Munaron 1983, le caillou de Bollaert
Un jour un but – Le 23 novembre 1983, le Racing Club de Lens inscrit un but miraculeux à la dernière minute d'un match aller de Coupe UEFA contre Anderlecht. Grâce à un caillou.
Même le but d'Erwin Vandenbergh, inscrit à la 87e minute n'aurait rien changé. Ce Lens-Anderlecht du 23 novembre 1983, huitième de finale aller de la Coupe de l'UEFA, sera jeté dans la corbeille des matches à oublier. L'enthousiasme des hommes de Gérard Houllier s'est heurté à l'expérience d'un monument du foot européen, qui a tranquillement attendu son heure pour porter l'estocade et rendre Bollaert à l'évidence.
Pièces à conviction
C'est sur ce score de 0-1 que l'on atteint la 90e minute. L'arbitre écossais, Mister Syme, tarde à siffler la fin et les joueurs semblent s'impatienter. Un ultime ballon lensois envoyé dans le camp belge provoque une succession d'actions complètement décousues. Un défenseur d'Anderlecht tente de contrôler mais il est bousculé par un partenaire. Le ballon est récupéré par Philippe Piette, qui se rue vers l'axe, mais son tir est contré par son partenaire Tlokinski, puis un défenseur belge dégage sur un coéquipier. Finalement, Kenneth Brylle prend la décision qui s'impose: on calme le jeu et on assure une belle passe à ras de terre vers le gardien. Le ballon roule sur la pelouse, Morten Olsen le laisse passer entre ses jambes et Jacky Munaron s'apprête à le contrôler tranquillement du pied droit.
Mais le gardien belge rate son contrôle. Le ballon s'échappe inexplicablement et franchit la ligne de but. Contre toute attente, Lens a égalisé. C'est la stupeur à Bollaert, qui se réveille soudainement. On voit alors Munaron ramasser quelque chose sur la pelouse puis courir vers l'arbitre pour lui montrer. Mais l'homme en noir ne l'écoute pas. Il valide le but et siffle aussitôt la fin du match. Alors que ses coéquipiers entrent aux vestiaires, Munaron revient dans sa surface et ramasse à peu près tout ce qu'il y trouve: des cailloux, des canettes, des briquets. Il prend la direction des vestiaires les gants chargés de pièces à conviction et manifeste sa colère à tous les micros qui se tendent.
Pas de réclamation
Dans la tribune située derrière la cage, des heurts entre forces de l'ordre et supporters belges ajoutent un peu de confusion. À la télévision, les images assez violentes alternent avec les ralentis de l'action litigieuse. Les commentateurs parviennent à distinguer un caillou qui vient frapper le ballon au moment où le gardien belge négocie son contrôle. Avec cette égalisation miraculeuse, Le RC Lens reste invaincu en Coupe de l'UEFA. Les plus acharnés voient même ce match nul comme un bon présage: dans les deux tours précédents, les Sang et Or se sont qualifiés après avoir tenu leur adversaire en échec à l'aller. Curieusement d'ailleurs, les Lensois n'ont affronté durant cette aventure que des clubs belges: La Gantoise au premier tour (1-1 à Gand, 2-1 à Bollaert), Antwerp au deuxième (2-2 à Bollaert et 3-2 à Anvers) et enfin Anderlecht, le tenant de cette Coupe de l'UEFA.
Il semble que la colère de Munaron se soit calmée dès qu'il a quitté la pelouse de Bollaert. Certes, le but qu'il a encaissé est bien l'incidence de l'irruption d'un corps étranger, mais le caillou incriminé provient de toute évidence de la tribune occupée en majorité par des supporters d'Anderlecht. La réclamation se serait sans doute retournée contre le club bruxellois. La morale, finalement, restera sauve. Au match retour au Parc Astrid, Anderlecht parviendra à arracher une courte victoire (1-0), suffisante pour poursuivre son chemin, qui l'emmènera de nouveau jusqu'en finale. Le caillou de Jacky Munaron, s'il demeure le but le plus célèbre de l'histoire européenne du Racing Club de Lens, n'est qu'un simple gag dans celle du RCS Anderlecht.