège même l’artiste en herbe en lui libérant un maximum de temps libre. En réalité, Dhorasoo est chargé par le musicien et cinéaste Fred Poulet de se livrer chaque jour à une petite introspection filmée avec une caméra super 8. Le destin personnel de Vikash au sein d’une équipe finaliste de la Coupe du monde fait le reste. Ses coéquipiers ont la gentillesse de lui faire une belle publicité en lui promettant des poursuites judiciaires si jamais ils apparaissaient dans le film, mais le succès de ce dernier restera relatif.
6. Le périple dans le brouillard des Féroé
Les Bleus doivent se rendre aux Îles Féroé pour y disputer une rencontre des qualifications à l’Euro 2008, le 13 octobre 2007. Le brouillard qui sévit sur l'archipel contraint les Bleus à décoller avec deux heures de retard. Le long périple peut commencer. Contraint de faire une escale à Aberdeen pour effectuer le plein de carburant, l'avion est empêché de repartir d’Ecosse par les conditions météorologiques. Pour des raisons techniques, l'appareil est ensuite dérouté vers la Norvège, où les Bleus passent la nuit.
Le match est prévu à 17 heures et l’absence d’éclairage dans le stade ne permet pas d’envisager un report. Malgré un brouillard persistant, l’avion des Bleus finit par décoller aux alentours de midi. Le groupe arrive sur place trois heures avant le coup d’envoi. Ces péripéties n’ont pas d’incidence sportive, puisque les Bleus l'emportent 6 à 0, mais elles les obligent à prolonger leur séjour. En effet, l’équipage de l’avion ne peut être opérationnel avant onze heures après son atterrissage.
7. Les hélicoptères de Tignes
28 mai 2008 : L'équipe de France finit sa préparation pour l'Euro à Tignes, lieu de pèlerinage des Bleus depuis le sacre de 1998. Le groupe est composé de trente joueurs, il doit être réduit à 23. Les joueurs sont invités à rejoindre leurs chambres et à attendre le passage du sélectionneur. Alors qu'en 1998, Aimé Jacquet avait été surpris du départ précipité des exclus en pleine nuit, la Fédération a tout prévu avec deux hélicoptères affrétés pour redescendre les joueurs dans la vallée.
Les caméras filment, de loin, l'embarquement de Landreau, Flamini, Mexes, Diarra, Escudé, Cissé et Ben Arfa, et les images font le tour des télévisions. Deux ans plus tard, Domenech choisira d'annoncer directement une liste des 23.
8. La demande en mariage
17 juin 2008, la France vient de perdre son troisième match de poule dans ce qui était presque un huitième de finale face à l’Italie après son effroyable non-match contre la Roumanie et sa lourde défaite face à des Pays-Bas en totale réussite. On retiendra moins de ce match la blessure idiote de Ribéry en début de match, ni le penalty assorti d'une expulsion consécutif à la faute de débutant d'un Abidal dépassé, que son épilogue télévisuel.
À l'issue de sa déclaration d'après-match, au micro de M6, Raymond Domenech lance: "J'ai juste une chose à dire aujourd'hui, je n'ai qu'un seul projet, c'est d'épouser Estelle. Donc c'est aujourd'hui que je lui demande." Ce n'était pas le jour, ni le moment. Sur le plateau de 100% Foot, Estelle Denis se décompose en même temps que les derniers vestiges de crédibilité du sélectionneur national.
9. La pétition de Christophe Dechavanne
18 novembre 2009 : la France se qualifie pour la Coupe du monde grâce à un but de Gallas après un contrôle de la main de Thierry Henry. Domenech pense pouvoir respirer enfin, mais sa satisfaction à l'issue de cette victoire piteuse est de nouveau à contre-courant du sentiment général. L'action litigieuse déchaîne les commentaires et prend l'ampleur d'un psychodrame national doublé d'un scandale international.
Christophe Dechavanne, l’animateur de la Roue de la fortune, réclame que la France rejoue le match contre l’Irlande. Il exprime son point de vue dans Le Monde en reprenant le “J’accuse” de Zola et lance une pétition sur Internet, qui obtiendra 15.000 signatures. Les débats occupent les médias durant quelques jours, avec des intervenants aussi qualifiés que Jacques Attali, Christophe Barbier ou Jean-Michel Aphatie. Il n'était pas besoin de réclamer justice, la peine sera exécutée six mois plus tard.
10. Le bouquet final
Le règne de Raymond Domenech s'est achevé sur un véritable feu d'artifice, qu'on ne peut qu'énumérer ici: l’affaire Zahia, le dentiste privé de Gallas en jet privé affrété par la FFF, la défaite contre l’équipe réserve de la Chine, les critiques de l'hôtel des Bleus par Rama Yade puis le boycott de celle-ci par les Tricolores, les insultes de Nicolas Anelka à la mi-temps de France-Mexique, la une de L'Équipe, Franck Ribéry en tongs à Téléfoot, le vol plané du chrono de Robert Duverne, les joueurs qui refusent de descendre du bus, la démission burlesque de Jean-Louis Valentin, la lettre lue par Raymond Domenech, la chasse au traître de Patrice Évra, Roselyne Bachelot qui voit des larmes dans les yeux des joueurs écoutant son vibrant discours, Parreira esquivé par son homologue à la fin du match France-Afrique du Sud, Thierry Henry auditionné par Nicolas Sarkozy et la création d'une commission parlementaire pour étudier l’élimination des Bleus. Magistral.
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Merci à Borianvis II, Espinas, Miklos Lendvai, Oook, Rabbijacob, Sens de la dérision, Tonton Danijel pour leurs contributions.