Isabey Road
Passe en retraite – Venu tardivement de la Ligue 2 et des rigueurs de la Franche-Comté, Mickaël Isabey laissera un beau souvenir de footballeur.
Né près de Pontarlier dans le Haut-Doubs, le 20 février 1975 par un hiver sibérien comme seule la région peut en connaître [1], Mickaël Isabey était destiné à intégrer le centre de formation du FC Sochaux Montbéliard, mais il n’en fut rien. À vingt-et-un ans, il joue en effet sous les couleurs du Besançon Racing Club, en National. Conscient qu’il ne vivra pas du foot mais décidé, tout de même, à faire carrière dans le milieu sportif, il prépare en parallèle un DEUG de moniteur municipal de sport.
Des débuts dans l'anonymat
Repéré par Jacky Nardin et Faruk Hadzibegic, Mickaël Isabey est aussi convoité par Châteauroux, qui joue aussi en D2. Le choix du cœur prime: le joueur rejoint les rangs sochaliens à l’été 1997. Remplaçant pour le premier match de la saison, il entre en jeu à la 75e minute et commence sa carrière sochalienne par une large victoire 4 buts à 1 face à Martigues. Quelques mois plus tard, il retrouve cet adversaire pour le match de la montée en première division. À 1-1 à la pause, Jean Fernandez prend la décision de faire entrer Mickaël Isabey, qui entre aussi dans l'histoire du club en marquant le but de la victoire et en offrant un retour en Première division au club doyen de l'élite [2].
La saison suivante, les mauvais résultats du club doubiste poussent Hadzibegic puis Anziani à se passer du milieu de terrain virevoltant. Il essaie de partir à la trêve à Valence mais son transfert est refusé par la DNCG, et finit la saison avec la réserve pendant que l'équipe première échoue à se maintenir. De retour en D2, le club –présidé par Jean-Claude Plessis depuis l’hiver 99 – veut reconstruire une équipe avec des joueurs expérimentés (Jean-Michel Ferri arrivé de Nantes) et sa jeunesse du centre de formation (Frau, Ljuboja). N’étant ni l’un, ni l’autre, Isabey est prêté à Besançon, toujours pensionnaire de National. Il y retrouve ses anciens amis et… un statut de semi-pro qui l’oblige à tenir un emploi à mi-temps dans un Crédit Agricole local.
Il retrouve cependant du temps de jeu (33 matches) et participe à un beau parcours en Coupe de France. Le BRC élimine le grand RC Lens en 32e de finale, 2-1), mais se fait sortir au tour suivant par un autre pensionnaire de D1, Strasbourg, au terme d'une séance de tirs aux buts qui le voit rater le sien…
Le retour gagnant
En 2000/01, Sochaux est toujours en D2 mais possède un groupe (Frau, Pedretti, Santos, Meriem) qui tourne bien et dont l’ambition est bel et bien de remonter en D1. Jean Fernandez réintègre Isabey dans une stratégie où sa vitesse et son jeu tourné vers l’avant ont toute leur place. Il dispute 24 matches et inscrit 4 buts. Le club survole la saison et s’offre une montée en D1 et un titre de champion de D2 en guise de cerise sur le gâteau.
L’équipe de 2001/02 change peu. Sa solidité défensive construite en D2 et sa jeunesse dorée lui valent une huitième place, qualificative pour l’Intertoto. Isabey participe à 26 matches et inscrit son premier but en D1 contre l'OL, futur champion. L’ironie veut que, malgré sa taille de Jockey (1,69m), ce soit d’une magnifique et aérienne tête plongeante qu’Isabey entre dans la cour... des grands. Il confirme son statut d’élément essentiel du groupe. Le club termine la saison 2002/03 à la cinquième place, et accède à la finale de la Coupe de la Ligue, perdue contre l’AS Monaco de Didier Deschamps. Ce n’est que partie remise pour les Lionceaux.
En 2003/04, la coupe de l'UEFA offre des rencontres prestigieuses: Sochaux se débarrasse facilement de Dortmund au deuxième tour (2-2 puis 4-0 à Bonal), sans Isabey resté sur le banc. Contre l’Inter de Milan, il est titulaire dans une équipe qui tient tête aux Italiens à San Siro (0-0), mais est éliminée par le 2-2 concédé à domicile. Le plus beau reste à venir en finale de la Coupe de la Ligue contre le FC Nantes, qui emmène les deux équipes jusqu'à la séance des tirs au but. Celui d'Isabey est arrêté par Landreau. Il reste prostré dans son coin, mais quelques instants plus tard, le gardien nantais tente une malheureuse Panenka que Richert stoppe sans avoir bronché de sa ligne de but. le FCSM termine encore le championnat à la cinquième place. Avec 5 buts et 36 matches dont plusieurs avec le brassard de capitaine, Isabey justifie son statut de cadre exemplaire de l’équipe.
Coupe de France 2007 : La cicatrice
En 2004/05, Sochaux a son ticket pour la coupe de l'UEFA. Le brassard de capitaine ne quitte plus Isabey. Grâce à la nouvelle formule de la C3, Sochaux se retrouve dans la poule de qualification de Newcastle et du Sporting Portugal. Mickaël mène le groupe corrigé à domicile par des Anglais réalistes (0-4). Il est encore le capitaine d’une équipe revancharde et victorieuse sur le terrain des Portugais (0-1), avant l'élimination par Panathinaikos en seizièmes de finale.
Isabey dispute 37 matches (un but) de la saison de L1, un peu plus compliquée que les précédentes. Les Jaune et Bleu termineront à la dixième place, voient Bijotat remplacer Lacombe, en partance pour le PSG, et conserver un rôle de titulaire à Isabey. L’équipe flirte pour la première fois depuis sa remontée avec la relégation et sa quizième place en fin de saison a raison de Bijotat. Alain Perrin redonne des couleurs au club sans changer le statut d'Isabey. Il mène l’équipe à une septième place en championnat, et surtout en finale de la Coupe de France, que le club n’a plus remportée depuis 1937. Malheureusement, une querelle entre Isabey et Perrin, probablement née lors de la demi-finale contre Monceau-les-Mines, aura des conséquences particulièrement cruelles pour le joueur. Perrin a le dernier mot et exclut Isabey de la feuille de match, qui ne sera que spectateur de la victoire du FCSM sur l’OM (2-2, 4-5 TàB). Tous les supporters du club et du joueur se souviendront de lui, en costard cravate, versant des larmes sur la pelouse du Stade de France. Des larmes d’une tristesse que Richert ne réussira pas à réconforter, et une ligne dans son palmarès que le joueur doit regarder avec amertume.
"Tous mes potes sont partis, moi je reste à Sochaux. Je n'ai pas joué la finale de la Coupe de France. Et en plus, je ressemble à Jean-Jacques Goldman. Merde!"
Les diplômes avant la fin
Le départ de Perrin ouvre une saison de transition pour le FC Sochaux. Mickaël Isabey reste un joueur référent sur qui peuvent s'appuyer les différents entraîneurs qui se succèdent sur le banc doubiste: Hantz, Ruty puis Gillot. La saison 2008-09 est sa dernière à Sochaux. Gillot inscrit le groupe pro dans un schéma où les jeunes pousses du centre de formation (Martin, Boudebouz) ont leur place et qui renvoie Isabey sur le banc, dont il sort que comme "joker de luxe". Il tournera la page FCSM sur une saison de 27 matches joués en championnat.
Dès Juin 2009, il rejoint Dijon, pensionnaire de L2, dont l’entraîneur, Faruk Hadzibegic, celui-là même qui l’avait repéré à Besançon, est partant, remplacé par Carteron. Il s’intègre bien au groupe, plait aux supporters (il est élu à plusieurs reprises joueur du match), mais n'est pas un titulaire indiscutable. Sentant la retraite approcher, le joueur prépare le diplôme d’entraineur de football à Clairefontaine, qu’il obtient en juin 2009. Dijon, neuvième, reste en L2 la saison suivante, qui sera la dernière de Mickaël, malgré une accession dans l'élite qu'il ne retrouvera pas. Son contrat est résilié d’un commun accord le 13 octobre 2011.
Presque un an plus tard, en août dernier, Mickaël Isabey annonce sa retraite à trente-sept ans. La nouvelle n’est pas stupéfiante pour ceux qui l’apprécient, mais elle leur laisse un sentiment de nostalgie. Prouvant, s’il le fallait, qu’un état d’esprit et un dévouement à son club suffisaient à satisfaire un public, au-delà des performances et du palmarès.
[1] Aucune recherche sur les températures à Pontarlier ce jour-là n’a été entreprise, mais le pari est pris que le thermomètre ne dépassait pas le 0°C.
[2] 65 participations, cette saison 2012/13 comprise.
BONUS : LA CHANSON DU FROMAGE