La Gazette du Mondial, numéro 7
Simulation : la FIFA en reste aux bonnes intentions
La FIFA et l'International Board avaient annoncé il y a plusieurs mois que la priorité de l'arbitrage lors de la Coupe du monde devrait être la lutte contre les simulations. Les arbitres eux-mêmes ont été longuement briefés et spécifiquement entraînés sur ce chapitre, comme ils l'avaient été en 98 pour le tacle "par derrière". Comme la Commission de discipline était en outre invitée à se saisir des images vidéo pour sanctionner les performances théâtrales ayant échappé à l'arbitre, on attendait presque avec impatience la première application de ces dispositions disciplinaires.
Cela n'a pas tardé avec les convulsions de Rivaldo simulant une convulsion cérébrale après que Hakan Ünsal ait propulsé un peu trop rageusement le ballon sur sa cuisse. L'arbitre coréen, M. Kim Young-joo avait sorti le carton pour le joueur turc. Précisons que cette expulsion était parfaitement méritée, ce genre de geste d'énervement devant être ainsi sanctionné, indépendamment de ses effets réels ou non. Il n'empêche que, trahie par les caméras et vue par des millions de téléspectateurs, la "faute" de Rivaldo n'est pas plus excusable et qu'elle entre parfaitement dans la définition des comportements adoptés délibérément pour induire l'arbitre en erreur.
La FIFA tenait donc son affaire exemplaire, idéale pour marquer les esprits et appliquer sa politique de dissuasion… Un peu trop exemplaire peut-être, car touchant au Brésil et à une de ses stars, déjà gratifiée dans ce même match d'un penalty sympa. Le verdict n'a donc consisté qu'en une amende de 7800€, sans la moindre suspension. Autant dire, un coup d'épée dans l'eau qui ne trouble pas le moins du monde la sérénité du buteur barcelonais, lequel a affirmé n'avoir aucun regret… En matière de dissuasion, la perspective d'une amende ne pèsera pas lourd dans la balance si un joueur a la possibilité de faire expulser un adversaire. On espérait une jurisprudence symbolique, à même de fixer les nouveaux standards de la discipline, et on se retrouve avec l'énième décision diplomatique de la Confédération mondiale, très forte dans le registre des grandes déclarations d'intentions, mais toujours aussi faible sur le terrain.
Figo home ?
Le Portugal nous a enfin offert le paradoxal réconfort de la chute d'un autre grand. Et les circonstances semblent ravaler le faux-pas français à un accident de parcours, d'abord parce que l'opposition n'est a priori pas de même qualité entre le Sénégal et les Etats-Unis. Le point commun est peut-être le flagrant déficit d'engagement des favoris, face à des équipes acharnées et disciplinées. On a vu que cela payait aussi pour les Coréens… Mais la faillite portugaise en première mi-temps est autrement plus spectaculaire, avec un festival d'erreurs défensives. Le premier but résulte d'un mauvais renvoi de Vitor Baia, le second est contre son camp et le troisième doit beaucoup à un marquage très symbolique. La charnière Couto-Jorge Costa réhausse subitement la perception du niveau de la nôtre.
Pour parer à ce désastre d'un 3-0 au bout de 36 minutes, les ressources collectives et offensives des Portugais sont apparues notoirement insuffisantes, avec des erreurs de transmission constantes et une faculté certaine à s'empêtrer dans les rangs américains, à l'image d'un Joao Pinto hors du coup. Pauleta n'a donc eu qu'un nombre famélique de ballons exploitables, parfois bien loin du but. Quant à Figo, il semble réellement diminué par sa blessure à la cheville, ce qui pose la question du report de son opération à la cheville. Après la blessure de Zidane, on va finir par penser que le Real, c'est mauvais pour la santé.
Le programme réserve à la sélection lusitanienne un affrontement contre la Pologne, elle aussi dépourvue de points, avant un ultime rendez-vous contre des Coréens injouables à domicile… Le scénario d'un retour prématuré va se propager aussi vite au Portugal qu'en France.
Douche irlandaise pour Völler
On a longtemps pensé que l'Allemagne, après avoir été extrêmement prolifique contre l'Arabie, allait cette fois remporter une victoire à l'efficacité, par un écart minimal que Kahn préserverait jusqu'au bout. Mais les Irlandais sont une nouvelle fois revenus au score, comme contre le Cameroun. A la différence près qu'ils n'ont arraché cette égalisation que dans les ultimes minutes… Miroslav Klose prend la tête du concours du buteur-surprise de la compétition (remporté à l'Euro 2000 par Nuno Gomes), mais son équipe termine son second match sur un revirement de fortune qui ne devra pas se confirmer. En attendant le résultat de Cameroun-Arabie saoudite, le dernier match contre le devrait valoir son pesant de cacahouètes.
Histoire de continuer à torpiller les clichés, soulignons que l'Eire a posé des problèmes aux Allemands avec un jeu court et vif et grâce à l'activité tout en remises de moyens gabarits comme Duff, Holland, Keane (Robbie) ou Kinsella. Il semble loin le temps où il s'agissait essentiellement pour les Verts de balancer de grands ballons sur Cascarino… Ceci dit, c'est une déviation de la tête de l'immense Quinn, entré en cours de jeu, qui a offert le but à Robbie Keane.
Délices et supplices d'Asie
Le mardi asiatique a réservé tous les sorts possibles aux engagés du continent: victoire pour la Corée, nul pour le Japon et défaite pour la Chine. Si les deux premiers ont choisi de miser délibérément sur une vitesse d'exécution qui contribuera peut-être à créer un nouveau style de jeu, les Chinois ont péché par leur lenteur. L'application n'y suffit pas, et Milutinovic ne peut résoudre des lacunes foncières. Le Costa Rica en profite pour remporter sa troisième victoire en Coupe du monde, à la faveur de deux buts marqués coup sur coup à l'heure de jeu.
Dans ce Mondial généreux en buts, le Japon et la Belgique ont interprété l'agréable scénario d'une course-poursuite mouvementée au cours de la seconde période. L'ouverture du score par Wilmots (qui prouve qu'on n'a pas besoin d'être jeune pour marquer des buts acrobatiques) a eu l'effet de libérer les joueurs de Troussier, dominés pendant près d'une heure. L'avantage donné quelques minutes après l'égalisation de Suzuki par un Inamoto très déterminé aurait dû faire leur bonheur, mais Van der Heynden signa la renaissance flamande, d'un lob fatal. L'expérience belge privait ainsi le pays organisateur de sa première victoire en Coupe du monde. Ce nul laisse aussi la Russie, victorieuse de la Tunisie (2-0), prendre l'avantage dans le groupe H.
Le première victoire historique revient donc aux seuls Coréens, qui ont écœuré la Pologne, bien loin de l'euphorie de son parcours qualificatif. Il faut dire qu'en Europe, il n'y a pas d'équipes aussi survoltées, capable de maintenir un rythme infernal et un mouvement perpétuel pendant presque 90 minutes. Presque, car le début de match a été timoré, et Olisadebe aurait pu en profiter pour marquer et donner une autre tournure à la rencontre. Ses coéquipiers disparurent ensuite dans un maëlstrom rouge. La foi déplace les montagnes, mais l'orgueil les fait tomber en poussière. Ce proverbe qui n'est pas coréen devra être rappelé par Gus Hiddink s'il ne veut pas que son groupe bascule tout à fait dans la même euphorie que ses supporters.